lundi 12 avril 2010

Israël sait que l’apartheid n’a aucun avenir

publié le dimanche 11 avril 2010
Dr Mustafa Barghouthi

 
Après des décennies de domination militaire sur les Palestiniens et de vols de notre terre, les dirigeants israéliens voient bien que la fin de leur domination est imminente. Au moins ils reconnaissent cette réalité, à défaut jusqu’à maintenant d’être confrontés aux conséquences.
En 2007, Ehud Olmert, alors Premier ministre, déclarait : « Si un jour la solution à deux Etats échoue, et que nous soyons confrontés à la même lutte qu’en Afrique du Sud pour un droit de vote pour tous (aussi pour les Palestiniens dans les territoires), alors, dès que ce jour sera arrivé, il en sera fini de l’Etat d’Israël. » Plus récemment, Ehud Barak, ministre de la Défense d’Israël, s’exprimait à ce même propos, « Aussi longtemps qu’entre la Jordanie et la mer, il n’y aura qu’une seule entité politique, du nom d’Israël, elle finira par devenir soit non juive, soit non démocratique… Si les Palestiniens votent aux élections, ce sera un Etat binational, sinon, ce sera un Etat d’apartheid. »
Et si les « si » d’Olmert et de Barak n’évoquaient plus un avenir possible, mais la réalité actuelle ? L’apartheid, il est là. Il existe tout un ensemble de lois israéliennes qui s’applique pour les Palestiniens de Cisjordanie et un autre qui s’applique pour les juifs en Cisjordanie. Les colons israéliens vivent illégalement dans de magnifiques maisons subventionnées, sur la terre volée aux Palestiniens, pendant que nous sommes relégués dans des bantoustans de plus en plus réduits.
Je crois, encore aujourd’hui, à l’importance de la solution à deux Etats. Mais chaque jour qui passe, je vois ce qui n’est rien d’autre qu’une détermination opiniâtre d’Israël à faire barrage à une telle issue. Le temps est venu de dire à Washington que la viabilité de la solution à deux Etats est en train de s’effondrer, sous le regard de Barack Obama. Le Président Obama a hérité cette difficulté de son prédécesseur. Mais les vieux problèmes sont devenus ceux d’Obama.
Quand Washington faillit à agir de façon décisive pour ce conflit qui s’envenime, c’est qu’en réalité, il est en train d’agir de façon décisive. Des milliards de dollars des contribuables américains continuent d’affluer dans les coffres israéliens. Et le capital diplomatie des Etats-Unis est toujours dépensé pour protéger Israël de la censure internationale.
J’ai de bonnes raisons de croire que les intentions de cette administration sont meilleures que celles de ses prédécesseurs, mais, semble-t-il, ce n’est jamais le bon moment pour la liberté des Palestiniens. Les Présidents et dirigeants du Congrès sont toujours face à une opposition à tout appel US pour entraver le développement d’Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est – si ce n’est de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) ou de l’Organisation sioniste d’Amérique, alors c’est de John Hagees, de la droite chrétienne. George Mitchell, envoyé d’Obama, est venu dans la région, essayant de placer son gel total israélien dans les colonies. Israël a refusé, et les Etats-Unis sont restés indécis. Après la conférence de l’AIPAC la semaine dernière à Washington, les Américains peuvent une nouvelle fois hésiter. Un deuxième manque de courage sur la question de la colonisation serait le signe pour les Palestiniens que l’administration Obama ne prend pas les choses au sérieux quand il s’agit de contrer les efforts d’Israël qui veut faire rater les pourparlers de paix et la solution à deux Etats.
Tels Cassandre, les dirigeants dans notre région ne peuvent que lancer cet avertissement, permettre à Israël de se moquer totalement de nos droits aura des conséquences dangereuses. Anticipant ces risques, avec mes collègues, nous avons cherché à diriger la force de l’action non violente directe contre l’occupation et le système d’apartheid d’Israël, pour mettre en lumière l’injustice de ses actes et encourager les juifs israéliens et états-uniens à bien voir que ce n’est pas à eux que nous nous opposons, mais aux actions du gouvernement israélien. Nous avons obtenu un certain succès, mais il est insuffisant.
Nous en sommes aux premiers stades d’une campagne de boycott, de désinvestissements et de sanctions (BDS) dirigée contre le gouvernement israélien pour son refus de se conformer au droit international. Une telle action a réussi à faire abroger les lois Jim Crow dans les états du sud des Etats-Unis et à supprimer l’apartheid en Afrique du Sud, et nous la mettons petit à petit en œuvre contre l’occupation et l’apartheid israéliens. Mais jusqu’à ce que les étudiants s’en saisissent avec la même ferveur morale dont les générations précédentes ont fait preuve contre Jim Crow et l’apartheid sud-africain, nous n’obtiendrons qu’un succès marginal.
Ce jour de l’engagement des étudiants approche. Je suis intervenu sur de nombreux campus, américains et européens, et j’ai vu un changement dans les diverses assistances auxquelles je m’adresse aujourd’hui, comparées à il y a vingt ans. Ces jeunes gens, comprenant de nombreux militants juifs progressistes, reconnaissent qu’il ne s’agit pas d’un conflit entre Arabes et juifs, mais entre des conceptions universelles de liberté et des notions archaïques de suprématie raciale et de colonisation. Ce public est sur la voie de l’approbation de la campagne BDS parce qu’il est conscient que ses dirigeants politiques, à de rares exceptions, n’ont pas la volonté de s’opposer à l’assujettissement des Palestiniens.
Les responsables politiques états-uniens pourraient être les derniers à embrasser notre lutte – que ce soit l’urgence d’un Etat palestinien véritablement souverain aux côtés d’Israël, ou celle d’un Etat unique avec des droits égaux pour tous – mais les données évoluent en permanence, et les calculs de ces responsables ne conduiront pas toujours à un soutien automatique en faveur d’Israël. Notre cause morale est trop solide.
publié par The Electronic Intifada – 8 avril 2010
traduction : JPP pour l’AFPS