mardi 18 mai 2010

Hébron, la ville de la division

Ecrit par Monique Poupon
17/05/2010
Cette semaine, PNN a suivi les volontaires du séminaire de terrain organisé par le Centre d'Information Alternatif de Beit Sahour, près de Bethléem. Ils se trouvaient mardi 11 mai à Hébron.
La dizaine d'Européens venus en Cisjordanie pour l'évènement ont pu visiter la ville de Hébron, proche de Bethléem, en suivant un tour politique qui leur a montré la réalité de la situation de Hebron, ville divisée et où il est difficile de vivre.
C'est en 1969 que les Juifs, après de nombreuses émeutes et les guerres de 1948 et de 1967, se réinstallent à Hébron, prenant peu à peu la majorité du territoire Palestinien pour y installer des colonies. Avec les accords d'Oslo au milieu des années 90, l'Autorité Palestinienne voit le jour, donnant ainsi une semi-autorité Palestinienne aux villes de Cisjordanie, dont Hébron. En 1994, un militant nationaliste religieux Israélien, Baruch Goldstein, tire de façon aléatoire dans le Tombeau des Patriarches au moment des prières du vendredi, tuant 29 personnes. Cet évènement provoque la séparation en deux parties distinctes du Tombeau des Patriarches, l'une étant la mosquée d'Ibrahim avec une entrée dans la Vieille Ville de Hébron, l'autre étant une synagogue avec une entrée dans la partie Juive de la ville. Selon le Protocole de Hébron en 1997, la ville est divisée officiellement en deux zones : la zone H1, sous le contrôle de l'Autorité Palestinienne et comprenant l'essentiel de la ville historique, et la zone H2, comprenant la bordure orientale de la ville.
Après la Seconde Intifada, les Juifs ont étendu leur contrôle de la ville et de nombreux Palestiniens ont quitté la ville. Aujourd'hui, 500 colons Israéliens occupent 5 petites colonies isolées qui entourent la ville, protégés par pas moins de 200 soldats. 22 checkpoints sécurisent la zone à l'entrée de ces colonies, même devant la mosquée d'Ibrahim où, durant notre visite avec le groupe du CIA notre guide Palestinien s'est vu retenir sa carte d'identité pendant 2 heures et interrogé sur son passé, par chance blanc comme neige.
La situation de vie à l'intérieur d'Hébron est très tendue : les colons possèdent des boutiques qui les permettent de vivre, mais ils demeurent très isolés. Du côté Palestinien, tout est fait par les Israéliens pour les empêcher d'avoir une vie normale : par exemple, le marché de la vieille ville est recouvert par des grillages qui évitent que les colons, en jetant des pierres sur les passants du haut de leurs maisons, surplombant le marché d'Hébron. Les Palestiniens qui vivent là sont traités comme des animaux, leur seule résistance consiste à continuer d'agir comme auparavant en tenant leurs boutiques ouvertes, en fumant le narguilé dans la rue, en parlant avec les rares touristes de passages, et ce malgré la menace bien réelle de recevoir une pierre sur le tête ou de se faire tirer dessus. Notre groupe a pu rencontrer une famille Palestinienne dont le toit se trouve en face des colonies et à moins de 5 mètres d'une tour de garde Israélienne. La cuve d'eau de la famille, qui se trouve sur le toit, porte encore la marque des balles tirées dedans par les colons pour les empêcher de faire des provisions d'eau pour l'été. Des enfants de la famille sont morts car les soldats ont bloqué la maison pour éviter qu'ils puissent accéder à des soins médicaux, tous les hommes de la famille sont en prison, retenus comme prisonniers politiques sans raison par Israël.
Une visite qui choque, qui émeut aussi, car malgré cette non-vie orchestrée par les soldats Israéliens, les Palestiniens de Hébron ont encore la force et l'espoir de vivre.