JERUSALEM (AP) — La réponse de Barack Obama à la révolte en Egypte est très critiquée en Israël, où beaucoup jugent sa position naïve et estiment que les pressions exercées par la Maison Blanche pour pousser Hosni Moubarak vers la sortie pourraient être une stratégie risquée.
Ces détracteurs, parmi lesquels de hauts responsables israéliens qui se sont abstenus de toute critique publique, affirment qu'Obama répète les erreurs de certains de ses prédécesseurs soucieux de promouvoir les droits de l'Homme et la démocratie au Moyen-Orient.
Les autorités israéliennes n'ont pas critiqué ouvertement le président américain, mais ne cachent pas leur crainte de voir les islamistes profiter de la situation. "Je ne pense pas que les Américains comprennent la catastrophe dans laquelle ils plongent le Moyen-Orient", affirme le député et ex-ministre Benyamin Ben-Eliezer, un ami de longue date de Moubarak.
"S'il y avait des élections comme les Américains le veulent, (...) les Frères musulmans remporteraient la moitié des sièges au Parlement", a-t-il déclaré à la radio de l'armée israélienne. "Ce serait un nouvel islam radical extrémiste au Moyen-Orient."
Il y a une trentaine d'années, le président Jimmy Carter avait appelé un autre allié de Washington, le shah d'Iran, à assouplir sa poigne de fer, avant de voir son régime autocratique renversé par la Révolution islamique. Plus récemment, des élections soutenues par les Etats-Unis ont renforcé le Hezbollah au Liban, le Hamas dans les territoires palestiniens et le camp ultra-conservateur en Iran.
"Jimmy Carter restera dans l'histoire américaine comme 'le président qui a perdu l'Iran''', a jugé cette semaine l'analyste Aluf Benn dans le quotidien israélien "Haaretz". "On se souviendra de Barack Obama comme du président qui a 'perdu' la Turquie, le Liban et l'Egypte."
"Si on permet à des forces extrémistes d'exploiter des processus démocratiques pour arriver au pouvoir (...), comme cela s'est passé en Iran et ailleurs, le résultat sera mauvais pour la paix et la démocratie", a déclaré de son côté le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou la semaine dernière.
Hosni Moubarak jouit d'une grande considération en Israël pour avoir scrupuleusement respecté l'accord de paix israélo-égyptien depuis son accession au pouvoir il y a 30 ans. Si les relations entre les deux pays ont souvent été fraîches, la stabilité de l'Egypte de Moubarak a permis à Israël de réduire sa présence militaire à la frontière avec son voisin.
Le président égyptien a aussi collaboré avec Israël pour contenir le gouvernement Hamas dans la Bande de Gaza et a servi d'intermédiaire entre l'Etat hébreu et le monde arabe. Pour les Israéliens, il est essentiel que le prochain dirigeant égyptien continue à honorer l'accord de paix.
Face à la contestation en Egypte, l'administration Obama a d'abord exprimé sa confiance dans le gouvernement du Caire avant de menacer de couper l'aide américaine et enfin de presser implicitement Moubarak de céder le pouvoir. "Nous voulons voir des élections libres, justes et crédibles", a déclaré mercredi le porte-parole du département d'Etat P.J. Crowley. "Le plus tôt sera le mieux."
Pour ses détracteurs israéliens, Washington a perdu de sa crédibilité en lâchant Moubarak. Ils estiment que les Etats-Unis se sont hâtés de le "poignarder dans le dos", selon Eytan Gilboa, un expert des Etats-Unis à l'université Bar-Ilan.
"Pour Israël, (les Américains) auraient pu faire pression sur Moubarak, mais pas aussi ouvertement, car cela pourrait entraîner une perte de confiance dans les Etats-Unis chez tous les pays arabes pro-occidentaux du Moyen-Orient, et également une perte de confiance dans Israël", ajoute M. Gilboa. AP