mardi 22 septembre 2009

La justice cette fois ? Le rapport Goldstone va-t-il être transmis ?

lundi 21 septembre 2009 - 06h:09

Ramzy Baroud
The Palestine Chronicle


« Peut-être assistons-nous au début de la fin de l’ère de l’impunité, », telle est la réaction de Nadia Hijab, membre éminent de l’Institut d’Etudes palestiniennes de Washington citée par IPS, aux conclusions du rapport de 574 pages des quatre membres de la mission d’enquête des Nations unies.

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Se pourrait-il que l’ « ère de l’impunité » soit effectivement terminée ?


La mission, dirigée par l’ancien juge sud-africain de la Cour suprême et procureur en chef du tribunal international pour le Rwanda et la Yougoslavie, a enquêté sur les crimes de guerre présumés des troupes israéliennes dans Gaza, lors de l’agression sanglante et sans précédent de 23 jours contre une population largement sans défense.

Mais Hijab n’est pas la seule à avoir exprimé cet optimisme. D’autres aussi, peut-être encouragés par l’utilisation dans le rapport d’une terminologie peu habituelle dans un conflit où l’expérience montre que les actes israéliens, même outrageusement violents, n’ont jamais entraîné la moindre implication juridique, quelle qu’elle soit.

Le rapport Goldstone publié le 15 septembre émet, après les plus minutieuses investigations, certaines recommandations importantes qui furent soigneusement rédigées par la mission - mission organisée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, en avril dernier.

L’une de ces recommandations demande au Conseil de sécurité de mettre en place une équipe d’experts qui serait chargée de surveiller les enquêtes qu’Israël devra mener sur les crimes de guerre commis à Gaza. Et si Israël n’obtempère pas, alors l’affaire sera déférée devant le procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

Cela soulève de nombreuses questions, et notamment : Israël a-t-il commis des crimes de guerre à Gaza, et ensuite, Israël est-il capable de mener une enquête honnête sur ces crimes, compte tenu de l’héritage sanglant de cet Etat et de l’absence de toute responsabilisation juridique sérieuse.

Goldstone répond à ces deux questions.

« La mission a conclu que des actions constituant des crimes de guerre, et peut-être à certains égards des crimes contre l’humanité, ont été commises par les Forces de défense israéliennes, » a déclaré Goldstone à des journalistes le 16 septembre. Il dit également que le gouvernement israélien n’avait effectué aucune enquête crédible.

Malgré ses recommandations pour que des experts des Nations-Unies suivent les progrès de l’enquête interne par Israël, et par les Palestiniens (car ils sont également accusés de violations du droit international pour avoir lancé des roquettes artisanales sur Israël sans tenir compte du préjudice possible sur les civils), malgré ces recommandations, on reste perplexe sur les raisons qui ont amené Goldstone à croire que, pour commencer, une quelconque enquête honnête serait possible.

Goldstone sait, comme beaucoup d’entre nous le savent déjà, que les évènements de Gaza qui ont entraîné la mort de 1 387 Palestiniens (certaines estimations portent ce nombre à 1 417, pour la plupart des civils, dont plus de 300 enfants), des milliers de blessés, la prise pour cible de l’infrastructure déjà délabrée (des hôpitaux, commissariats de police, usines, écoles et même des élevages de poulets) d’une société démunie et assiégée, que ces évènements relevaient avant tout d’une décision politique prise au plus haut niveau par des gens comme Olmert, Livni, Barack, et d’autres criminels en série, qui ont harcelé les Palestiniens pendant trop longtemps.

Les Palestiniens ont également été admonestés pour les roquettes tirées depuis Gaza assiégée. Naturellement, on ne s’attendait pas à ce que Goldstone justifie ou applaudisse les roquettes artisanales, ou même souligne leur manque d’efficacité, bien que pendant toute la durée de l’agression, ce sont quatre Israéliens qui ont été tués par ces roquettes. Et sur les neufs soldats tués dans les combats, quatre l’ont été par des tirs amis.

Alors que le Hamas et l’Autorité palestinienne ont coopéré sans réserve avec Goldstone et ses collègues, Israël a rejeté totalement la mission, lui refusant l’entrée en Israël et dans la bande de Gaza, l’obligeant à utiliser des itinéraires de rechange dans la bande de Gaza assiégée, via l’Egypte.

Les responsables israéliens prétendent que le rapport a été pré-établi, qu’il était dès lors partial depuis le départ. Ils ont utilisé, comme on s’y attendait, les mêmes méthodes de diffamations, de diatribes redondantes et de langage que l’on connaît.

Le porte-parole du ministre des Affaires étrangères d’Israël a déclaré que le rapport créait une « équivalence injuste entre un Etat démocratique et une organisation terroriste », en parlant du Hamas.

Après la bonne vieille référence à la démocratie, voilà le racisme qui entre en jeu. « Nous n’avons rien à nous reprocher et nous n’avons pas besoin de leçons de moralité de la part d’une Commission créée par la Syrie, le Pakistan, le Bangladesh, la Malaisie et la Somalie » dit Levy. Apparemment, les gens du Sud à la peau basanée sont incapables et de démocratie, et de moralité. Seuls, Israël et ses alliés sont capables de ces qualités.

« Le rapport Golstone fixe une nouvelle norme pour assimiler le comportement des nations démocratiques et celui des terroristes, » écrit Richard Sideman, président du Comité juif américain de New York, dans une lettre publiée par le New York Times le 18 septembre.

Le même sentiment fallacieux exprimé par Levy et Sideman (comme c’est curieux que les deux utilisent le même script) fut repris par de nombreux officiels israéliens et leurs lobbyistes à l’étranger, cherchant à gérer la crise qui suit la publication du rapport.

Pourquoi doivent-ils s’en inquiéter ?

Serait-ce parce que Goldstone a appelé les 192 membres de l’Assemblée générale à créer un fonds séquestre pour qu’Israël puisse indemniser les Palestiniens de Gaza ? Israël ne dépensera jamais son argent, durement gagné par les contribuables états-uniens, à de telles frivolités.

Serait-ce parce que le Conseil des droits de l’homme se réunit le 29 septembre à Genève pour discuter du rapport, et qu’il pourrait en demander la transmission au Conseil de sécurité, et même à la Cour pénale internationale ?

Serait-ce parce que les conclusions du rapport pourraient donner plein pouvoir à un mouvement de boycott déjà en pleine expansion à l’échelle mondiale ?

Serait-ce parce qu’il est beaucoup plus difficile de mettre en doute la crédibilité d’un Goldstone, de le diffamer comme antisémite ou juif qui a la haine de lui-même ?

Serait-ce parce que tous ces facteurs à la fois font monter en flèche les craintes israéliennes que « l’ère de l’impunité » serait bien finie ?

« Peut-être que la prochaine fois que nous nous lancerons dans une nouvelle guerre, vaine et misérable, nous prendrons en compte non seulement le nombre de victimes que nous sommes susceptibles d’assumer, mais aussi les dommages politiques lourds que provoquent de telles guerres. » écrit le journaliste israélien Gideon Levy.

On aurait pu attendre la prochaine guerre misérable, le prochain massacre pour voir si Israël avait appris sa leçon. Jusqu’alors, des milliers de Palestiniens, affamés, désespérés mais toujours résistant dans la bande de Gaza, continuent de vivre sous leurs tentes de fortune, sur les ruines de ce qui était autrefois leurs maisons, attendant de la nourriture, du ciment et la justice internationale.

(JPG)Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est écrivain et publie pour PalestineChronicle. Ses écrits sont publiés par de nombreux journaux, quotidiens et anthologies à travers le monde. Son dernier livre : La Seconde Intifada : une chronique du combat du peuple (Pluto Press, Londres) et son prochain : Mon Père était un combattant de la liberté : l’histoire non dite de Gaza (Pluto Press, London).

20 septembre 2009 - The Palestine Chronicle - traduction : JPP