mardi 27 juillet 2010

Une « fuite » jette une lumière crue sur la guerre en Afghanistan

27/07/2010

Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, qui a transmis les documents secrets au « New York Times », au « Guardian » et au « Der Spiegel », s’est justifié en affirmant que « le bon journalisme est controversé par nature ». Leon Neal/AFP
Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, qui a transmis les documents secrets au « New York Times », au « Guardian » et au « Der Spiegel », s’est justifié en affirmant que « le bon journalisme est controversé par nature ». Leon Neal/AFP
Le site Internet Wikileaks, spécialisé dans le renseignement, a diffusé des dizaines de milliers d’archives militaires secrètes, jetant une lumière crue sur la guerre en Afghanistan et provoquant la colère de la Maison-Blanche. Les révélations les plus sensibles concernent les victimes civiles et les liens supposés entre les services secrets pakistanais et les talibans. Toutefois, des experts estiment que ces documents sont « périmés ».
Un site Internet a diffusé des dizaines de milliers d'archives secrètes jetant une lumière crue sur la guerre en Afghanistan, avec des révélations sur les victimes civiles et les liens supposés entre les services secrets pakistanais et les insurgés. Au total, environ 92 000 documents remontant à 2004 ont été divulgués dimanche après avoir été transmis au New York Times, au quotidien britannique The Guardian et à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. La publication de ces archives militaires par le site Wikileaks a provoqué la colère de la Maison-Blanche. Mais le fondateur de ce site spécialisé dans le renseignement, Julian Assange, s'est justifié en affirmant que « le bon journalisme est controversé par nature ».
Émanant notamment de l'ambassade des États-Unis à Kaboul, ces « rapports » font état par exemple d'une influence grandissante de l'Iran en Afghanistan, d'un soutien de Téhéran aux insurgés islamistes et d'une corruption à grande échelle qui contrarie la lutte contre la rébellion.
Le New York Times a souligné que ces archives illustrent « avec un luxe de détails les raisons pour lesquelles, après que les États-Unis eurent dépensé presque 300 milliards de dollars dans cette guerre, les talibans sont plus forts qu'à tout autre moment depuis 2001 ». Pour le Guardian, ces documents brossent « un portrait dévastateur d'une guerre en train d'échouer ». Selon le journal britannique, au moins 195 morts civils sont recensés dans ces archives, un chiffre « probablement sous-estimé » par rapport à la réalité. La plupart de ces décès sont provoqués par des tirs de soldats nerveux à des postes de contrôle. Mais d'autres cas sont révélés comme celui d'un homme sourd-muet, abattu alors qu'il tentait de fuir une équipe de la CIA arrivée dans son village et qui lui avait demandé de s'arrêter.
Les allégations les plus sensibles visent le Pakistan, allié stratégique de Washington, accusé d'autoriser des membres de ses services de renseignements à traiter directement avec les talibans. Selon le New York Times, des agents pakistanais et des talibans se rencontrent régulièrement afin d'organiser « des réseaux de groupes d'insurgés qui combattent les soldats américains en Afghanistan, et (...) des dirigeants afghans ». Selon l'un des documents, un ancien chef du puissant Inter Services Intelligence (ISI) pakistanais, Hamid Gul, aurait rencontré des insurgés en janvier 2009, après la mort d'un chef d'el-Qaëda, Zamarai, connu sous le nom d'Oussama al-Kini, tué au Pakistan. Pour le venger, ils auraient ensemble préparé un attentat qui devait être commis à l'aide d'une voiture piégée acheminée du Pakistan en Afghanistan. On ignore si l'attentat a finalement été commis. Les documents révèlent aussi que les talibans ont probablement utilisé un missile sol-air à guidage infrarouge pour abattre un hélicoptère américain en Afghanistan en 2007, faisant sept morts.
Selon le conseiller à la Sécurité nationale du président américain Barack Obama, le général James Jones, la publication de tels documents est susceptible de « mettre en péril la vie d'Américains et de nos alliés et de menacer la sécurité nationale » des États-Unis. Le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères, Abdul Basit, a quant à lui affirmé que « ces informations sont biaisées, tirées par les cheveux, et n'ont évidemment rien à voir avec la réalité ». L'Allemagne a demandé hier que ces révélations soient « examinées » tandis que Londres espère qu'elles ne vont pas « empoisonner » l'atmosphère en Afghanistan. La présidence afghane a indiqué ne pas être « surprise » par le contenu des documents, notamment à propos des pertes civiles causées par l'OTAN et des liens entre insurgés et services secrets pakistanais. Le chef de la diplomatie canadienne, Lawrence Cannon, s'est dit pour sa part « préoccupé » par la possibilité que les « fuites » mettent en danger la vie des militaires canadiens en Afghanistan. De son côté, le général allemand Egon Ramms, responsable des opérations de la force internationale en Afghanistan (ISAF), a appelé à davantage de vigilance.
Toutefois, en dépit de ces révélations, les États-Unis ont enregistré des progrès dans leur relation avec le Pakistan, a affirmé le porte-parole de la Maison-Blanche. Reconnaissant qu'il n'était pas en position de dire que « tout va bien », Robert Gibbs a assuré que les pressions exercées par l'administration Obama sur Islamabad avaient « amélioré cette relation » et ouvert la voie à des actions du Pakistan contre des extrémistes se trouvant sur son propre sol. Enfin, des experts pakistanais ont estimé que les documents divulgués sont « périmés » et « manquent de preuves ».