lundi 25 janvier 2010

Obama... Un J.W. Bush numéro deux ?

dimanche 24 janvier 2010 - 05h:33
Danny Schechter - Al Jazeera
L’élection de Barack Obama semblait être une anomalie, mais il est évident que c’est le dégoût de son prédécesseur qui l’a mené de l’ombre à la présidence, écrit Danny Schechter.
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"Vous espériez un Che Guevara ?"
Obama, c’est une illusion de changement rapidement dissipée...
La stratégie d’Obama « outside-inside » [agir du dedans et du dehors par rapport aux institutions - N.d.T] a séduit des millions de nouveaux électeurs. Il a organisé, rassemblé ces nouveaux électeurs, utilisé des réseaux sociaux et des slogans évoquant le changement avec plus de symbolisme que de substance.
Mais une fois dans ses fonctions, celles-ci ont pris le dessus, et il a abandonné ses inclinations populistes et enterré le mouvement sur lequel il s’était appuyé, dans un marais paralysant de centrisme pragmatique et présenté comme « politique du possible ».
Ses supporters se sont transformés en destinataires de courriers électroniques, et non en militants potentiels qu’il faut courtiser avec un programme. Il a laissé son « armée » se disperser tandis qu’il s’employait à utiliser le bureau ovale comme un pupitre de despote. Ses disciples ont été démobilisés tandis qu’il donnait discours après discours.
Obama s’est rendu compte que l’ère de Bush n’était pas terminée dans les appareils bureaucratiques ou dans les médias et les halls du Congrès. Pour leur couper l’herbe sous le pied, il s’est déplacé vers la droite pour peut-être se déplacer plus tard vers la gauche.
Il a repris à son compte quelques-uns des slogans éculés de Bush concernant la sécurité nationale. Il s’est accommodé du pouvoir du Pentagone en lui emboîtant le pas. Faire des compromis a commencé à devenir sa règle.
De minuscules réformes ont été présentées comme de grandes victoires. Le retrait d’Irak a été retardé, tout comme la fermeture de Guantanamo. Il semblait être tenu avec une laisse courte, tandis que les vrais tenants du pouvoir contrôlent ses initiatives.
Est-il devenu un Bush II ? Beaucoup le pensent. Est-ce qu’il est en train de se vendre ou au contraire d’engranger ?
Ross Douthat prétend dans le New York Times qu’Obama est un libéral qui fonctionne par réflexe et qui croit qu’il faut travailler à l’intérieur des institutions pour les changer.
Selon Douthat, « cela fait de lui... un oiseau maladroit qui semble avoir une disposition machiavélique pour saborder n’importe quel accord en usant de la rhétorique planante du grand libéralisme idéologique de gouvernement ».
Le problème avec les institutions, c’est qu’elles changent rarement sans scandales médiatiques ou sans pression de l’extérieur.
Le pouvoir populaire et les polémiques
Ce n’est pas qu’Obama ait laissé quoi que ce soit à « gauche » une fois que son prédicateur radical le Révérend Wright [qui avait dans un sermon dénoncé la main-mise du lobby pro-israélien sur la politique américaine - N.d.T] et son copain d’antan Bill Ayers [pacifiste militant de la gauche radicale - N.d.T] soient devenus des albatros [allusion au poème de Baudelaire ? - N.d.T].
Il veut maintenant paraître indépendant et sans idéologie, mais les progressistes ont vu dans sa victoire beaucoup plus qu’il ne serait jamais possible de faire, beaucoup plus même que ses propres promesses.
Il a considéré avoir servi les libéraux avec des paroles en l’air, et non par des changements politiques substantiels. [...]
Alors que la droite mobilisait, la gauche polémiquait.
Pendant que ses adversaires - ceux qui le détestaient et niaient sa légitimité - prenaient l’initiative, les Obamacrates se sont réfugiés dans des bunkers, sauvant les apparences, faisant un pas en avant, deux pas en arrière. Ils ont voulu séduire les membres du Congrès, pas les collèges électoraux.
Après s’être rendu compte que l’homme « le plus puissant au monde » n’a que la puissance de proposer tandis que le congrès dispose ; une fois s’être rendu compte que la droite non seulement ne jouerait pas le jeu du bipartisme et que le GOP [Grand Old Party - Parti républicain - N.d.T] avait été investi par des despotes ; une fois s’être rendu compte qu’ils imposeraient la « discipline » ; une fois s’être rendu compte qu’ils n’accepteraient pas même la légitimité de son élection ou de sa citoyenneté ; une fois avoir réalisé que pour survivre il devrait embrasser la logique et les préceptes du Pentagone et des donateurs de Wall Street qui l’avaient soutenu ; une fois compris qu’il était pratiquement seul dans la grande Maison (oui, c’est une métaphore, aussi, pour dire une prison), les jeux étaient faits. [...]
Il s’est trouvé coincé par la logique de ses choix et par les limites de sa vision.
Désillusion
Ce qui n’est pas dire qu’il ait jamais été un homme de gauche. Il nous a dit pendant la campagne qu’il gagnerait la guerre afghane. Il nous a montrés sa position sur la question de l’effondrement économique avec ses obligés comme Summers, Geithner et autres.
Pour combattre la droite, il avait besoin d’avoir le centre et les médias de son côté.
Il est par nature prudent et rusé, avançant pas à pas, gagnant des batailles, en perdant ou renonçant à d’autres. Il sait qu’un président ne peut avoir un jeu parfait. C’est un gestionnaire des impôts, pas un combattant des rues. Pour beaucoup, il représente une grosse déception.
Pour d’autres, la question est : « vous vous attendiez à un Che Guevara ? »
Le défi est maintenant de ne pas tomber dans les regrets, mais d’élaborer des stratégies pour construire l’avenir dans un monde qui n’est pas parfait.
Quelles leçons pouvons-nous tirer et appliquer ? Comment les progressistes peuvent-ils retrouver de l’énergie dans une stratégie ? Comment peuvent-ils/ pouvons-nous commencer à re-définir les problèmes, à construire une base et ensuite la mobiliser ? Y aura-t-il un retour à la rue, sans autre cooptation par les illusions du pouvoir dans les salons ?
Peut-être la désillusion construit-elle maintenant sur sa gauche, et va-t-elle compliquer plus directement le style d’Obama et son approche. D’un autre côté cela peut conduire au fatalisme et à l’abandon de la politique par des gens qui ont été hypnotisés par son charisme et qui ont été naïfs sur la façon dont la politique fonctionne réellement.
Si c’est ce qui se passe, c’est le discours de la droite qui va dominer et elle va tenter de reprendre le Congrès.
Nous avons connu cela auparavant - avec Lyndon Johnson délaissant le beurre pour les canons, avec Bill Clinton se réfugiant au milieu de sa corporation.
Les médias sont au cœur du problème parce que les libéraux, qui ont plus d’argent que les conservateurs, n’ont pas investi dans la presse pour atteindre le public de masse. Ils n’ont pas encore compris que les États-Unis ont besoin de canaux comme Al Jazeera pour que l’ont soit sensibilisé sur le monde de la télévision où l’esprit de clocher et la propagande sont omniprésents.
Une nouvelle stratégie est donc nécessaire, pour refaire du parti démocrate quelque chose de plus démocratique, pour résister à la puissance de l’argent dans la politique et reprendre un discours populaire sur le plan économique pour défendre les millions de chômeurs, avant que ceux-ci ne deviennent des millions de désespérés.
* Danny Schechter est éditeur de Mediachannel.org. Son nouveau livre, « Le Crime de Notre Temps », traite de la crise financière comme d’un roman policier, un sujet qu’il couvre aussi dans un nouveau film appelé « Pillage ».
20 janvier 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/focus/...
Traduction : Nazem
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8043