dimanche 15 novembre 2009

Rapport Goldstone : Il est presque aussi grave de dissimuler des crimes de guerre que de les commettre

publié le dimanche 15 novembre 2009

Dennis Kucinich
Début novembre, alors qu’une majorité de parlementaires américains s’apprêtaient à voter une résolution rejetant les conclusions du rapport Goldstone accusant de crimes de guerre le Hamas et Israël, le député de la gauche Démocrate Dennis Kucinich, candidat à la présidence en 2008, s’est élevé, seul ou presque contre ses collègues, pour dénoncer ce texte. « Il est presque aussi grave de dissimuler des crimes de guerre qu

« Il est presque aussi grave de dissimuler des crimes de guerre que de commettre des crimes de guerre, en prétendant que ces crimes de guerre n’ont jamais été commis et n’ont pas existé », avait-il alors averti l’assemblée. Cette déclaration lui a valu d’être interdit de parole le 9 novembre lors d’une réunion des donateurs du parti Démocrate en Floride. La résolution combattue par Kucinich a été adoptée par 344 voix contre 36. --- [1]

Dennis Kucinich, Intervention à la chambre des représentants, 3 novembre 2009

Aujourd’hui, nous passons de l’opération « Plomb Durci » à l’opération « Doute Insinué » [1]. Il est presque aussi grave de dissimuler des crimes de guerre que de commettre des crimes de guerre, en prétendant que ces crimes de guerre n’ont jamais été commis et n’ont pas existé.

Parce que derrière chacun de ces mensonges se trouve le déni de l’humanité, l’abaissement de la dignité humaine, l’anéantissement de l’esprit humain, le triomphe de la pensée orwellienne, cette prison éternelle qui est au cœur des ténèbres du totalitarisme.

La résolution dont nous sommes saisis aujourd’hui, qui rejette toutes les conclusions du rapport Goldstone pour déterminer la responsabilité de toutes les parties dans la perpétuation de crimes de guerre, y compris le Hamas et Israël, pourrait tout aussi bien s’appeler la résolution « La Nuit c’est le Jour, le Mal c’est le Bien ».

Car si ce vote du Congrès condamne un rapport qu’il n’a pas lu, concernant des événements qu’il a totalement ignorés, décrivant des violations du droit qu’il ne connaît pas, ce sera une honte pour cette grande institution.

Comment pouvons-nous espérer une quelconque paix au Proche-Orient si nous approuvons tacitement des violations du droit international et des droits de l’Homme, si nous détournons le regard, ou si nous fermons les yeux sur la douleur des gens dans chaque camp en vidant de son sens une enquête légitime ?

Comment pouvons-nous protéger le peuple d’Israël de ses menaces existentielles, si nous n’avons aucun souci de la protection des Palestiniens, de leur sécurité physique, de leur droit à la terre, leur droit à habiter, leur droit à l’eau, leur droit à la subsistance, leur droit à la liberté de mouvement, leur droit à la sécurité de l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé ?

Nous n’aurons la paix que lorsque le sort des Palestiniens et des Israéliens sera examiné par cette Assemblée et que sera pris en considération de façon égalitaire la reconnaissance de ce principe affirmant que tous les habitants de cette planète ont le droit de survivre et de prospérer. Il est de notre responsabilité, de notre devoir, de chercher à ce qu’aucun individu, aucun groupe, aucun peuple, ne se voie refuser ce droit humain élémentaire.

[1] Kucinich est une personnalité atypique et par certains aspects provocante et donc marginale. Ce positionnement, lorsqu’il s’oppose à la doxa washingtonienne concernant le Proche-Orient, l’expose évidemment à l’accusation d’antisémitisme, que d’aucuns voudront sans doute qualifier de dissimulé, latent, ou inconscient. Pourtant, lorsque l’on écoute cet homme, on ne peut être que saisi par la force de ses arguments. Lorsqu’il s’exclame « comment pouvons-nous protéger le peuple d’Israël de ses menaces existentielles, si nous n’avons aucun souci de la protection des Palestiniens, de leur sécurité physique, de leur droit à la terre, leur droit à habiter, leur droit à l’eau, leur droit à la subsistance, leur droit à la liberté de mouvement, » il énonce une évidence, dont les conclusions logiques ont apparemment échappé aux parlementaires américains.

L’influence qu’ont su acquérir les lobbies sioniste et évangéliste sur la vie politique aux USA manifeste ainsi ses effets, selon nous. Pour une bonne part, les élus américains, quelles que soient leurs convictions profondes, hésitent à s’opposer à Israël, tant est forte la pression qui pourrait s’exercer sur eux. Affirmons-le haut et fort, il n’y a là nulle insinuation sur une éventuelle et détestable hypothèse de pouvoir occulte. Juste le constat amer d’une réalité institutionnelle et sociale dont les conséquences dépassent - et de loin - le simple cadre de la nation américaine. De la même façon, sur un tout autre plan, nous sommes persuadés que la proportionnelle en vigueur en Israël, par l’effet de levier qu’elle procure aux minorités extrémistes, est l’un des déterminants majeurs de l’échec des tentatives de paix.

Dans les deux cas, notre destin commun dépend de l’accomplissement, du progrès, de sociétés autres. Qu’en conclure ? Après tant d’années où le règne de la concurrence comptable et marchande a prétendu servir d’unique boussole, il est temps, semble-t-il, d’en revenir aux humanités, ce très nécessaire art du dialogue avec l’étrange et indispensable autrui, et à l’humanisme, qui en dessine l’incertain chemin. Contre Info.

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titre modifié : CL, Afps