dimanche 21 mars 2010

La Feuille de route du Quartette prévoyait la paix en trois ans...

Le Quartette, qui se réunit aujourd’hui (vendredi 20/03) à Moscou a été créé en 2002, à l’initiative du gouvernement espagnol, pour coordonner les efforts internationaux face à l’escalade du conflit au Proche-Orient. Il comprend les Etats-Unis, les Nations Unies, l’Union européenne, et la Russie, qui seront représentés à Moscou par la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, le haut-représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton et le ministre russe des affaires étrangères Serguei Lavrov.
Depuis avril 2003, le Quartette est chargé de veiller à l’application d’un document présenté par les Etats-Unis et destiné à acheminer la région à la paix en trois ans par phases successives. Baptisé Feuille de route, par ses promoteurs américains, ce plan comporte selon son préambule « des étapes claires, un calendrier, des dates limites et des critères destinés à encourager les progrès par des mesures réciproques des deux parties dans les domaines politique, sécuritaire, économique, humanitaire et de création des institutions ». Officiellement endossé par les nations Unies, le 19 novembre 2003, sous la forme de la résolution 1515 du Conseil de sécurité, ce plan, qui se fondait sur les travaux de la Conférence de Madrid de 1991, sur les résolutions 242, 338 et 1397 du Conseil de sécurité, sur les accords conclus antérieurement par les parties et sur l’initiative arabe de Beyrouth de mars 2002, prévoyait à l’origine de déboucher sur un « règlement final complet du conflit israélo-palestinien en 2005 ».
La paix en trois étapes
Acceptée par l’Autorité palestinienne, la Feuille de route avait été adoptée par le gouvernement israélien en mai 2003, par 12 voix contre 7 mais avec 14 « réserves » qui ne figurent ni dans le texte officiel du Quartette ni dans celui qui a été endossé par les Nations Unies. La plupart portaient sur des questions de sécurité. La partie israélienne formulait également certaines revendications que l’administration Netanyahou considère aujourd’hui comme des conditions nécessaires à la tenue d’une négociation.
Il était ainsi demandé que soit reconnu explicitement le droit d’Israël à exister en tant qu’Etat juif, que l’Etat palestinien soit démilitarisé, qu’Israël ait le contrôle sur les entrées et sorties de personnes et de marchandises ainsi que sur l’espace aérien et le spectre électromagnétique.
Le calendrier, comme on le sait n’a pas été respecté, il comportait trois phases.
La phase I, qui devait durer quelques mois, prévoit de « mettre fin au terrorisme et à la violence, normaliser la vie des palestiniens et mettre en place les institutions palestiniennes ». Pendant cette phase initiale il était notamment demandé aux Palestiniens de « déclarer clairement la cessation des actes de violence et de terrorisme et d’entreprendre des efforts visibles sur le terrain en vue d’entraver et d’empêcher l’action des individus et des groupes qui préparent et lancent des attaques contre des Israéliens en quelque lieu que ce soit ».
Israël, de son côté, devait « démanteler immédiatement toutes les colonies érigées depuis 2001, geler toutes ses activités quant à la création de colonies de peuplement, même lorsqu’il s’agit de l’expansion naturelle des colonies » et ne « prendre aucune mesure susceptible de saper la confiance notamment les expulsions, les attaques dirigées contre les civils, la saisie ou la destruction d’habitations et de biens palestiniens en tant que mesure punitive ou mesure destinée à faciliter la construction de bâtiments israéliens, la destruction d’institutions et de l’infrastructure palestiniennes [...].
La phase II organisait une période de transition de six mois (juin 2003- décembre 2003) pendant laquelle les efforts étaient concentrés sur la création d’un Etat palestinien indépendant aux frontières provisoires, doté des attributs de la souveraineté et fondé sur la nouvelle constitution. La phase II devait s’achever par la mise sur pied d’une conférence internationale, convoquée par le Quartette, avec pour objet de soutenir la relance économique palestinienne et de mettre en œuvre le processus conduisant à la création d’un Etat palestinien indépendant.
La phase III, qui devait s’étaler sur 2004 et 2005, devait comprendre une deuxième conférence internationale convoquée par le Quartette, destinée à avaliser l’accord initial et à préparer la résolution portant sur le statut final où seraient réglées les questions des frontières, de Jerusalem, des réfugiés et des colonies. La conférence devait aussi « déboucher le plus rapidement possible sur un accord général au Proche-Orient entre Israël, le Liban et la Syrie.
« Dans le contexte d’un accord de paix général entre Israël et la Palestine, les pays arabes acceptent le principe de la normalisation de leurs relations avec Israël et de la sécurité pour tous les Etats de la région » concluait la Feuille de route.
Un nouveau rôle pour le Quartette ?
Avec le recul on mesure la dimension utopique de ce plan de paix mis a mal par le développement du terrorisme islamiste, la poursuite et l’intensification de la colonisation, la construction du mur de séparation, la victoire électorale du Hamas aux législatives de janvier 2006, l’affrontement entre le Hamas et le Fatah, la séparation entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, puis la victoire de Benjamin Netanyahou à la tête d’une coalition dominée par les colons et les extrêmistes de droite, religieux ou non.
On mesure aussi l’efficacité discutable du Quartette, capable d’initiatives utiles notamment en matière de développement économique ou de sécurité, mais dépourvu de conviction commune claire et de capacité d’action autant que de moyens de pressions. L’une des questions qui se posent aujourd’hui est de savoir s’il est enfin en mesure d’assumer, avec retard ses responsabilités et si la Feuille de route peut être recyclée pour servir de cadre à une nouvelle négociation. Où si l’heure est venue de tourner cette page et de mettre en œuvre une autre stratégie. Une stratégie qui pourrait reposer, comme le proposent déjà de nombreuses voix, chez les Palestiniens et à l’étranger, sur la proclamation et la reconnaissance internationale d’un Etat palestinien dans des frontières provisoires.
publié sur le blog du NouvelObs