dimanche 18 juillet 2010

Nouvelles de Palestine occupée

publié le samedi 17 juillet 2010
Laura

 
Laura, présente en Palestine depuis quelques semaines, témoigne de l’occupation quotidienne et de manifestations à Jérusalem-est.
Bonjour à tous,
je tiens aujourd’hui à vous parler de ma journée d’hier ainsi que d’un de mes amis Palestiniens qui vient de quitter la Cisjordanie.
Hazem a 30 ans et sa famille vient de Gaza. Il est né au Liban car sa famille s’y est réfugiée en 1948. Quand il était adolescent ils ont du migrer en Syrie. Quelques années après les accords d’Oslo, en 1997, il leur a été permis de rentrer à Gaza. Hazem y a alors passé 9 mois puis est parti étudié à Birzeit en Cisjordanie. De 98 à 2000 il a pu retourner à Gaza pour de courts séjours. Du début de la deuxième Intifada, en 2000, jusqu’à 2009 Hazem n’a pas vu sa famille. Il y a quelques mois ses parents son eux aussi venus s’installer à Ramallah, et ceci de manière illégale.
Hazem est marié a une Allemande d’origine palestinienne, qui vit maintenant avec lui à Ramallah. Son travail lui permet de faire des allers-retours réguliers entre la Cisjordanie et l’Allemagne. Hazem lui est coincé à Ramallah. En effet, l’été dernier, alors qu’il prévoyait de passer l’été en Europe avec sa femme, il apprit qu’il séjournait illégalement en Cisjordanie, que le permis qu’il avait eu pour venir étudier à Birzeit était expiré.
Il risquait donc de se faire arrêter. Au mois d’avril dernier un nouvel ordre militaire stipulait également que toute personne séjournant illégalement en Cisjordanie était considéré par Israël comme un "agent infiltré", risquant 3 à 7 ans de prison et le transfert à Gaza. Depuis un an donc Hazem ne sort plus de Ramallah.
Depuis plusieurs années il essaie d’aller à l’étranger pour pouvoir faire sa thèse. En 2006 il obtint une bourse pour aller étudier à Londres. Israël ne lui permit pas de sortir du territoire. Cette année il décida de retenter et envoya une demande de bourse à l’université de Genève. Il l’obtint en Mars dernier. La première chose qu’il fit après avoir obtenu la bourse a été de faire une demande auprès des autorités israéliennes pour avoir un permis de sortir, 5 mois plus tard, pour la date du vendredi 16 juillet.
Hazem obtint le permis jeudi, à 18h. Il passa la nuit à faire son sac en espérant ne pas se faire arrêter à son passage à la frontière le lendemain matin. Il est finalement passé. Heureux et soulagé. Mais aussi très triste. Il n’aura surement jamais le droit de retourner en Cisjordanie, ni de revoir ses parents, qui sont à leur tour coincés à Ramallah ...
Hier, une fois sûre qu’Hazem était sain et sauf, et de l’autre côté de la frontière, je suis allée à Jérusalem pour participer à la manifestation de Sheikh Jarrah avec les jeunes de Génération Palestine.
Cette manifestation a créé et crée encore débat. Les initiateurs de ce rassemblement hebdomadaire sont des Israéliens, de différents horizons. Ils n’appartiennent pas à des organisations clairement identifiées et ont, pour certains, une vision politique très éloignée de la nôtre. Certains se disent "sionistes de gauche", d’autres s’opposent aux destructions de maisons de Palestiniens à Jérusalem-est comme on pourrait s’opposer à la destruction d’un squat en France. D’autres encore son pro BDS et militent avec les Anarchistes Contre le Mur. Bref tout ce petit monde se retrouve tout les vendredi à 16h pour dire non aux destructions et vols de maisons palestiniennes dans le quartier.
La venue des groupes de Génération Palestine n’est pas passée inaperçue hier... En effet nous étions nombreux et nos slogans n’étaient pas dans la ligne politique habituelle de la manifestation. Nous avons dû faire des concessions. Ceci pour ne pas casser le travail que ces militants israéliens font depuis des mois pour qu’il assurer une présence hebdomadaire à Sheikh Jarrah. Cependant, cela a soulevé de nombreuses questions permis les jeunes de GP. Sommes-nous prêts à manifester avec des sionistes ? avec des personnes qui n’ont pas du tout les mêmes objectifs politiques que nous ? qui refusent de parler de boycott ?
Le retour à l’auberge de jeunesse a été très riche en débats ! Cette manifestation a aussi permis de voir l’état de la mobilisation en Israël... c’est à dire pas organisée, très frileuse politiquement et surtout très ignorante de la situation des Palestiniens.
En partant de Jérusalem pour rentrer sur Ramallah, en sortant de la vieille ville par la porte de Damas, je me suis retrouvée bloquée par le défilé de centaines de Juifs orthodoxes qui partaient prier pour le début de Shabat. Une petite dizaine d’enfants palestiniens, se tenant sur le côté du cortège, les huaient de bon cœur en chantant "Jérusalem palestinienne". J’observais la scène quand la police et l’armée se jetèrent sur le plus âgé du groupe, qui devait avoir 14-15 ans. Quatre ou cinq soldats et policiers l’attrapèrent et le collèrent au mur tout en le cognant. Coups de pieds, coups de crosse de fusils, coups de poings.... Évidemment protégés par leur collègues, l’arme au poing. Ils ont tabassé l’adolescent pendant environ 10 minutes, je ne pourrais même pas dire s’il pouvait encore marcher quand ils l’ont emmené car ils étaient tellement nombreux sur lui que je ne le voyais plus. Mais étant donné les coups qu’il a reçu je me suis même demandé s’il était encore vivant !
Et tout ceci se passa sous le regard amusé des colons religieux qui se mirent à chanter "Shabat Shalom".... Quand la mère du jeune arriva sur les lieux du drame, une fois que son fils avait été arrêté, je lui demandai si elle comptait aller porter plainte, ceci dans l’idée de me porter témoin de la scène. Elle me répondit en pleurant que ça ne servirait à rien de déposer une plainte, que ça pouvait même aggraver les choses ...
intro : CL, Afps