Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
          La décision d’Abbas de reprendre les concertations directes  avec Israël enterre tout espoir de réconciliation palestinienne, écrit  Saleh Al-Naami.         

Rafah,  Bande de Gaza, le 23 mars 2009 - De jeunes Palestiniennes sur le balcon  de leur maison qui porte les terribles stigmates de toute la barbarie  sioniste - Photo : Abu Mustapha/Reuters
Le chef du gouvernement de Gaza, Ismaïl Haniyeh a donné  toute son importance aux funérailles du Major Général Amin Al Hindi,  membre du Conseil Révolutionnaire du Fatah (FCR) et ancien chef des  services secrets de l’Autorité Palestinienne qui est mort récemment à  Amman. La résidence, dans Gaza, ville natale de Hindi, où la famille  veillait le mort a reçu une attention toute spéciale de la part du  gouvernement de Haniyeh, sous la forme d’une assistance à la famille et  de la participation de forces de sécurité destinées à protéger les  officiels  venus rendre un dernier hommage au défunt. Haniyeh lui-même  présidait une importante délégation de membres du gouvernement du Hamas  et d’officiels.
Les journalistes et les commentateurs ont tenu à rester  pendant des heures lors de la veillée, à l’affût de tout propos échangé  entre les membres du Hamas et du Fatah  à cette occasion.
Les reporters font état d’un certain nombre de  rencontres en coulisses, l’une d’elles entre Haniyeh et Sakhr Bassisso,  membre du FCR, qui est venu de Ramallah à Gaza pour représenter le  président Mahmoud Abbas aux funérailles. Une fois la réunion rendue  publique, Haniyeh a appelé dans son discours la direction du Fatah à  hâter la tenue d’un dialogue avec le Hamas afin d’en terminer avec les  divisions en Palestine. Bassissi a immédiatement donné son accord pour  que bientôt ait lieu une réunion bilatérale entre les deux groupes .
La scène était presque surréaliste parce que quelques  heures seulement  avant l’annonce de la mort d’Al-Hindi, le Hamas et le  Fatah se livraient à une guerre des mots sans précédent. Haniyeh avait  accusé l’Autorité Palestinienne de livrer la guerre à l’Islam et tous  ses symboles en Cisjordanie. Au cours de son discours à une cérémonie  pour la Police de Gaza, Haniyeh avait établi une liste des attaques que  le gouvernement de Salam Fayyad mène contre l’islam Parmi elles, la   décision de renoncer à l’appel à la prière pour les mosquées situées  dans des zones proches des implantations juives, afin de ne pas déranger  les colons.
Haniyeh avait aussi durement critiqué le gouvernement de  Fayyad d’avoir empêché Sheikh Hamed Al-Bitawi, membre du parlement,  figure majeure du Hamas, qui dirige également l’Association des  Etudiants Islamiques Palestiniens, de donner la prière du Vendredi à la  mosquée Al-Aqsa. Il avait aussi rappelé que le gouvernement de Fayyad  avait licencié des milliers de prêtres leur interdisant de prêcher et de  donner des cours de religion, laissant ainsi 1000 mosquées sans office  et fermant 1000 centres enseignant le Coran en Cisjordanie. De même, les  comités zakat ont été interdits et leurs dirigeants arrêtés, traqués et  privés de leur emploi.  « Ils n’enlèveront pas la religion du cœur des  gens et ne réussiront pas dans leur guerre contre l’Islam parce que  c’est une guerre contre Dieu. » avait ajouté Haniyeh en colère.
Mahmoud Habbash, ministre des questions religieuses du  gouvernement de Fayyad, avait nié les accusations de Haniyeh en présence  du Président Abbas, mettant sur le même plan le Hamas et Israël. Selon  Habbash, le Hamas aurait interdit aux  factions religieuses dissidentes  toute participation active dans les mosquées de Gaza. Somme toute, les échanges amicaux  entre les deux groupes palestiniens  après la mort de Al-Hindi n’auront pas fait long feu. L’accord de  l’Autorité Palestinienne sur une relance de pourparlers directs avec  Israël a vite ramené les tensions sous les projecteurs. Le Hamas  a fait remarquer que tomber d’accord pour tenir des réunions en même  temps que relancer des négociations directes est une tentative de la  part d’Abbas pour créer un effet d’entente nationale sur sa décision de  redémarrer des pourparlers directs, bien qu’il ait reculé sur la plupart  des conditions qu’il avait imposées pour commencer un dialogue direct.
Le Hamas a rapidement suspendu les rencontres avec le  Fatah en réponse à la décision du comité exécutif de l’OLP d’engager des  pourparlers directs avec les occupants israéliens. Salah Al-Bardawil,  membre du bureau politique du Hamas, a dit qu’il y avait eu une trêve  pendant les funérailles de Al-Hindi, « mais qu’en raison de la décision  prise de relancer les négociations, nous suspendions les rencontres  jusqu’à nouvel ordre ». Selon  Al-Bardawil, « le redémarrage de  négociations directes a choqué et troublé l’arène politique ». « En  dépit de notre désir de réussir la réconciliation, afin de faire preuve  de respect envers les positions des factions Palestiniennes et des gens  qui s’opposent aux négociations, nous avons suspendu les réunions de  conciliation avec le Fatah ».
Bien que la stratégie du Hamas consiste à mettre un  terme aux divisions, a-t-il poursuivi, « les conditions de détérioration  actuelles rendent difficile tout effort de contact au nom de la  nécessité de dialoguer, parce que toute reprise donnera une légitimité  aux négociations avec Israël ».  Al-Bardawil pense que la posture de  l’OLP et sa décision  d’entreprendre des pourparlers directs avec Tel  Aviv aboutiront à saper la cause palestinienne.
La relance de négociations directes entre l’OLP et  Israël sonne de toute évidence le glas de tout dialogue sérieux entre le  Fatah et le Hamas. Alors que tout montre l’improbabilité de   l’instauration d’un dialogue même avant le commencement des négociations  directes, la reprise de pourparlers avec Israël va créer une atmosphère  politique qui réduira à zéro tous les efforts arabes et palestiniens  menés en vue d’une réconciliation et d’un accord avec le plan égyptien.  Le veto imposé par les puissances étrangères au dialogue palestinien  national ne laisse aucun doute...
Kayed Al-Ghoul, membre du comité central du Front  Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), pense que le Fatah et  les leaders de l’OLP, ont transféré les efforts menés en vue d’une  réconciliation interpalestinienne sur les négociations directes avec  Israël.
« Non seulement la direction de l’OLP a donné le droit à  Israël de prendre davantage de terre en donnant son accord pour  redémarrer des négociations directes, mais elle a aussi avec cette  décision effacé tout espoir de dialogue national », a déclaré Al-Ghoul à  Al-Ahram Weekly. Pour lui, la relance des pourparlers est le résultat  de la pression exercée par les US et elle aggrave la fracture  interpalestinienne, en effet, en décidant de se lancer dans des  négociations directes sans consultation de toutes les factions  palestiniennes, le Comité Exécutif de l’OLP a accentué les divisions et a  pris des décisions de façon personnelle et unilatérale.
Al-Ghoul a révélé que des tractations étaient menées  pour la tenue d’une conférence réunissant un certain nombre de factions  palestiniennes, appelant à réinstituer un dialogue national et à faire  face aux répercussions causées par la décision de  l’Autorité  Palestinienne de reprendre les pourparlers directs avec Israël.  « Malheureusement, l’Autorité Palestinienne a donné son accord pour des  pourparlers directs sans exiger que l’on tienne compte des conditions  qui avaient été fixées, tout cela en plein accord avec la vision de  Netanyahu » a-t-il déclaré. » C’est une perte de temps et cela contribue  à restaurer l’image d’Israël à l’étranger, après son attaque contre la  Flotille de la Liberté et sa violation du droit international. »
Mekhemar Abu Saada, professeur en science politique à  l’université  Al-Azhar de Gaza, pense que pour l’instant, il n’y a ni  futur où s’instaurerait un dialogue national, ni  base pour une  réconciliation palestinienne.  « Nous devons admettre que nous avons  atteint le point de non retour en termes de réconciliation . Le Hamas et  le Fatah ont imposé de facto des réalités sur le terrain à Gaza et en  Cisjordanie. Il est impossible aux deux groupes de revenir à la  situation qui prévalait il y a trois ans. La situation actuelle ne  laisse place à aucune réconciliation, même artificielle, à cause du  gouffre qui sépare les deux groupes . Selon moi, il n’y a pas de futur  pour un dialogue et ce que nous entendons ici et là à propos de  discussions et de rencontres entre les dirigeants du Fatah et du Hamas  ne signifie rien car la situation est insoluble et ne laisse prise à  aucune logique. »
Pendant ce temps là , le gouvernement de Gaza travaille à  renforcer son contrôle et le règne de la loi sur la bande de Gaza à  l’aide d’un arsenal de mesures de sécurité sans précédent. La police de  Gaza a lancé une campagne de rigueur destinée à confisquer toutes les  armes « illégales » ou « détenues sans permis » suite à  des tirs à  l’arme à feu au cours d’affrontements..  Les dirigeants de la police ont   déclaré qu’ils saisiraient les armes appartenant à toute faction qui  les utiliserait illégalement ou pour une raison autre que la résistance.
D’après la confidence au Weekly,d’une  personne travaillant  à la  sécurité du Ministère de l’Intérieur à  Gaza, qui a préféré rester anonyme, certaines armes utilisées par les  factions, l’ont été lors de querelles familiales ou à l’occasion de  réunions festives. « Le Ministre de l’Intérieur limitera l’usage des  armes au cours des querelles et des mariages » affirme -t-elle. « Après   examen de  la question, il a été établi que la plupart des troubles  viennent de membres de factions palestiniennes qui utilisent des armes  appartenant à leur groupe ». Elle a ajouté que le gouvernement veut  imposer une paix et une sécurité totale à Gaza, notant que certains  membres incivils utilisent leur groupe comme couverture pour instiguer  le désordre et commettre des délits.
« Malheureusement, certaines factions font pression pour  que nous retournions les armes confisquées, ce qui cause des problèmes  et menace la sécurité de Gaza, » a ajouté la même personne. « Avant,  a-t-elle poursuivi, les armes n’étaient retournées aux groupes qu’après  un délai de plusieurs mois, mais maintenant, toute arme qui sera  utilisée en dehors du cadre de la résistance ne sera pas remise, quel  que soit le rang ou l’importance du membre de la résistance concerné. »
Elle a ajouté que le gouvernement se sent responsable de  la protection du peuple, et demande à toutes les factions  palestiniennes d’interdire à leurs membres d’utiliser les armes à feu  pour solutionner les querelles d’ordre familial.
 
 Traduction de l’anglais : J.M
 
 
