lundi 25 janvier 2010

Préserver les racines de la résistance en Palestine

publié le dimanche 24 janvier 2010
Hajr Al-Ali

 
En détruisant les oliveraies pour construire à leur place des colonies illégales, des barrières de séparation et des murs, Israël réduit totalement en cendres le symbole universel de la paix.
Tous ceux qui ont festoyé au Moyen-Orient ou goûté à la cuisine méditerranéenne connaissent le rôle important que tient l’olive, donnant à leurs papilles gustatives l’occasion d’en faire l’éloge. Dégustée telle quelle ou en huile, l’olive imprègne pratiquement chaque repas. Mais ici, en Palestine particulièrement, la zaytoun (olive en arabe) donne à nos vies une saveur qui fait plus que safisfaire nos palais. Les olives sont une part vitale de l’économie palestinienne et la première production de la nation. D’après les chiffres des Nations unies, les oliveraies représentent plus de 45% des terres arables et 80% des vergers de Palestine. Il se trouve aussi qu’elles sont la cible régulière des agressions des colons et des soldats israéliens.
En novembre, des colons de la colonie d’Yitzhar, au sud de Naplouse, ont coupé près de 100 oliviers dans le village de Burin, alors que le village s’apprêtait le lendemain à fêter la récolte ; une célébration qui couronnait deux années de travail. Dans le village de Beit Ummar, à Hébron, les troupes israéliennes ont interdit aux agriculteurs de planter leurs oliviers, plus de 1 500, au prétexte que le terrain était « zone militaire fermée », et alors que le tribunal israélien les y avait autorisés. D’après le ministère de l’Agriculture palestinien, « toutes les minutes, un olivier producteur est arraché (par les colons et les soldats israéliens) dans les Territoires palestiniens occupés. » De tels incidents deviennent de plus en plus fréquents. Comme des termites, ils rongent toujours plus profondément les paysages géographiques, culturels et économiques de la Palestine, affectant surtout les 65% de familles palestiniennes qui vivent dans les zones rurales et qui donc dépendent du secteur agricole.
Pour essayer de rendre à ces familles quelques moyens de subsistance, des projets de replantations ont commencé à voir le jour en Cisjordanie. Samedi dernier, 16 janvier, j’ai traversé certaines de ces plantations avec quelques amis. Nous nous sommes levés tôt pour prendre la route, passant par des collines réputées de Palestine, et nous rendre dans un village au nord-ouest de Naplouse, Deir Sharaf. A peine descendus de notre taxi, nous fûmes accueillis par des membres de la communauté et des volontaires qui nous tendaient des binettes et des râteaux, nous disant avec de larges sourires entendus, que nous étions là pour planter.
C’était la première fois que cela se produisait dans le village, « mais pas la dernière » ; cela se passait dans le cadre de la « campagne des 10 000 arbres pour Naplouse ». Organisée par le Centre pour le développement de la société civile, Al-Hayat, (La Vie), et soutenue par deux organisations du Royaume-Uni, l’association des Amis de Naplouse et ses environs (FONSA) et l’association du jumelage Naplouse/Dundee (DNTA), l’initiative vise à fournir une source durable de revenus aux familles de la communauté.
Cependant, et comme c’est souvent le cas quand il s’agit des droits palestiniens à leurs terres et des contre-prétentions israéliennes, cette tentative ne va pas sans luttes ni conditions. Des membres du conseil d’Al-Hayat ont expliqué que l’armée israélienne les empêchait de planter les arbres à leur place initiale, parce que c’était « trop près du mur (de séparation) ». Plus tard, les habitants de Deir Sharaf ont été prévenus que s’ils osaient s’en approcher, ils se feraient tirer dessus. Leurs voisins, les colons de Shave Shomron, n’ont pas reçu cette même mise en garde et souvent ils traversent pour venir harceler les villageois de Deir Sharaf, jetant des ordures sur leurs terres ou provoquant des affrontements. Récemment, des colons ont lâché des cochons dans Deir Sharaf, qui n’ont pas fait que saccager les cultures mais s’en sont pris violemment à un agriculteur, celui-ci a dû être conduit aux urgences et y est resté trois mois.
De tels actes sont, bien sûr, une autre façon d’empêcher toute « stabilité » de pénétrer sans heurt la vie palestinienne. Outre ces agressions, les confiscations de terres palestiniennes, les arrachages et les incendies d’arbres, les couvre-feux et les check-points interdisant aux agriculteurs d’accéder aux marchés locaux comme aux marchés internationaux, détériorent méthodiquement et sensiblement l’économie palestinienne.
Il s’agit d’un signe flagrant supplémentaire qui montre où en est Israël quant à sa volonté pour une paix viable. Après tout, le lien fort entre économie durable et paix durable n’est pas un secret. L’agression israélienne qui se poursuit contre les agriculteurs palestiniens fait que les allégations de Netanyahu prétendant que son gouvernement serait un « partenaire pour la paix, pour la sécurité et un développement rapide de l’économie palestinienne » sont totalement ridicules. En détruisant les oliveraies pour construire à leur place des colonies illégales, des barrières de séparation et des murs, Israël réduit totalement en cendres le symbole universel de la paix.
Pour les Palestiniens, les oliviers représentent bien plus que le symbole ancestral de l’harmonie. Leurs racines sont ancrées dans la résistance par tous ceux qui se battent pour les protéger. Maha, une jeune femme volontaire de Deir Sharaf, qui prétendait que son anglais n’était « pas bon », a donné la meilleure explication à l’importance des oliviers dans la vie palestinienne : « Ils sont nos grands-pères. Ils sont notre beauté. Ils sont notre air. » Nous ne pouvons qu’espérer qu’un jour, Israël, avec la communauté internationale, reconnaisse le droit de la Palestine à respirer.
Hajr Al-Ali écrit pour le Miftah (initiative palestinienne pour la promotion du dialogue mondial et de la démocratie. Elle peut être jointe à l’adresse : mid@mitfah.org
traduction : JPP pour l’AFPS