dimanche 7 mars 2010

La politique américaine au Moyen-Orient (troisième partie) : 1991-2003

publié le samedi 6 mars 2010
Vincent Fromentin

 
La radicalisation de la stratégie américaine au Moyen‑Orient face au terrorisme international (1991-2003)
Cet article est le troisième volet consacré à la politique américaine au Moyen-Orient de 1919 à nos jours. [1]
En 1991, l’assise des États-Unis au Moyen-Orient est totale, mais son discrédit est à la hauteur de son emprise stratégique. A l’origine, la contestation émane des leaders victorieux de l’URSS basés en Afghanistan et au Pakistan (notamment dans la cellule très active de Peshawar). L’aide officielle apportée par l’administration Reagan pour contrebalancer l’influence soviétique en Afghanistan contribue à structurer un réseau de plusieurs milliers de combattants islamistes et certaines figures idéologiques charismatiques (telles que Abdullah Azzam, Oussama Ben Laden ou Omar Abdel Rahman). Mais, après le retrait soviétique, les combattants d’al Qaïda vont chercher de nouveaux terrains (Tchétchénie, Somalie, etc.). Le terrorisme d’al Qaïda reste régional.
Ben Laden, réfugié en Arabie Saoudite, en est expulsé en 1991 pour ses positions trop véhémentes envers la présence américaine sur le sol des Lieux Saints. Cette date marque l’internationalisation du terrorisme.

1. Les origines du terrorisme international d’al Qaïda (1991-2001)

Dès avant ce 11 septembre 2001, où l’opinion semble découvrir le terrorisme médiatique d’al Qaïda, un certain nombre d’événements précurseurs est à analyser.
A l’origine, le terrorisme est la défense d’un territoire
Avant d’être, aux yeux des États-Unis, l’unique apanage de Ben Laden ou de Saddam Hussein, le terrorisme a été un moyen de contestation de populations autonomistes ou anticoloniales. Par exemple, en 1928, la création des Frères Musulmans en Égypte par Hasan el Bana prône « le refus de l’asservissement culturel, politique et économique de l’Oumma » afin de se dégager du joug colonial.
Avant tout, le terrorisme est la défense d’un territoire. Ces deux mots partagent étrangement la même étymologie.
Ce terrorisme combat la présence physique des soldats américains sur les Lieux Saints mais aussi la présence symbolique des valeurs occidentales (notamment les touristes en Égypte). Et cette guerre de libération totale glisse progressivement vers une radicalisation idéologique. Effectivement, si l’on parle de territoire, il devient petit à petit celui du religieux. Le terrorisme n’est pas national : il constitue la lutte armée pour l’établissement d’un territoire dépourvu de toute influence ou déviance occidentale. Il est l’expression radicale et violente des projets de panarabisme. Le vecteur de cette contestation en est la religion.
La religion est un vecteur de contestation
Pendant ces années 90, même si la majeure partie des attentats terroristes reste régionale, la « menace al Qaïda » s’internationalise. Ben Laden, après l’instauration d’un pouvoir fondamentaliste au Soudan grâce au Front national islamique en 1989, rassemble des figures de la contestation régionale issues du front afghan mais aussi des leaders algériens, yéménites ou égyptiens (notamment Ayman Al Zawahiri). Des attentats régionaux sont perpétrés contre les intérêts américain : Aden en 1992, Mogadiscio en 1993, Riyad en 1995, Khobar en 1996, Nairobi et Dar es-Salaam (240 morts et des milliers de blessés) en 1998.
De retour en Afghanistan où les taliban ont pris le pouvoir à Kaboul depuis 1996, Ben Laden et Al Zawahiri annoncent la formation du Front Islamique mondial pour le djihad contre les Juifs et les Croisés.
La contestation et les menaces d’al Qaïda prennent plus d’ampleur et touchent directement le sol américain comme en témoignent l’assassinat du rabbin extrémiste Meir Kahane en 1990 ou l’attentat contre le WTC en 1993 inspirés par Omar Abdel Rahman.
Ce qu’il faut comprendre c’est que les racines du terrorisme islamiste s’originent dans une contestation de l’hégémonie sur un territoire : c’est le cas en Afghanistan contre les Soviétiques, dans les multiples conflits nationaux des Balkans mais aussi sur le territoire sacré de l’Arabie Saoudite contre la présence américaine. Mais à partir des années 90, l’essor de figures charismatiques contribuent à idéologiser et à formaliser une doctrine. Le territoire n’est plus la terre à proprement parler mais le territoire des croyants, l’Oumma, face aux infidèles. La représentation géopolitique du terrorisme islamiste se détache progressivement d’une vision strictement autonomiste. Néanmoins, la religion n’est-elle pas un vecteur de contestation identitaire plutôt qu’une fin en soi ?
Le faux-problème du choc des religions
Le fameux concept du « choc des civilisations », rendu célèbre par Samuel Huntington en 1993, mais, en réalité, développé dès les années 60 par un universitaire américain, Bernard Lewis (proche de Wolfowitz et des néoconservateurs américains), consiste à opposer dangereusement deux blocs : l’Occident judéo-chrétien et l’Islam.
Cette opposition essentialiste et réductrice tend à se placer dans le domaine des idées : la confrontation de deux religions. La médiatisation excessive de ces notions conceptuelles contribue en outre à occulter la réalité des choses. Le problème essentiel reste celui de l’oppression d’un peuple ou de l’occupation bien réelle d’une terre. Parler d’un conflit religieux entre Palestiniens et Israéliens, c’est oublier le problème de la violation du Droit International par Israël. Focaliser sur le terrorisme islamiste, c’est oublier ses racines de revendication d’un territoire.
Alors comment comprendre ce glissement d’un terrorisme comme revendication strictement territoriale vers le terrorisme international d’al-Qaïda et ses appels au djihad ?
Effectivement, si le terrorisme des années 80 revendique un territoire face à un occupant, à partir des années 90, il s’idéologise, se radicalise et s’internationalise grâce aux médias. Le recours aux nouvelles technologies et à Internet permet de diffuser un message relayé dans le monde entier. Les médias contribuent à donner à la lutte d’al Qaïda une valeur symbolique. Prenons l’exemple du keffieh palestinien : il est devenu l’emblème de la résistance pour les jeunes occidentaux (altermondialistes, irlandais, corses, etc.) complètement déconnecté de sa signification originelle. L’ampleur médiatique d’al Qaïda agit de la même manière : le label al Qaïda est récupéré comme représentation identitaire par des groupuscules n’entretenant parfois aucun rapport avec les combattants d’Afghanistan : comme ce sera le cas à Djerba contre la synagogue de la Ghriba en avril 2002, à Casablanca en mai 2003, ou à Istanbul en novembre 2003, etc. Les médias permettent la confluence du terrorisme autonomiste régional vers le terrorisme internationaliste.
Dans cette course médiatique, certains analystes ne voient parfois en al Qaïda qu’une construction médiatique servant à la fois les intérêts de groupes autonomistes ou internationalistes et ceux des puissances légitimant leur cœrcition par une lutte anti-terroriste (Hitler en 1939 avait prétexté le terrorisme tchèque pour envahir la Tchécoslovaquie : « Nous ne voulons pas oppresser une autre nation et nos actions ne sont pas basées sur la haine d’une autre nation. Je sais que cette guerre est très sérieuse mais je veux nous protéger des actes d’un monstre. Il a régné avec une terreur continue sur son peuple et les a soumis au silence et à la misère. Son armée a un arsenal militaire énorme qui ne peut représenter qu’un danger imminent pour le reste du monde. Nous avons été très patient mais nous ne pouvons plus rester inactif devant le danger. », Discours de Hitler au Sportpalast de Berlin en avril 1939).

2. La pression américaine sur le Proche et Moyen Orient

La disparition du bloc soviétique projette l’administration américaine dans une intense campagne diplomatique et médiatique pour instaurer un ordre mondial américain. Après la guerre contre l’Irak de 1991, les forces américaines sont présentes dans le Golfe et le Moyen-Orient. De surcroît, l’accord (dont certaines clauses restent secrètes) conclu en 1996 entre la Turquie et Israël renforce le projet américain. En novembre 2000, lord Roberston, secrétaire général de l’OTAN, déclare que la Turquie « est un allié sûr de l’OTAN au cœur d’une zone vitale qui comprend les Balkans, le Caucase, le Proche-Orient et la Méditerranée ».
Ces atouts permettent aux États-Unis de réaliser ses deux impératifs : d’une part le contrôle énergétique régional et d’autre part la sauvegarde de la souveraineté de leur allié israélien en relançant à leur avantage le processus de paix.
Capitaliser la guerre contre l’Irak afin d’établir un « nouvel ordre mondial »
Zone de Texte : Discours de G.Bush devant le Congrès américain, 11 septembre 1990 « Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment exceptionnel et extraordinaire. La crise dans le golfe Persique, malgré sa gravité, offre une occasion rare pour s’orienter vers une période historique de coopération. De cette période difficile, notre cinquième objectif, un nouvel ordre mondial, peut voir le jour : une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère où tous les pays du monde, qu’ils soient à l’Est ou à l’Ouest, au Nord ou au Sud, peuvent prospérer et vivre en harmonie. Une centaine de générations ont cherché cette voie insaisissable qui mène à la paix, tandis qu’un millier de guerres ont fait rage à travers l’histoire de l’homme. Aujourd’hui, ce nouveau monde cherche à naître. Un monde tout à fait différent de celui que nous avons connu. Un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle. Un monde où les états reconnaissent la responsabilité commune de garantir la liberté et la justice. Un monde où les forts respectent les droits des plus faibles. »La violation par l’Irak de l’intégrité du Koweït pousse Saddam Hussein à justifier son occupation par l’exemple israélien de non-respect de la résolution 242 de 1967. Mais, cet argument ne suffit pas et l’opération rapidement déclenchée conduit, à partir de 1991, à maintenir l’Irak dans une position d’embargo total jusqu’en 1996 date à laquelle il est allégé par un programme « pétrole contre nourriture » permettant l’importation de nourriture et de médicaments. En outre, États-Unis, Grande-Bretagne et France, malgré l’absence de résolutions de l’ONU en ce sens, établissent des zones d’exclusion aérienne sur 60% du territoire irakien afin de protéger les minorités kurdes au Nord et chiites au Sud. Mais, progressivement, ces zones d’exclusion légitiment des bombardements sur des zones stratégiques qui suscitent le retrait de la France en 1996 de la zone de surveillance du Kurdistan.
L’Irak est soupçonné de mener un programme d’élaboration d’armes de destruction massive. Des experts de l’UNSCOM sont dépêchés pour examiner toutes les installations. Mais dès avant la production de tout rapport d’analyse de l’UNSCOM, l’opération Renard du Désert est déclenchée en 1998 (où, par rapport à la Guerre du Golfe, le double de missiles de croisière a été lancé). La Russie, la Chine et la France critiquent ces bombardements en dehors des zones d’exclusions aériennes et qui touchent, selon l’ONU, près de 41% des civils.
Ces zones d’exclusion aérienne, aux fondements en Droit International controversés, initialement prévues pour sauvegarder les minorités irakiennes, permettent en réalité d’étouffer le pouvoir de Bagdad. Elles ont hélas aussi autorisé en 2000 des représailles militaires turques sur le PKK implanté en territoire irakien.
Conserver la maîtrise des processus de paix afin de préserver la souveraineté israélienne
L’ensemble du monde arabe condamne l’acharnement des États-Unis et de la Grande-Bretagne en Irak. Le parallèle est souvent observé, non en Droit mais dans la presse internationale, entre l’occupation du Koweït par l’Irak et l’occupation des territoires palestiniens par Israël. C’est pourquoi, en 1991, après le rejet du plan Baker de 1989 par les gouvernements israéliens, les États-Unis enclenchent avec l’URSS un processus de paix pour régler la question du conflit israélo-palestinien lors de la Conférence de Madrid.
Mais le processus souffre de plusieurs faiblesses :
-  Les États-Unis forcent la main aux deux Parties,
-  L’OLP est absente de la délégation pour les négociations à Madrid,
-  L’ONU et l’UE sont conviées comme participants (non comme commanditaires) : leur approche défendant le Droit International (notamment le respect de la IV Convention de Genève) est marginalisée,
-  Le programme de négociation lancé est basé sur le principe contestable de la restitution des territoires en échange de la paix.
Ce dernier point consacre le monopole de la violence et du terrorisme aux Palestiniens, la position de droit, de facto, étant celle d’Israël.
Tous ces décalages contribuent à enliser les négociations. En réalité, l’objectif est d’arriver le plus rapidement à une solution politique : même si le cœur des débats autour de la question des colonies juives et du statut de Jérusalem est suspendu, le processus d’Oslo, initié par l’allié des États-Unis, la Norvège, d’abord secret, aboutit à la reconnaissance mutuelle officielle entre Itzhak Rabin et Yaser Arafat qui signent une Déclaration de Principes à Washington en septembre 1993. Par cet accord, l’OLP est reconnu pleinement par Israël et permettent d’enclencher un processus de discussion plus serein pour l’autonomie des territoires palestiniens.
Depuis 1993, pour faire face aux attentats palestiniens et dés-intriquer, séparer les deux peuples, une logique sécuritaire se développe par des mesures de police : Gaza et la Cisjordanie sont bouclés par des barrages et des permis d’entrée, mais aussi par des mesures d’aménagement du territoire : les « by Pass Roads ». Israël s’engage effectivement à établir des routes de contournement pour garantir la sécurité des élections palestiniennes. En réalité, ces routes contribuent d’une part à isoler les confettis de territoires palestiniens éparpillés en cantons séparés les uns des autres et d’autre part, en contournant les zones de densité palestinienne, de relier toutes les extensions et colonies juives jusqu’au cœur du territoire israélien.
Mais, en 1994, le massacre commis par des colons israéliens, tuant près de cinquante civils palestiniens et blessant plusieurs centaines de fidèles en prière dans la mosquée d’Abraham à Hébron, conduit au déploiement temporaire d’une force internationale (résolution 904) autour d’Hébron.
L’erreur stratégique de la carte israélienne : le « deux poids / deux mesures »
Les différentes rencontres dilatoires et le veto américain à tout respect du Droit International conduisent à l’impasse. En septembre 2000, la seconde Intifada est déclenchée suite à la visite provocatrice d’Ariel Sharon au Haram al-Sharif (l’esplanade des Mosquées), qui se situe dans Jérusalem-Est sous occupation israélienne. Mais, le mois suivant, lors du vote de la résolution 1322, les États-Unis au Conseil de Sécurité ne reconnaissent pas la visite de Sharon comme une provocation, ni l’emploi de la force par Israël contre les Palestiniens. Les pressions des États-Unis et d’Israël éloignent les possibilités d’un règlement du conflit sur les bases du Droit International.
De fait, une commission spéciale des Nations unies pour enquêter sur les droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens propose dans son rapport de mars 2001 la création d’une présence internationale « pour surveiller et rendre compte régulièrement de la conformité de toutes les parties aux normes des droits de l’homme et du droit humanitaire, de sorte à assurer à la population des Territoires occupés l’entière protection des droits de l’homme. Une telle présence internationale devrait être immédiatement établie et constituée de manière à refléter le sentiment d’urgence au sujet de la protection des droits de l’homme du peuple palestinien (§114) ». C’est d’ailleurs dans ce sens que se prononcent les ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion du G8 à Rome en juillet 2001. Mais le 11 septembre suscite d’autres priorités pour les États-Unis et marque l’arrêt du processus de paix.

3. Le Moyen-Orient traumatisé (2001-2003)

Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur les TwinTowers précipitent les plans d’action américains au Moyen-Orient :
-  Lancement en 2001 de l’opération « Liberté immuable » en Afghanistan décidée conjointement et conformément aux résolutions 1368, 1373 & 1378 du Conseil de Sécurité des Nations-unies,
-  Lancement d’une guerre préventive unilatérale (coalition formée de la Pologne, de la Grande-Bretagne, de l’Australie et des États-Unis), sans l’accord de l’ONU contre l’Irak en 2003.
La construction d’un Ennemi global
Conformément à leur conception du « nouvel ordre mondial » que les États-Unis défendent, dès les années 90, en raison de leur mission morale qui leur est quasi-divinement accordée du fait de leur puissance, unique après la chute du bloc soviétique, il s’agit concernant le Moyen-Orient :
- Comme nous l’avons vu, d’empêcher l’escalade du conflit israélo-palestinien en renforçant le partenariat avec Israël et les états arabes « pro-occidentaux »,
-  D’identifier et de détruire les armes de destruction massive (ADM), qui motivent les bombardements unilatéraux sur l’Irak en 1996 et 1998 ainsi que sur le Soudan en 1998,
-  De lutter contre le terrorisme,
-  Et de provoquer des changements en Irak et en Iran.
A partir de 2000, Saddam Hussein a préféré l’euro au dollar pour les transactions pétrolières et commerciales ; son initiative a été suivie par la Corée du Nord, l’Iran puis en 2002 par la Chine et la Russie pour leurs avoirs financiers. Même si la mainmise sur les hydrocarbures est une prérogative importante dans la politique américaine au Moyen-Orient, elle ne justifie pas à elle seule cette guerre préventive. L’affaiblissement de l’Irak semble avoir été prévu de longue date par l’administration américaine mais les sanctions internationales n’ont pas réussi à déstabiliser Saddam Hussein au pouvoir. On assiste à une cristallisation politique et médiatique autour de Saddam Hussein et de son « état-voyou ».
Les États-Unis légitiment cette intervention par la menace sur la paix mondiale que représente l’Irak :
-  Tout d’abord, la focalisation médiatique sur Saddam Hussein et sur Ben Laden contribue aux yeux des Américains à nouer un lien évident de connivence entre les deux hommes dans l’élaboration des attentats de 2001 et dans le soutien au terrorisme international malgré que les services de renseignements occidentaux n’aient jamais alerté sur ce type de danger.
-  L’argument avancé également depuis 1991 est la menace NBC et la détention d’ADM. Colin Powell affirme que les inspections ne suffiront jamais assez face aux réticences et au manque de transparence irakien.
Origines et légitimité d’une guerre préventive
Loin de la polémique de l’époque sur la justification de cette guerre préventive, il apparaît néanmoins que des deux pays en dehors de l’orbite « pro-américaine » et susceptibles de se doter (ou non) d’une arme nucléaire, l’Irak est affaibli et exsangue par rapport à l’Iran. Après le 11 septembre 2001, d’un point de vue stratégique, c’est donc l’occasion idéale pour se positionner militairement au Moyen-Orient. Pariant sur le ralliement de la minorité ch’iite irakienne, écartée par le pouvoir baasiste jusque-là, les États-Unis pensaient influer certainement sur l’Iran.
Le bombardement israélien sur le réacteur nucléaire irakien d’Osirak en 1981 est légitimé par les mêmes arguments : l’Irak est « hors la loi » et la menace, même si elle n’est pas totalement opérationnelle, constitue un facteur, à terme, de déstabilisation régionale. C’est une « légitime défense anticipée », conforme à l’article 51 de la Charte des Nations unies si l’Irak était en mesure de développer rapidement sa capacité nucléaire. Mais les États-Unis en 2002, comme Israël en 1981, se justifient en prétextant que le but de la guerre préventive est de créer les conditions préalables à l’instauration de la paix et au respect des droits de l’Homme et que par là-même elle est nécessaire en dépit de l’opposition du Conseil de Sécurité ou du respect du Droit International.
Les attaques du 11 septembre permettent aux États-Unis de remodeler l’ensemble du monde arabe en s’attaquant aux États-voyous. En définitive, désarmer l’Irak, c’est désarmer le seul pays arabe susceptible de contrebalancer l’équilibre des forces régionales au profit des deux alliés américains : Israël et la Turquie.
La Guerre d’Irak, déclarée en mars 2003 par l’opération « Iraqi Freedom » dont les « conflits majeurs » sont officiellement déclarés achevés en mai 2003 par le président américain, a permis de détrôner Saddam Hussein. Le temps est venu pour les États-Unis de mettre en place leur projet de « Grand Moyen Orient » afin de promouvoir ses alliances stratégiques vacillantes (l’Arabie Saoudite) et une vaste politique de démocratisation et de libéralisation pour changer les régimes en place.
[1] Le premier volet (1919-1979) analyse la progressive mainmise américaine sur les anciennes possessions européennes et la confrontation au bloc soviétique ; le deuxième volet (1979-1991) se consacre à l’effondrement de l’influence de l’URSS au Moyen-Orient et le contrôle total américain sur les ressources énergétiques régionales. http://www.france-palestine.org/art...