mercredi 10 novembre 2010

Face au danger

J’avais auparavant dit, dans un article publié récemment dans le quotidien Al-Ahram, qu’Israël impose à l’Egypte un grand défi qui nécessite de notre part un intérêt majeur et une mobilisation semblable à celle de 1973. Si nous procédons à une autopsie de la mentalité israélienne d’aujourd’hui, en prenant compte des évolutions de ces dernières années, nous voyons pertinemment qu’Israël est loin de parvenir à un règlement pacifique du conflit du Moyen-Orient. Nous voyons aussi qu’Israël est plus que jamais disposé à utiliser le déséquilibre des forces pour réaliser ses intérêts et défier les puissances régionales et internationales. A tel point que Tel-Aviv a rejeté les pressions des Etats-Unis.
Ces tendances agressives (qui caractérisent les dirigeants israéliens) associées à la faiblesse des forces partisanes de la paix à l’intérieur de l’Etat hébreu ont fait que le danger soit plus imminent. Les contours de ce danger sont plus clairs. Dans un tel contexte, il est nécessaire de réexaminer les considérations d’ordre stratégique dans la région, afin de déterminer le moyen adéquat de traiter la situation.
Les multiples commentaires des lecteurs autour de ce sujet se sont divisés en quatre tendances-clés. La première était totalement en accord avec mon article et croit à une nécessaire relance du processus de développement en Egypte. Ceci même s’il faut repartir de zéro en ignorant tous les acquis réalisés par l’Etat égyptien ces dernières années. La deuxième tendance a vu, dans mon article, un appel pour s’intéresser à ce qui se passe à l’est de l’Egypte et non pas un appel au pessimisme. Elle a considéré que l’Egypte était capable de relever le défi des problèmes liés à Israël.
La troisième tendance a estimé qu’il fallait contrer cette « vigueur » israélienne en introduisant « des changements sur la scène politique interne », affirmant que, pour ressusciter l’esprit d’Octobre, il fallait garantir un climat de liberté, d’égalité et d’anti-corruption. Enfin, la quatrième tendance des commentaires s’est contentée de mettre en avant la question suivante : comment l’Egypte peut-elle récupérer sa puissance pour faire face à un tel défi ?
Pour récapituler, je dirais que seule la sauvegarde d’un équilibre stratégique global peut contrer les dangers. Pour parler plus en détail, l’un des dangers qui guettent l’Egypte est bien sûr la reprise de la colonisation par Israël, entraînant ainsi toute la région dans un nouveau conflit dont on ne peut guère présager ni les conséquences ni l’ampleur. Mais il va sans dire que ses retombées toucheront l’Egypte d’une manière ou d’une autre. N’oublions pas la prééminence militaire recherchée par Israël, qui se dote continuellement d’armes traditionnelles et d’armes de destruction massive. Mais le danger le plus menaçant est que cette prééminence militaire israélienne continue sans qu’une suprématie égyptienne similaire n’ait lieu. Si Israël est tentée par une infiltration au Sinaï, le côté égyptien devra y répliquer. Dans un tel contexte, la question qui se pose est la suivante : comment l’Egypte peut-elle accroître ses forces ?
De nombreux débats ont abordé les moyens par lesquels l’Egypte peut retrouver son rôle et son leadership régional. Ainsi, l’idée d’une adoption d’un projet régional a refait surface. D’aucuns se sont rappelés le projet national arabe proposé par l’Egypte de Nasser, afin de faire face à la colonisation et à l’occupation israélienne des territoires arabes. Ce projet appelait à réaliser l’unité militaire panarabe à travers un projet d’essor qui résiste au colonialisme et soutient la prise de décision arabe. Un deuxième clan a préféré opter pour la force tranquille (ou soft power) amenant l’Egypte à récupérer son rôle régional en détenant la capacité de changer les priorités par le recours à des outils véhiculant des valeurs morales et éthiques qui seraient plus attractives pour les autres pays.
Mais la force semble aujourd’hui tenir le haut du pavé. Dans ce cas, la force acquiert de nombreuses caractéristiques. Elle devient un outil pour la réalisation d’un objectif donné sans être une fin en soi. La force, loin d’être absolue, devient alors relative aux capacités de chaque Etat. Les éléments qui constituent les piliers de la puissance égyptienne sont axés autour de la terre, la population et le gouvernement. Pour ce qui est de la terre, elle se divise en trois éléments : la position géographique, la superficie et les ressources économiques.
Le deuxième élément, pilier de la force, est le nombre d’habitants. L’Egypte compte 87 millions d’habitants en 2010.
Le troisième élément est le régime politique. L’Egypte se caractérise par un régime politique stable gérant les affaires de l’Etat. Les décisions souveraines sont caractérisées par un grand rationalisme. Une politique qui a sauvegardé un équilibre militaire suffisamment fort pour défendre l’Egypte et garantir la sûreté et la sécurité de ses territoires.
Abdel-Moneim Saïd
Lien