mercredi 5 janvier 2011

« L’objectif du mur, c’est
 la terre, pas la sécurité »

publié le mardi 4 janvier 2011
entretien avec Khateb Abou Rahmah

 
Khateb Abou Rahmah, coordinateur du Comité populaire 
de Bil’in en charge de la communication 
et des relations avec les médias, explique la portée de la lutte non violente de Bil’in à proximité immédiate 
du mur qui balafre aujourd’hui 
la Palestine.
Pouvez-vous revenir sur la particularité de ces manifestations du vendredi  ?
Khateb Abou Rahmah. Au début, en 2005, l’organisation de trois ou quatre manifestations par semaine devenait difficile. Nous avons donc décidé d’engager des actions originales, non violentes et créatives tous les vendredis. Parmi les très nombreuses initiatives de ce type menées depuis, citons par exemple celle d’activistes non violents, palestiniens et israéliens, le torse recouvert d’une grille sur laquelle on pouvait lire  : «  Ces barrières-là devront être arrachées par les soldats.  » Ou encore des manifestants aux effigies de Mandela, Gandhi ou Luther King défilant en tête du cortège. Les petits-fils de Gandhi et de Martin Luther King sont par ailleurs venus à Bil’in soutenir notre action non violente. Récemment nous avons symbolisé en reproduction la flottille humanitaire pour Gaza. Une immense clé a été réalisée pour exprimer l’exigence du retour des réfugiés sur leur terre.
Si, au début, certains villageois n’étaient pas favorables et doutaient de cette forme d’action, cela a changé aujourd’hui en raison notamment des acquis gagnés par la lutte.
Qu’avez-vous obtenu par votre action  ?
Khateb Abou Rahmah. La Cour de justice israélienne a ordonné que le mur soit déplacé. Cent hectares vont ainsi être restitués, une soixantaine aussi pour deux autres villages. Les paysans de Bil’in peuvent désormais se rendre sur la partie récupérée de leurs terres. Dans le même temps, cette même cour de justice a autorisé le maintien d’une colonie déjà construite illégalement sur notre terre. Elle a seulement stoppé un nouveau projet de construction.
Qu’en est-il des soutiens à l’égard de votre mouvement et de la suite  ?
Khateb Abou Rahmah. Les participants à la 5e conférence internationale de la paix qui s’est tenue à Bil’in en avril dernier, dont les représentants officiels de 23 pays et de l’ONU, ont exprimé leur solidarité à notre résistance non violente. De même de la part du gouvernement palestinien, comme de tous les leaders des mouvements politiques, y compris le Hamas. Aujourd’hui ces manifestations non violentes du vendredi se sont élargies à une quarantaine de villages. 
Le président Mahmoud Abbas a récemment appelé à poursuivre cette forme de lutte tant que la colonisation se poursuivrait. Nous sommes forts car notre lutte est juste, comme le sont nos droits. Nous bénéficions du soutien de nos partenaires, des médias et de la communauté internationale. Ce n’est pas en construisant le mur que des rapprochements s’effectueront entre Palestiniens et Israéliens. L’objectif final du mur, c’est de confisquer les terres et non d’assurer la sécurité.
Aujourd’hui notre action se poursuit à deux niveaux. Au plan local pour récupérer toutes les terres. Au niveau plus général, elle s’inscrit dans la lutte nationale du peuple palestinien pour la restitution de tous ses droits. Pour la destruction du mur, pour récupérer toutes les terres et obtenir le démantèlement des colonies.
Entretien réalisé par A.R.
publié par l’Humanité