jeudi 15 avril 2010

En dépit des restrictions d’Israël, l’économie de la Cisjordanie résiste

publié le mercredi 14 avril 2010

Laurent Zecchini

 
Les délégations des pays donateurs pour la Palestine, réunis lundi 12 et mardi 13 avril, à Madrid, ont dressé un bilan positif de l’évolution de la situation économique en Cisjordanie. Cet état des lieux repose sur les rapports de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), lesquels soulignent les progrès significatifs accomplis par le gouvernement du premier ministre palestinien, Salam Fayyad, dont l’objectif est d’annoncer la création d’un Etat palestinien "vers 2011".
Le rapport du FMI souligne le contraste entre la Cisjordanie, où la croissance a atteint 8,5 % en 2009, et la situation de Gaza, où, en raison du blocus maintenu par Israël, l’activité économique n’a pas dépassée 1 %. Trois facteurs sont à l’origine des bons résultats de la première : les réformes menées par l’Autorité palestinienne – notamment l’amélioration de la sécurité, les finances publiques, la lutte contre la corruption et la gouvernance – ont renforcé la confiance du secteur privé.
La communauté internationale est restée mobilisée, son aide budgétaire à l’Autorité palestinienne représentant 22 % du PNB palestinien. Enfin, Israël a allégé certaines restrictions s’agissant de la liberté de circulation des personnes et des marchandises à l’intérieur de la Cisjordanie. Mais outre que celles-ci restent fortes dans les zones "C" (environ 60 % de la Cisjordanie), qui sont entièrement sous contrôle israélien, rien n’a été fait pour alléger ces restrictions s’agissant du commerce extérieur de la Cisjordanie.
RALENTISSEMENT DE LA MOBILISATION INTERNATIONALE
"Une économie avec un marché aussi limité ne peut pas avoir une croissance soutenue sans exportations, à plus forte raison sans port, ni aéroport", souligne Oussama Kanaan, représentant du FMI pour les territoires palestiniens. Or les trois-quarts des marchandises produites en Cisjordanie transitent par Israël ou sont vendues en Israël. De septembre 2008 à fin 2009, Israël a supprimé 80 "obstacles" (barrages, check-points) en Cisjordanie, mais 550 restent en place, selon le FMI. Le chômage a légèrement baissé de 2008 à 2009 en Cisjordanie (18 % contre 20 %), alors qu’il est resté identique à Gaza, à environ 39 %.
L’une des préoccupations pour 2010 tient au ralentissement de la mobilisation internationale : les déboursements de l’aide sont particulièrement lents et certains engagements, notamment en provenance de pays arabes, n’ont pas été concrétisés. Ainsi, sur les 1,24 milliard de dollars (914 millions d’euros) nécessaires pour financer les besoins budgétaires de cette année, 174 millions de dollars seulement avaient été déboursés au cours des trois premiers mois de 2010.
Le FMI constate que l’Etat juif n’a apparemment pas intégré le fait qu’il a tout à gagner à une forte croissance de l’économie palestinienne. "Il est important qu’Israël annonce une stratégie pour la Cisjordanie, au lieu de se contenter de mesures ad-hoc", relève Oussama Kanaan, pour qui, si les restrictions de mouvement, intérieures et extérieures, ne sont pas levées, "l’économie palestinienne reposera exagérément sur le secteur public". Les résultats économiques dans l’ensemble encourageants de la Cisjordanie soulignent davantage la précarité qui règne à Gaza, où la croissance est extrêmement faible et où la situation humanitaire s’aggrave.
Dans ces conditions, l’objectif de Salam Fayyad de déclarer un Etat palestinien indépendant est-il réaliste ? Le représentant du FMI estime que différentes conditions doivent être réunies : outre que l’Autorité palestinienne doit continuer à établir un bilan, celui-ci devra montrer "que les objectifs de transparence, de sécurité, de responsabilité, de construction d’un Etat de droit, sont atteints. Il faut que ce gouvernement puisse montrer qu’on peut lui faire confiance". Un Etat palestinien ne serait pas viable, ajoute-t-il, "si les restrictions imposées par Israël à la liberté de mouvements ne sont pas supprimées, si une grande partie des zones "C" ne passent pas sous contrôle de l’Autorité palestinienne, et si le blocus de Gaza n’est pas levé".