mardi 16 février 2010

La résistance non violente palestinienne porte ses fruits

publié le lundi 15 février 2010
Ben White

 
"La résistance non violente a besoin d’être comprise comme représentant plus que de simples manifestations. « Il s’agit d’une non-obéissance concrète à l’occupation, »"
Pour beaucoup, l’idée de résistance palestinienne est synonyme de terrorisme, et tout de suite, on voit les images des attentats-suicides et des roquettes. Il s’agit là d’une déformation orchestrée par les médias et nos politiciens.
Hors ces manchettes, la résistance palestinienne a toujours inclus des tactiques non violentes.
Aujourd’hui, dans certains villages, de Bil’in et Jayyous à Ni’lin et Beit Ommar, cette façon de persévérer contre la barrière de séparation et les colonies illégales d’Israël porte ses fruits et attire la participation de sympathisants internationaux et d’Israéliens juifs.
Les Palestiniens employaient des stratégies non violentes classiques, telles que grèves, manifestations et désobéissance civile, avant même que l’Etat moderne d’Israël ne voit le jour en 1948. Mais récemment, un nouvel élan, une attention neuve venant des médias, et aussi une répression de plus en plus dure par les forces d’occupation israéliennes ont porté ces stratégies sous les feux de la rampe.
Cette attention toute nouvelle, cependant, se trouve exposée au risque d’un deux poids deux mesures et d’une déformation des causes profondes du conflit.
Par exemple, si les médias et politiciens occidentaux ont applaudi à la montée de la résistance non violente palestinienne, pourquoi n’exhortent-ils pas Israël à adopter les mêmes règles de non-violence ? Pourquoi n’y a-t-il qu’à Israël qu’ils reconnaissent le « droit de se défendre » ? L’hypocrisie va encore plus loin alors que ce sont les Palestiniens qui se battent pour obtenir des droits fondamentaux, telle que l’autodétermination.
Le cœur du conflit, ce n’est pas la « sécurité » d’Israël, mais plutôt des décennies d’une politique israélienne conçue pour assurer la domination d’un groupe sur un autre. Ce serait donc une erreur cruciale de croire qu’en renonçant à la lutte armée, les Palestiniens vont changer les objectifs fondamentaux d’Israël.
Mais cela n’arrête pas les manifestants dans leur défi de l’occupation. La répression israélienne qui s’amplifie laisse penser que le mouvement n’est pas seulement déjà considéré comme une menace pour la domination israélienne de type apartheid, mais aussi comme une potentialité qui peut développer autre chose de beaucoup plus important. Ces derniers mois, Israël a pris pour cible des dirigeants, tels Jamal Juma, Mohammed Khatib, Mohammad Othman et Abdullah Abu Rahme, les enfermant sans procès et sous des accusations infondées.
Pour Mr Othman, enlevé par les troupes israéliennes et maintenu en prison pendant 106 jours sans charges contre lui, la force de la résistance populaire - « une initiative de tous les agriculteurs, tous les Palestiniens qui ne peuvent aller sur leurs terres, qui n’appartient à aucun parti politique » – cette force a ébranlé l’armée israélienne dans le déclanchement de cette vague de raids et d’enlèvements.
Israël, qui se vend lui-même comme la seule démocratie de la région, a également interpellé des dizaines de villageois lors de ses raids nocturnes au cours des 18 mois écoulés. Depuis 2005, 18 Palestiniens ont été tués et plus de 1 500 blessés dans les manifestations contre le mur.
Ces protestations populaires ont aussi fini par attirer l’attention de personnalités de premier plan du Fatah et de l’Autorité palestinienne (AP). Certains de ces dirigeants ont dit penser beaucoup de bien de la résistance non violente mais ils n’ont libéré que des fonds limités pour la soutenir. Et pendant l’agression criminelle d’Israël contre Gaza l’an dernier, les forces de l’AP réprimèrent et empêchèrent ces manifestations.
Il est important que cette résistance échappe à toute récupération pour des fins politiques, spécialement parce qu’elle est l’antithèse de l’AP : elle est non élitiste, démocratiquement responsable, et elle remet en cause le pouvoir de l’occupation – au lieu d’y participer.
Peut-être que le principal défi pour ce mouvement, cependant, est celui d’une réelle popularité. Les manifestations hebdomadaires de militants engagés sont une chose ; mais des actions organisées, de masse, impliquant des Palestiniens d’horizons divers, sont nécessaires.
Il faut « une action politique collective à un rythme soutenu », comme l’ont souligné récemment les cofondateurs du projet Solidarité Palestine, Mousa Abu Maria et Bekah Wolf, sur le site populaire de Mondoweiss. Ils ont insisté sur le manque de « travail de base » pour obtenir l’implication « de gens de toutes les classes sociales et de tous les milieux palestiniens ».
Pour Sami Awad, responsable de Holy Land Trust, basé à Bethléhem, la résistance non violente a besoin d’être comprise comme représentant plus que de simples manifestations. « Il s’agit d’une non-obéissance concrète à l’occupation, » dit-il.
Alors qu’Israël fait tout son possible pour mater ceux qui se battent contre son régime antidémocratique, les capacités du mouvement s’articulent sur les choix et les stratégies clés des Palestiniens eux-mêmes – ainsi que sur les réponses internationales aux luttes anticoloniales du 21è siècle pour l’égalité et les droits essentiels, contre les violeurs de lois internationaux qui, jusqu’ici, n’ont jamais eu à rendre des comptes.
Ben White, journaliste free-lance, est l’auteur de « Apartheid israélien : un manuel du débutant ».
traduction : JPP pour l’AFPS