jeudi 14 janvier 2010

La galère des étudiants de Gaza

mercredi 13 janvier 2010 - 07h:12
Claude Delfond
Il y a un an, l’armée Israélienne détruisait Gaza. 3500 habitations démolies, 56 000 endommagées. 700 entreprises et magasins réduits en poussière. Bombardements systématiques de tout le système d’aduction d’eau ainsi que les égouts et stations d’épuration.
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Université à Gaza
En opposition au droit international, Israël interdit toute importation de ciment et de verre, c’est-à-dire toute reconstruction. Mais Israël s’en fout, comme du rapport de l’ONU Goldstone, l’accusant de « crimes de guerre » et de « possibles crimes contre l’humanité ».
Ce qui est le plus significatif de l’étranglement israélien, c’est son acharnement sur l’éducation. Difficile de faire croire que l’éducation des Palestiniens de Gaza menace en quoi que ce soit la sécurité israélienne. La raison est ailleurs. De tout temps les oppresseurs se sont employés à maintenir leurs esclaves dans l’ignorance.
A Gaza, il y a un an, sur un territoire de 365 km2 (une fois et demie seulement plus grand que celui de la commune de Marseille), 18 établissements scolaires ont été réduits en poussière. Les étudiants qui ont décroché « par chance » leur inscription universitaire dans d’autres pays à travers le monde, ne peuvent pas partir, ne peuvent pas aller poursuivre leur études ailleurs. Selon un article de Médiapart, 1983 étudiants ont été acceptés, pour cette année scolaire 2009/10, dans les établissements d’enseignement à l’étranger, seulement 1214 étudiants ont réussi à traverser le passage frontalier.
Toutes les mesures visant à restreindre l’accès à l’enseignement supérieur des Gazaoui est régi par une lettre du 7 juillet 2008 émanant de celle qui était alors membre de la Knesset et ministre israélienne des affaires étrangères, Tzipi Livni : « l’interdiction de sortie des étudiants de Gaza relève de la décision du cabinet de sécurité du 9 septembre 2007. Le cabinet a caractérisé Gaza d’entité hostile et a placé des restrictions aux frontières pour le passage des biens et des personnes sortant de la Bande et y entrant, sauf dans les cas humanitaires ».
Il faut d’abord avoir disposer d’une bourse d’études universitaires « agrée » par Israël. Oui, Israël choisit les universités mondiales où les Palestiniens peuvent étudier. Déjà, tous les pays n’ayant pas une représentation diplomatique en Israël (et ils sont nombreux), ne sont pas éligibles. En outre, depuis juin 2008, Israël impose une « escorte diplomatique » pour les étudiants allant étudier à l’étranger (ils doivent être accompagnés individuellement par un diplomate). Mais il faut également aller assister à un entretien pour un visa à Jérusalem ou en Cisjordanie. Or le territoire est bouclé. C’est la poule et l’oeuf : il faut sortir de Gaza pour avoir un document permettant de sortir...
La conséquence est que, fin octobre, dans la bande de Gaza, 838 étudiants étaient toujours en attente d’une autorisation de sortir. Chaque année, un millier d’étudiants, détenteurs de bourses à l’étranger, essaient de quitter Gaza pour poursuivre leurs études. Car, à Gaza, les universités ne proposent que des diplômes de premier cycle. Chaque année, moins d’un tiers des étudiants peut effectivement partir. L’article de Médiapart, ainsi que celui d’Info-Palestine donnent des témoignages personnels émouvants d’étudiants reçus à un examen étranger, disposant d’une bourse et empêchés de rejoindre leur université.
La France se situe au 5ème rang des pays d’accueil d’étudiants palestiniens. Environ 200 étudiants palestiniens, dont une quarantaine de Gazaouis, sont actuellement inscrits dans un établissement universitaire français. Les contingents les plus importants se rencontrent dans les domaines suivants : filières de santé et sciences fondamentales et appliquées. La moitié environ de ces étudiants sont inscrits au niveau Master et un quart au niveau Doctorat. Concernant les sorties des étudiants boursiers de Gaza, la France s’appuie sur la procédure négociée en 2008 avec les autorités israéliennes par la Commission européenne au nom de tous les Etats membres. Cette procédure, permettant de délivrer des « security clearance », n’est même pas respéctée par Israël. Nombreux sont les étudiants sélectionnés qui restent à Gaza et ne peuvent participer dans les temps à la rentrée universitaire. Selon cette procédure, les étudiants sont pris en charge à Erez par un agent du Consulat général de France qui les conduit à la frontière jordanienne pour prendre leur avion à Amman. Embûches, arbitraire et humiliations sont donc les premiers enseignements du candidat étudiant Gazaoui.
Israël s’acharne depuis longtemps sur les Universités palestiniennes. Au début de la Première Intifada (1987), les 11 universités palestiniennes avaient été fermés par les autorités israéliennes . Certaines furent rouvertes en 1990 ,après que des pressions internationales furent exercés sur Israël et toutes reprirent leurs activités progressivement au cours de l’année 1991. Le 28 décembre 2008, Israël a bombardait les bâtiments abritant les laboratoires scientifiques à l’Université islamique de Gaza. Selon les témoignages des coopérants français, le blocage procédurier des fournitures à l’université d’Al-Aqsa est quotidien.
On compte aujourd’hui 83 408 étudiants dans le supérieur pour une population de 3,76 millions d’habitants, soit 22 étudiants pour 1000 habitants. En Israël, c’est 35/1000, et même sans doute plus, car à l’intérieur même d’Israël, l’accès à l’enseignement supérieur n’est pas le même selon l’origine : parmi les Israéliens qui passent leurs examens de fin d’études secondaires, on compte 3 fois plus de Juifs que d’ Arabes acceptés dans les universités israéliennes.
29 décembre 2009 - Tranmis par l’auteur - Vous pouvez consulter cet article à :
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