dimanche 15 novembre 2009

La troisième Intifada est dans l’air

publié le dimanche 15 novembre 2009

Soufiane Ben Farhat
Hillary Clinton souffle le chaud et le froid. La secrétaire d’Etat américaine soutient le maximalisme israélien tout en s’ingéniant à rassurer ses alliés arabes. Une manière de ménager la chèvre et le chou. Bref rappel des faits.

En visite à Al Qods occupée samedi dernier, Hillary Clinton a mis de l’huile sur le feu. Elle a réclamé la relance du processus de paix tout en demandant au Président palestinien Mahmoud Abbas de ne plus subordonner celui-ci à l’arrêt de la colonisation israélienne. Sitôt dit, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a campé les saintes-nitouches. Il a accusé Abbas d’entraver la relance des pourparlers de paix à travers ses exigences. Les Palestiniens ont aussitôt riposté. Ils ont accusé les USA de jouer les briseurs de paix. Mme Clinton décide alors de prolonger son séjour au Proche-Orient. Elle joue les sapeurs pompiers cette fois. Elle a assuré que Washington n’acceptera pas la légitimité des colonies israéliennes en Cisjordanie et exige que leur construction soit arrêtée "pour toujours". C’est l’effet d’annonce au premier degré. Ses propos demeurent cependant sibyllins. "Notre politique sur la colonisation n’a pas changé", a-t-elle affirmé devant la presse. "Nous n’acceptons pas la légitimité des colonies. Mettre un terme à la colonisation actuelle et future est préférable", a-t-elle ajouté.

En vérité, Hillary Clinton traduit la volte-face américaine sur la question des colonies de peuplement juives. Le Président Obama en a fait montre lors du sommet à trois avec Abbas et Netanyahu en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre, à New York. Auparavant, le chef de l’exécutif américain considérait ouvertement les colonies de peuplement juives comme un obstacle majeur et exigeait leur gel. A New York cependant, et face au refus de Netanyahu de céder sur les colonies, Obama s’est contenté d’inciter Israël à la "retenue".

La retenue, c’est ce que les Occidentaux demandent à Israël depuis son irruption brutale dans le vécu proche-oriental en 1948. Sans conviction et du bout des lèvres bien évidemment. En politique, cela signifie : moi je me protège et toi tu fais ce que tu veux. Un feu-vert tacite en somme. A bien y voir, une séquence tragique de l’histoire tragique du Proche-Orient semble en passe de se réitérer.

Israël s’obstine à refuser les quatre exigences essentielles des Palestiniens : l’Etat indépendant, le démantèlement des colonies de peuplement juives en Cisjordanie, le traitement équitable du droit au retour des réfugiés et le statut d’Al Qods comme capitale du futur Etat palestinien. Israël louvoie et bénéficie des complicités américaine et occidentale. Les dirigeants palestiniens sont mis à mal. Ils perdent leur leadership sur une population traumatisée et radicalisée, en désespoir de cause, par la chape de plomb de l’occupation israélienne sans espoir de solution. Une Intifada éclate.

Jusqu’ici, deux Intifada ont eu lieu. La troisième est dans l’air. Alors tous les états-majors politiques, occidentaux en prime, sonnent le rappel de ce bon vieux processus de paix. Lequel, est-il besoin de le rappeler, est demeuré lettre morte depuis l’assassinat du premier ministre israélien Itzhak Rabin par un extrémiste juif en 1995.

Et entre-temps, aussi étrange que cela puisse paraître, l’étau se resserre autour d’Israël. En faisant cavalier seul, Israël a le don de se mettre à dos tous les protagonistes régionaux. C’est qu’il excelle dans la posture anachronique consistant à se faire des ennemis tout près et chercher des alliés très loin. Anesthésié par le triomphe illusoire du solipsiste de bas aloi, Israël n’a plus la capacité de voir les ferments de sa perte dans ses propres entrailles. Son occupation du Liban, 22 années durant, s’est soldée par une cuisante défaite face aux combattants du Hezbollah libanais l’été 2006. Des combattants nés sous l’occupation israélienne proprement dite. De même en envahissant la bande de Gaza, y semant la terreur et la mort à tous vents l’hiver dernier, Israël s’est cru en passe d’en finir avec la Hamas. Il n’en fut rien.

Aujourd’hui ou demain, Dieu sait quel levain aura pétri les Palestiniens occupés de Gaza et de Cisjordanie pour sonner l’irréversible glas de l’occupation israélienne. Israël a déjà perdu la bataille de l’opinion. Il n’y a guère de meilleur préalable pour perdre définitivement la bataille de l’occupation. Lourdement avertis au Vietnam, en Irak, en Afghanistan ou ailleurs, les Américains devraient le signifier à leur chouchou israélien. Plutôt que de cajoler dans le sens du poil de la bête.