mercredi 16 septembre 2009

PNUE: laisser reposer et se rétablir les réserves d'eau souterraine de la bande de Gaza

Ecrit par PNUE
15/09/2009
NAIROBI / JERUSALEM / RAMALLAH – Les réserves d'eau souterraine, sur lesquelles dépendent 1.5 millions de Palestiniens pour l'eau potable et l'agriculture risquent de s'effondrer en raison de nombreuses années d'extraction excessive et de la pollution qui a été aggravée par le récent conflit.
Un rapport publié aujourd'hui par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) sur la situation environnementale dans la Bande de Gaza après la fin des hostilités appelle à laisser « reposer » la nappe phréatique et à trouver des sources alternatives d'eau.

« A moins que la tendance ne soit inversée immédiatement, les dégâts pourraient être ressentis pendant des siècles. La nappe phréatique étant un continuum avec l'Egypte et Israel, toute action doit être coordonnée avec ces deux pays», dit-il.

Parmi les principaux problèmes soulignés par le rapport sont l'augmentation de la salinité de la nappe phréatique due à l'immixtion d'eau salée causée par l'extraction excessive d'eau souterraine, ainsi que la pollution par les eaux usées et les eaux d'irrigation agricole.

Les taux de pollution de l'eau dans la Bande de Gaza sont tels que les nourrissons risquent l'empoisonnement aux nitrates.

Le PNUE estime le coût du rétablissement de la nappe phréatique-qui inclut l'installation d'usines de désalinisation pour réduire la pression sur les réserves d'eau souterraine-à bien plus de 1.5 milliards de dollars US sur 20 ans.

Cette recommandation figure parmi la vingtaine de recommandations faites dans le rapport, intitulé Environmental Assessment of the Gaza Strip following the escalation of hostilities in December 2008-January 2009 (Evaluation environnementale post-conflit de la Bande de Gaza suivant les hostilités de décembre 2008 et janvier 2009).

Le rapport, demandé en février 2009 par le Conseil d'administration du PNUE - le rassemblement annuel des ministres de l'environnement - examine les impacts directs des récentes hostilités, et montre comment ceux-ci ont contribué à aggraver des problèmes environnementaux préexistants.

Le rapport évalue également le coût économique probable des hostilités et fournit des recommandations quant aux niveaux d'investissement nécessaires pour assurer la réhabilitation, le rétablissement, et la durabilité environnementale de la Bande de Gaza à plus long terme.

Quelques impacts directs

Les frappes aériennes sur les bâtiments et autres infrastructures ont généré 600'000 tonnes de débris de démolition.

Le coût de l'enlèvement et l'élimination appropriée des gravats, dont certains sont contaminés par l'amiante, est calculé à plus de 7 millions de dollars US.

Il est estimé que 17 pourcent des terres cultivées, dont des vergers et des serres, ont été gravement affectés.

Selon le rapport, le coût de l'impact sur les moyens de subsistance des agriculteurs, combiné à celui des mesures de nettoyage nécessaires, s'élève à environ 11 millions de dollars US.

D'autres impacts incluent des déversements d'eaux usées dus à des coupures de courant dans les stations d'épuration. Il est probable qu'une partie de ces eaux usées aient filtré à travers le sol poreux de la Bande de Gaza et atteint la nappe phréatique.

Il y a aussi eu une augmentation sensible de la quantité de déchets hospitaliers dangereux dans les décharges, résultant en partie des nombreux blessés au cours des récentes hostilités.

Le rapport souligne également des facteurs accompagnateurs, tels que l'effondrement des services de ramassage des déchets pendant les hostilités et la façon dont cela a exercé une pression accrue sur les décharges existantes.

· Le coût estimé de la mise hors service des décharges existantes et de l'établissement de nouveaux centres de gestion des déchets solides s'élève à 40 millions de dollars US.

Achim Steiner, Sous-secrétaire général des Nations Unies et Directeur exécutif du PNUE, qui a lancé l'évaluation lors d'une visite de la Bande de Gaza dans le courant du mois d'avril, précise : « Les évaluations qui ont été menées et les résultats qui sont présentés ici identifient et documentent un sérieux défi pour la durabilité environnementale de la Bande de Gaza ».

« Les faits et les chiffres, ainsi que les estimations indicatives des investissements nécessaires présentés dans ce rapport devraient aider toutes les parties concernées à comprendre la gravité de la situation afin de proposer des solutions véritablement transformatives. La communauté internationale a indiqué qu'elle était prête à fournir son assistance technique, financière et diplomatique afin de permettre à la réhabilitation environnementale de la Bande de Gaza d'être une opportunité pour la coopération et le rétablissement» a-t-il ajouté.


« Plusieurs impacts des récentes hostilités ont contribué à aggraver la dégradation environnementale en cours depuis de nombreuses années - dégradation environnementale qui ne s'arrête pas aux frontières de la Bande de Gaza, mais affecte également la santé et le bien-être de ceux qui vivent au-delà », a-t-il encore ajouté.

Plus de détails sur les principaux résultats et les recommandations clé


L'eau

La Bande de Gaza reçoit en moyenne 300 mm de pluie par année, soit 45 million de mètres cube, dont 46 pourcent servent à recharger la nappe phréatique.

Toutefois, le taux d'extraction annuel de quelques 160 millions de mètres cube dépasse depuis de nombreuses années le taux de recharge naturelle.

Cette situation cause l'immixtion d'eau salée en provenance de la mer dans les réserves d'eau douce. Le rapport indique que la salinité de l'eau dans la majorité de la Bande de Gaza est au-delà de la limite de 250 milligrammes par litre établie par l'Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) - dans l'un des cas la salinité excédait même cette limite de plus de 700 pourcent.

De plus, la nature du sol dans la Bande de Gaza implique que les eaux usées, l'eau d'irrigation, et l'écoulement provenant des décharges surchargées ou non-protégées peuvent facilement filtrer jusque dans la nappe phréatique.

Des tests effectués dans neuf puits privés ont démontré que la concentration de nitrates dans plusieurs d'entre eux excédait la limite de 50 milligrammes par litre fixée par l'OMS - l'un de ces puits affichait même 331 milligrammes par litre.

Un taux élevé de nitrates peut causer une forme d'anémie chez les nourrissons connue sous le nom de « syndrome du bébé bleu ».

Une étude de près de 340 bébés, publiée en 2007, a trouvé que la proportion d'enfants présentant des taux inquiétants de la protéine indicatrice du syndrome - la méthémoglobine - était de près de 50 pourcent.

Le rapport s'inquiète du fait que la concentration de nitrates présents dans l'eau pourrait avoir empiré en raison des récentes hostilités.

Plusieurs recommandations sont fournies dans le rapport pour s'atteler à ces problèmes de longue date, ainsi qu'à ceux qui ont été aggravés ou causés par les récentes hostilités :

· L'approvisionnement en eau potable pour les nourrissons et la conduite d'une étude complète par les Nations Unies sur le « syndrome du bébé bleu ».

· Le développement de sources alternatives d'eau par l'entremise de la désalinisation de l'eau de mer.

· Le rétablissement complet du réseau actuel d'approvisionnement en eau, afin de réduire les pertes dues aux fuites, qui représentent plus de 40 pourcent de l'eau pompée.

· L'amélioration des mesures de contrôle des sources de contamination de la nappe phréatique, qui incluent les eaux usées, les eaux d'irrigation, et les eaux de pluie.

· L'installation d'une ou deux stations d'épuration modernes ayant la capacité de traiter les nitrates, afin que les effluents puissent être utilisés pour l'agriculture, et l'établissement d'installations de traitement et de compostage des eaux usées.

· Jusqu'à ce que de nouvelles stations d'épuration soient mises en place, toutes les eaux usées doivent être déversées en mer, à une profondeur et à une distance appropriée.

Décharges et déchets

Le récent conflit a généré quelques 600'000 tonnes de déchets de construction et de démolition, dont plus de 200'000 tonnes à Gaza City et 100'000 tonnes à Rafah.

Le rapport préconise l'établissement de nouvelles installations permettant de traiter ces déchets, afin d'en maximiser la réutilisation, le recyclage et la séparation des éléments qui pourraient être contaminés.

Certains bâtiments, comme l'usine de jus de fruits d'El Swaity dans le nord de la Bande de Gaza, ont pris feu après avoir été frappés par des munitions, et une inquiétude demeure quant au fait que des substances dangereuses, comme des furanes et de la dioxine, ont pu être générés par l'incendie.

Le rapport note que pour la démolition de ce site et d'autres sites similaires, les ouvriers auront besoin d'un équipement de protection personnelle qui n'est pas disponible dans la Bande de Gaza à l'heure actuelle.

Il souligne également que d'autres formes de contamination demandent une action spécifique, par exemple celles qui ont trait au déversement de pétrole sur le sol du aux frappes aériennes, qui a pu filtrer jusqu'à la nappe phréatique.

Des analyses effectuées dans la ferme de volaille d'Az Zaitoun, dans une station essence et dans une usine de ciment à Rafah ont démontré une contamination des sols par des substances pétrolifères excédant souvent les limites internationales reconnues en la matière. Dans ces endroits, la terre qui a été affectée devra être ramassée et conservée dans des installations appropriées, qui ne sont pas disponibles à l'heure actuelle dans la Bande de Gaza.

Le rapport relève également une préoccupation au sujet de l'élimination des déchets hospitaliers dangereux dans la Bande de Gaza, dus en partie à un taux élevé de blessés et de mortalité pendant les hostilités.

L'équipe du PNUE a visité plusieurs décharges et y a trouvé notamment des aiguilles usagées et des bandages ouvertement accessibles et posant un danger aux enfants et aux adultes fouillant les piles de déchets.

Le rapport recommande qu'un centre de traitement de déchets dangereux spécifique soit établi pour gérer ces déchets-là.

La capacité et la gestion des décharges existantes dans la Bande de Gaza, et leur impact sur l'environnement représentent un défi particulièrement important.

Le rapport parle notamment de l'ancienne décharge de Tal El Sultan, qui se situe près de Rafah, et qui a été ré-ouverte pendant le conflit pour servir de dépôt temporaire et de station de transfert pour les déchets solides générés pendant les hostilités.

Le site, couvrant une zone d'environ six hectares et situé à moins de 50 mètres de l'habitation la plus proche, n'a aucun système de contrôle ou de protection permettant d'empêcher la pollution des sols par l'écoulement de l'eau contaminée.

« Le site constitue un risque pour la santé des personnes y travaillant, ainsi que pour la communautés avoisinante. Les déchets d'abattoir sont un problème particulier car ils attirent les rats, qui peuvent transmettre des maladies telles que la leptospirose et la méningite », dit le rapport.

Il recommande que le site d'El Sultan, ainsi que toutes les autres décharges dans la Bande de Gaza à l'exception d'un dépôt géré par le Programme des Nations Unies pour le Développement, soient mis hors service, et que la terre soit rendue à un autre usage.

Il estime le coût de la mise hors service des décharges existantes et de l'établissement de nouveaux centres de traitement à plus de 40 millions de dollars US.

Agriculture

Avant le 27 décembre 2008, la zone cultivée dans la Bande de Gaza s'élevait à 170'000'000 mètres carrés.

Pendant le conflit, il est estimé que 17 pourcent de la zone cultivée ont été complètement détruits, dont des vergers et des champs ouverts.

La préoccupation actuelle est de savoir combien il sera facile de rétablir la production agricole perdue dans cette région entourée de dunes de sable où le sol est très fragile.

La destruction de la couverture végétale et le tassement du sol dus aux frappes et aux mouvements des tanks ont dégradé la terre et l'ont rendue vulnérable à la désertification ; il se peut donc que ces terres soient difficiles à replanter.

Le rapport estime que le coût des dommages subis par les agriculteurs en raison des dégâts et de la contamination des terres agricoles, y inclus pour s'assurer que les sols peuvent être replantés sans risque, est d'environ 11 millions de dollars US.

La gouvernance environnementale


Le rapport souligne que la remise sur pied des institutions chargées de la gestion environnementale sera d'importance critique pour la durabilité future de la Bande de Gaza.

Pendant le récent conflit, le bâtiment abritant l'Autorité Palestinienne pour la Qualité Environnementale a été endommagé, engendrant des pertes d'équipement et de données.

En raison de la situation politique interne, la plupart des employés ne se rendent pas au travail. Il n'y donc à l'heure actuelle aucun système de surveillance environnementale en place.

Le cas de l'Autorité Palestinienne pour l'Eau est similaire: le régime d'octroi de permis pour de nouveaux puits n'est pas fonctionnel, engendrant le forage de puits privés sans aucun contrôle, ce qui aggrave encore la situation de crise relative à la nappe phréatique. L'eau bue par la population de la Bande de Gaza n'est également pas systématiquement contrôlée, ce qui constitue un risque pour la santé des communautés.

Le rapport calcule que la mise en place de systèmes de surveillance des eaux souterraines ainsi que des eaux marines, ainsi que le coût de réparation des bâtiments, du remplacement de l'équipement perdu et des employés, pourrait s'élever à 20 millions de dollars US.

Notes

Immédiatement après le cessez-le-feu de Janvier 2009, le PNUE a déployé un expert dans la Bande de Gaza pour y effectuer une évaluation préliminaire des impacts environnementaux des hostilités, dans le cadre de la Mission d'évaluation de l'ONU pour le relèvement précoce. Les résultats de cette évaluation ont été inclus dans le Plan National Palestinien de relèvement précoce pour la Bande de Gaza qui a été présenté à la conférence de donateurs de Sharm El-Sheikh, en Egypte, en mars 2009.

En février 2009, le Conseil d'administration du PNUE, par sa Décision 25/12, a mandaté l'organisation de mener à bien une évaluation environnementale post-conflit pour examiner les impacts naturels et environnementaux des récentes hostilités dans la Bande de Gaza. Le PNUE a également été mandaté d'entreprendre une évaluation économique du coût de la réhabilitation et du rétablissement l'environnement dans le Bande de Gaza.

Le travail sur le terrain a été mené à bien par une équipe multidisciplinaire de huit experts du PNUE, qui a passé dix jours dans la Bande de Gaza du 10 au 19 mai. Les principaux secteurs d'investigation furent les déchets et les eaux usées, l'environnement côtier et marin, et la gestion des déchets solides et dangereux, dont l'amiante.

Voyageant à travers la Bande de Gaza, l'équipe du PNUE a entrepris l'inspection de quelques 32 sites pour y évaluer les impacts environnementaux et y recueillir des échantillons pour des analyses en laboratoire. L'équipe a aussi recueilli des données pour l'évaluation économique du coût de la réhabilitation et du rétablissement des dommages environnementaux dans la Bande de Gaza.

Les sites visités incluent des zones résidentielles, des écoles, des zones industrielles, des stations d'épuration, des décharges, ainsi que la zone côtière, où un échantillonnage détaillé de l'eau, des sédiments, des indicateurs biologiques, de l'amiante et des eaux usées a été effectué. Les échantillons recueillis sur le terrain ont été analysés dans des laboratoires internationaux indépendants.