samedi 3 juillet 2010

Autobiographie d’un marcheur empêché

publié le vendredi 2 juillet 2010
Gilles Paris

 
Raja Shehadeh est un juriste palestinien de Ramallah...,marcheur de plus en plus contraint qui voit au fil des années se modifier un paysage longtemps immobile, où Gaza relève d’un autre monde .
Raja Shehadeh est un juriste palestinien de Ramallah. Fondateur d’une ONG de défense des droits de l’homme avant la signature des accords d’Oslo, il a progressivement pris ses distances avec le militantisme au fur à mesure que s’enlisait le processus de paix israélo-palestinien.
Toute sa vie, il est parti en “sarha”, marchant dans les collines palestiniennes “sans but, sans restriction de temps ni de lieu”, allant “où son esprit le guide pour nourrir son âme et se ressourcer”. Ce sont les récits de ces promenades qui sont publiées aujourd’hui par les éditions Galaade sous un titre qui sonne comme une oraison funèbre : Naguère en Palestine.
Des dizaines de rapports, plus ou moins bien faits, plus ou moins équilibrés, ont décrit la réduction continue de l’espace accordé aux Palestiniens en Cisjordanie, aucun ne l’a montré avec l’acuité et la force d’un marcheur de plus en plus contraint qui voit au fil des années se modifier un paysage longtemps immobile, où Gaza relève d’un autre monde .
Nous avions déjà évoqué ici il y a tout juste un an, dans un ouvrage étonnant , l’une de ses promenades et une conversation fortuite avec un jeune colon au bord d’une rivière dans des effluves de hachisch. Le livre de Raja Shehadeh s’achève par un autre épisode, celui des “bergers masqués”, la rencontre dans une vallée longtemps arpentée par l’auteur avec de jeunes Palestiniens chargés, selon leurs dires, de surveiller le secteur, une terre devenue disputée. Une rencontre éprouvante car les deux jeunes se montrent particulièrement menaçants, doutant de l’identité du promeneur.
“Debout sur les ruines de l’un de mes endroits préférés, près de là où je suis né et où j’ai toujours vécu, écrit Raja Shehade, je sentis que les collines ne m’appartenaient plus. Je ne suis plus libre de venir m’y promener. Elles sont devenues dangereuses et je ne m’y sens plus en sécurité. Cette expérience marqua la fin d’une longue époque”.
A plus d’un titre, Naguère en Palestine constitue un précis unique en son genre du conflit israélo-palestinien.
publié sur le blog du Monde "Guerre ou Paix"