dimanche 7 mars 2010

Le dernier crime du Mossad : une étape pour Israël vers l’autodestruction

samedi 6 mars 2010 - 08h:27
Hasan Abu Nimah
The Electronic Intifada
L’assassinat à Dubaï de Mahmoud Al-Mabhouh - un des responsables du mouvement Hamas - très certainement par un escadron de la mort envoyé par le Mossad israélien, n’est nullement le premier crime de ce genre contre la souveraineté d’un autre Etat. Alors qu’Israël a littéralement commis à l’extérieur des meurtres par milliers, ce crime serait-il le crime de trop ?
(JPG) Israël a à son actif une longue et sanglante histoire de meurtres, de sabotages et de pur terrorisme partout en Europe, à Beyrouth, à Tunis, à Amman, à Damas et maintenant à Dubaï. Et cette liste est juste ce que nous savons. Tout ceci serait, parait-il, de « l’autodéfense » contre le « terrorisme » bien que ce soit le mouvement sioniste en Palestine qui ait inventé le terrorisme moderne pour lequel le Moyen-Orient est devenu notoire. Cela a débuté par d’innombrables attaques à la bombe perpétrées par les sionistes contre les civils palestiniens à partir des années 30, souvent sur les marchés et dans les cafés, suivis des attentats contre les hôtels du Roi David et de Semiramis à Jérusalem dans les années 40 et qui ont coûté la vie à des dizaines d’innocents, lesquels ont été suivis du meurtre du comte Folke Bernadotte, médiateur des Nations-Unies. Ces crimes qui marquent le début d’une longue histoire de massacres de Palestiniens, de Libanais et d’autres Arabes durant les six dernières décennies, étaient tous portés comme des insignes honorifiques par des dirigeants sionistes comme Menachem Begin et Yitzhak Shamir qui sont ensuite devenus Premiers ministres.
L’actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui selon certaines informations a personnellement approuvé le meurtre d’Al-Mabhouh, a dû penser que ce serait un haut fait d’armes célébré par le monde « civilisé » qui est toujours engagé dans une « guerre contre la terreur ». La soi-disant « communauté internationale » après tout, a aidé Israël à isoler le mouvement Hamas et à le labelliser comme organisation « terroriste » en dépit des ouverture diplomatiques faites par ce mouvement, des offres répétées de trêves et de cessez-le-feu, et du mandat gagné dans les urnes.
Malheureusement, cette fois-ci les choses ne tournent pas de cette façon. Compter sur la complicité internationale habituelle ne manquait pas d’un certain réalisme de la part d’Israël. En effet il n’y a eu aucune condamnation claire de l’assassinat d’Al-Mabhouh, dans une chambre d’hôtel, apparemment par électrocution et étouffement avec un oreiller selon le Daily Mail. Ce qui a soulevé l’indignation est le fait d’avoir fabriqué de faux passeports et d’avoir usurpé des identités.
Réunis à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont vigoureusement condamné l’utilisation frauduleuse de passeports, mais n’ont pas eu le courage de nommer publiquement Israël bien que plusieurs gouvernements dont le Royaume-Uni et l’Irlande avaient déjà convoqué leurs ambassadeurs israéliens. Les ministres des Affaires étrangères britanniques et irlandais ont même directement interpellé leur alter ego israélien Avigdor Lieberman, également présent à Bruxelles.
Le Mossad, service israélien d’espionnage et agence internationale du crime organisé, a une longue histoire d’utilisation de passeports fabriqués et volés impliquant des pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne. Il a notoirement employé de faux passeports canadiens lors de la tentative de meurtre de Khaled Meshal, dirigeant du Hamas, à Amman en 1997.
Chaque pays considère ses passeports comme il le fait de ses devises : leur crédibilité et leur valeur doivent être protégées. Les vies de ses citoyens peuvent dépendre d’un passeport ; un ressortissant irlandais, britannique ou allemand doit pouvoir voyager partout dans le monde sans craindre qu’on ne le suspecte d’être un assassin du Mossad.
Il y a plusieurs années la Nouvelle-Zélande, un pays de trois millions d’habitants, a interrompu ses relations diplomatiques avec Israël suite à l’utilisation de passeports néo-zélandais par le Mossad. Mais indépendamment de ce cas, la plupart des pays ont été trop timorés pour s’affronter à Israël. Que Lieberman ait refusé de fournir la moindre information supplémentaire ou même simplement reconnu le rôle israélien dans l’attaque de Dubaï alors qu’il rencontrait les ministres européens des Affaires étrangères, est la preuve qu’Israël se sent toujours en sécurité, montrant son arrogance et son mépris des lois car il sait bien que « la communauté internationale » n’a jamais osé lui demander de comptes.
Cette fois, cependant, l’arrogance israélienne a peut-être dépassé les limites de ce qui était toléré jusqu’ici, et transformé ce qui était censé être un acte « héroïque » en un scandale aux conséquences majeures. Il y a quelques facteurs spécifiques et généraux qui y contribuent. D’abord, le crime a été commis sur le territoire d’un pays arabe modéré [« modéré » signifie ici aligné sur la politique des Etats-Unis et d’Israël au Proche-Orient - N.d.T] dont le soutien à la paix avec Israël s’est pratiquement traduit en relations bilatérales officieuses. Une délégation israélienne de haut niveau y était présente quelques jours à peine avant l’arrivée de l’équipe de tueurs du Mossad. Afficher tant de mépris pour un des premiers Etats arabes modérés donne un très mauvais exemple pour n’importe quel autre Etat arabe disposé à tempérer sa position envers Israël (comme les Etats-Unis l’avaient exigé en tant que « mesures de mise en confiance » pour le « processus de paix »).
Un second facteur est que ne peut être facilement dissimulé le fait qu’Israël a employé des identités volées à des personnes vivantes, d’où le choc et la crainte du public de se réveiller un jour en trouvant son nom éclaboussé dans les journaux et mêlé à un meurtre.
Un troisième facteur est que le mauvais coup israélien à Dubaï porte exactement la marque du genre d’acte de terrorisme que le monde s’est mobilisé pour combattre. Des améliorations concernant le contrôle des passeport ont été réalisées ces dernières années pour stopper le terrorisme, mais voici un pays qui viole et sabote ces mesures de sécurité afin de commettre un meurtre.
N’imaginons pas que l’assassinat de Dubaï sera la paille qui brisera le dos de l’immunité et de l’impunité israéliennes, mais nous pouvons par contre être certains que l’érosion générale de la position d’Israël qui en résulte, en particulier après ses récentes guerres d’agression contre le Liban et Gaza, signifie que ce qui a été toléré par le monde plus facilement il y a cinq ou dix ans sera à présent moins facilement toléré. Le dégoût général du public face aux actions israéliennes a atteint des niveaux qui permettent d’exiger des gouvernements qu’ils réagissent plutôt que de se taire et d’être complices comme ils sont portés à le faire.
Quand il y avait un dit « processus de paix » les crimes d’Israël, en particulier contre les Palestiniens, étaient ignorés pour ne pas nuire à des relations ou ne pas retarder la conclusion positive espérée. Mais personne aujourd’hui — sauf le plus naïf ou le plus aveugle - ose croire qu’il y ait quoi que ce soit comme processus de paix. En dépit des efforts israéliens pour en faire porter la responsabilité aux Palestiniens, seuls les plus extrémistes des proisraéliens osent encore nier que la violente colonisation israélienne de Jérusalem et de la Cisjordanie, comme le blocus contre Gaza, sont les faits qui tuent dans l’oeuf toute perspective d’une solution négociée.
Rappelez-vous que juste quelques jours avant que l’affaire des passeports n’éclate, Israël faisait pression sur le Royaume-Uni pour qu’il change ses lois afin de protéger les officiels israéliens d’une arrestation pour crimes de guerre, s’ils passaient par Londres. Bien que les responsables britanniques aient publiquement exprimé leur honteuse bonne disposition à modifier la loi britannique pour répondre aux exigences israéliennes, ils peuvent maintenant faire face à une réelle opposition publique s’ils essayent de la changer. Quel intérêt le Royaume-Uni a-t-il à protéger d’une arrestation des individus comme Tzipi Livni si les faits et l’évidence le justifient ?
La vérité est que plus il se sentira désespéré, plus Israël sera violent et dangereux, non seulement pour ses voisins mais aussi pour la paix, la sécurité et la prospérité du monde. Sans la constante pression du lobby proisraélien, il n’y aurait eu aucune invasion de l’Irak. Aujourd’hui, c’est Israël et ses inconditionnels qui incitent en permanence à la confrontation et à la guerre avec l’Iran alors que la majeure partie de cette région ne souhaite que la paix et de bons voisinages.
Même si les pays affectés par le dernier coup tordu d’Israël ne le tiennent pas justement responsable comme il se devrait, celui-ci est sur le chemin qui le mène à l’autodestruction. La grande crainte aujourd’hui est tout le mal qu’il fera à d’autres en cours de route.

(JPG)
25 février 2010 - The Electronic Intifada - Traduction de l’anglais : Claude Zurbach
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8286