mardi 18 mai 2010

Nouveau coup dur pour les relations turco-israéliennes ?

18/05/2010
La médiation turque dans le dossier iranien est le signe d'une diplomatie beaucoup plus agressive.
L'accord conclu hier par la Turquie et le Brésil avec l'Iran sur un projet d'échange d'uranium peut apparaître comme une victoire diplomatique, mais va certainement accentuer les tensions entre Ankara et Israël.
« L'accord va sans doute porter un nouveau coup aux relations turco-israéliennes qui sont loin d'être au beau fixe », souligne Sinan Ogan, du centre de réflexion Türksam à Ankara. Mais pour cet expert, « un pays voisin de l'Iran a le devoir de tenter d'empêcher une escalade de la crise » sur le programme nucléaire iranien controversé.
Alors qu'Israël et la Turquie étaient considérés comme des alliés stratégiques, les relations entre les deux pays se sont dégradées depuis la guerre de Gaza fin 2008 et les vigoureuses déclarations anti-israéliennes du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui dirige un gouvernement islamo-conservateur. En janvier, l'ambassadeur de Turquie en Israël, muté depuis, a été humilié en public au ministère des Affaires étrangères, et en avril, M. Erdogan a violemment attaqué Israël, qualifié de « principale menace pour la paix » au Proche-Orient.
Une fois l'accord de Téhéran conclu, le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a déclaré que des sanctions contre l'Iran n'étaient plus nécessaires, réitérant la position d'Ankara, qui a toujours prôné le dialogue et refusé des sanctions contre son voisin iranien.
Reste maintenant à savoir si l'accord sera viable et respecté. « Il est impératif pour l'Iran de respecter l'accord », a confié à l'AFP sous couvert d'anonymat un haut responsable turc, assurant avoir « confiance » en Téhéran. « Si l'Iran, comme il l'a fait dans le passé, manque à honorer ses engagements, les Israéliens accuseront les Turcs d'avoir fait gagner du temps aux Iraniens », avertit de son côté M. Ogan.
Plus globalement, la médiation turque dans ce dossier, comme dans d'autres litiges régionaux, est le signe d'une nouvelle diplomatie, beaucoup plus agressive. « Dans un monde multipolaire, la Turquie exprime son identité occidentale, mais aussi sa dimension moyen-orientale ou balkanique », commente le chroniqueur diplomatique du journal Milliyet, Semih Idiz.
Autrefois en conflit avec plusieurs pays limitrophes, la Turquie, qui revendique un rôle d'acteur central comme au temps de l'empire ottoman, a réglé ses problèmes avec la plupart de ses voisins. Elle entretient désormais d'excellents liens avec la Syrie, qu'elle avait menacé d'une guerre en 1999, mais aussi avec la Grèce et la Russie. « Il est faux de penser que la Turquie tourne le dos à l'Occident. Elle a une position stratégique unique avec des voisins qui ont des problèmes avec l'Ouest », ajoute M. Idiz.
Burak AKINCI (AFP)