dimanche 20 septembre 2009

Etats-Unis : Le négociateur injuste

Palestine - 19-09-2009
Par Curtis Doebbler
Le professeur Curtis Doebbler enseigne à la Faculté de Droit à l’Université An-Najah à Naplouse, Palestine
Il faudra que ces diplomates puissent expliquer, en utilisant le plus petit dénominateur commun du droit international, la façon injuste dont la Palestine a été traitée et soutenir le fait que, conformément au droit international, les Palestiniens ont le droit d'exercer leur droit à l'autodétermination dans l'ensemble du territoire qui était sous Mandat Britannique, à l'exception de la Jordanie où les Hachémites ont pu exercer leur droit à l’auto-détermination pour former leur propre pays.























Photo Maan News : A Gaza, on regarde à la tété les discussions de paix d'Annapolis


Pour beaucoup d'observateurs de longue date de la question de la Palestine, il est incroyable que les États-Unis continuent de s'interposer comme interlocuteur entre les Palestiniens et Israël. Ce qui est encore plus incroyable, c’est que certains Palestiniens semblent accepter et de placer leur foi dans les États-Unis en tant que médiateur qui pourrait aider à réaliser les rêves d'autodétermination des Palestiniens.

On doit se demander si ceux qui mettent une telle foi dans les États-Unis comprennent que cet interlocuteur auto-déclaré est aussi la principale source de financement d’Israël à travers le commerce et l’envoi d’argent. Israël, un pays relativement riche, reçoit plus d'argent américain que tout autre pays en voie de développement au monde.

Non seulement les États-Unis sont le plus important marchand d'armes au monde, mais il a été, depuis ces soixante dernières années, la principale source d'approvisionnement en armes utilisées par Israël pour continuer à tuer et à mutiler les Palestiniens. C'est avec ces armes qu’Israël continue à imposer une occupation inhumaine et illégale aux Palestiniens.

Mais ce n'est pas tout. Comme les professeurs américains Mearsheimer et Waltl’ont souligné avec une argumentation irréfutable, la politique étrangère des États-Unis est fortement influencée par le lobby pro-israélien.

En d'autres termes, en acceptant les Etats-Unis comme interlocuteur, la Palestine accepte en fait une entité qui est en grande partie redevable à son ennemi.

Pourquoi Israël recommande souvent les efforts américains? Pourquoi des individus comme le lobbyiste américain et ardent défenseur d'Israël, David Levy a-t’il exprimé à plusieurs reprises sa satisfaction de la médiation américaine, comme il l'a déclaré récemment à Al-Jazeera International?
Ou peut-être plus éloquent encore, pourquoi si peu de progrès ont-ils été accomplis pour l’obtention du droit à l’auto-détermination des Palestiniens au cours des soixante dernières années et plus.

Il faut être naïf pour penser que cette situation est un coup de chance. Mais c'est peut-être tout aussi naïf que de blâmer uniquement les acteurs externes.

Il est certain qu'Israël veut un interlocuteur qui lui permettra d'améliorer sa position.Sûrement que les États-Unis, à une époque où il y a plus d'Israéliens qui vivent à New York qu'à Tel Aviv, voudront aider un pays avec une influence aussi forte sur eux. Et sûrement que d'autres observateurs, qui ont beaucoup plus à perdre en irritant les Américains qu’en se confrontant à la Palestine, fermeront les yeux sur cette injustice manifeste.

Cependant, pourquoi les politiciens palestiniens ne parviennent-ils pas à protester efficacement face à cette situation injuste?

Une raison pourrait être tout simplement qu’ils ne savent pas comment. Une telle ignorance est difficile à soutenir puisque l'injustice de cette situation est constamment portée à l’attention des politiciens et des diplomates palestiniens. Cela est fait par des politiciens palestiniens extérieurs au Fatah, par exemple par le Hamas, dont le courage à dire la vérité au pouvoir l’a élu pour gouverner la Palestine, mais il a été empêché de le faire.

Une autre raison pourrait être qu'ils ont simplement peur que s'ils rejettent les États-Unis comme interlocuteur, ils perdront certains de leurs privilèges et avantages économiques qui proviennent des investissements américains dans la région. Les responsables égyptiens et ceux du Fatah ont même admis que les négociations se poursuivent en Egypte - bien sûr avec l’aide de l’argent américain – tout simplement parce que les délégués veulent des voyages gratuits au Caire, la plus grande ville du monde arabe.

S'il est clair que le Hamas est moins influencé par l'argent américain, cela pourrait simplement donner un motif au Fatah pour ne pas se réconcilier avec le Hamas en raison de la peur de perdre ces avantages matériels. Mais ces préoccupations ne devraient jouer aucun rôle dans la résolution des représentants du peuple palestinien à travailler dur pour l'auto-détermination de leur population.

Cela nous mène à la raison troisième raison que les dirigeants Palestiniens donnent sur la partialité américaine: l'alliance douteuse entre le Fatah et les États-Unis. Il est souvent reconnu ouvertement que des individus comme le général Keith Dayton, un conseiller à la Sécurité américaine basé en Palestine, et Mohammad Dahlan, n’ayant jusqu'à récemment aucun poste officiel, mais qui vient d'être élu par le Fatah au Conseil d'administration de l'OLP, ont plus d'influence sur la prise de décision palestinienne que le Président ou le Premier Ministre de la Palestine. Une raison à cela est que les deux hommes reçoivent des contributions importantes des Etats-Unis.

Dayton et Dahlan, en collaboration avec d'autres partisans de l’inhabituelle position d’interlocuteur de l’Amérique, ont même réussi à dompter la critique de l'Organisation des Nations Unies. Ils ont fait cela à New York et à Bruxelles, en laissant penser à leurs diplomates respectifs qu'ils seraient remplacés s'ils ne suivaient pas la ligne du parti. À l'ONU à Genève, ils ont remplacé une voix indépendante par l’un de leurs hommes.

En conséquence, quand d'autres États et le plus haut fonctionnaire de l’ONU, le président de la 63ème Assemblée Générale, ont cherché à dénoncer le parti pris des États-Unis, ce furent des diplomates palestiniens qui les ont maitrisés, et non les Américains ou les Israéliens.

La plupart des Palestiniens ne savent même pas cela. Ils croient que soit l'ONU a décidé elle-même de rester modérée face à la permanente injustice israélienne, soit tout simplement que les faibles résolutions adoptées par l'ONU est tout ce qui peut être obtenu.

Peut-être que le plus dangereux, c’est qu’un nombre croissant de jeunes Palestiniens ne semblent pas s'en soucier. Ils sont soit résignés à leur sort de vivre toute leur vie sous occupation, soit ils fuient leur pays, et c’est ce que préfère Israël.

C'est grâce à un mélange d'ignorance et d'indifférence que les États-Unis ont maintenu leur soutien au gouvernement palestinien – parce qu’il les utilise comme interlocuteur partial - pour négocier avec un ennemi dont l'existence même est discutable au regard du droit international.

Ce dernier fait est peut-être la raison pour laquelle les acteurs extérieurs et les responsables palestiniens qui soutiennent la médiation américaine s'opposent également à l'utilisation du droit international comme base de réponse à la question de la Palestine.

Il a fallu près de dix ans pour convaincre le gouvernement palestinien d’autoriser une demande d'avis consultatif auprès de la Cour internationale de Justice par l'Assemblée Générale des Nations Unies. Lorsque l'avis a été finalement demandé, il ne portait pas sur les colonies comme cela avait été initialement envisagé par les partisans non-gouvernementaux de ces efforts, mais sur le mur qu'Israël a construit en Palestine.

Le gouvernement palestinien basé à Ramallah est encore opposé à demander un deuxième avis au sujet des colonies, malgré le fait que, dans son "Avis Consultatif sur le Mur» la Cour a déjà indiqué sans ambiguïté que les colonies étaient illégales.

Les allégations de partialité américaine comme interlocuteur restent, bien entendu, d’actualité face aux récents efforts des Américains à apporter une réponse au problème palestinien. Cela suggère que la seule réponse qui peut survenir grâce à l'intervention américaine sera une réponse injuste et que, compter sur les États-Unis comme interlocuteur avec Israël est au mieux un crève-cœur idiot et, au pire extrêmement dangereux comme en témoignent les motivations des responsables palestiniens impliqués dans cet effort.

Peut-être que l'aspect le plus triste des événements récents est qu'il y a encore au moins une alternative à la situation.

Nous devons mettre au défi Obama de permettre une médiation neutre pour arriver à une réponse sur la question de la Palestine. Si Obama est aussi intègre que ses paroles, il saura relever ce défi. S'il ne l'est pas, il s’opposera probablement à abandonner la relation spéciale des Américains: de cette façon, les lignes seront alors clair.

Un forum neutre approprié serait l'Assemblée générale des Nations Unies, où pratiquement tous les peuples indépendants du monde sont représentés.

Même si l’on sait bien qu'Israël attaquera ce forum comme partial, de tels arguments sont difficiles à soutenir, étant donné que c’est l’Assemblée Générale de l'ONU – même si le droit international lui interdit de le faire – qui a reconnu Israël. Ainsi, Israël pourrait avoir le choix: soit coopérer avec l'ONU dans un processus d'arbitrage contraignant, soit avoir sa reconnaissance en tant qu'État retirée.

Une telle proposition est supérieure à celle que toute autre entité pourrait offrir, même les Etats-Unis. Il est aussi possible, sans aucun doute, à l'Assemblée générale de retirer la reconnaissance d'Israël puisqu’Israël a violé plus de résolutions de l'ONU que l'Iran, la Syrie, la Corée du Nord, l’Irak et l’Afghanistan réunis.

Le Quartet n'est pas une alternative appropriée à l'ONU parce que c’est un organe composé d’États qui sont partiaux et largement unis dans leur opposition aux aspirations d'autodétermination des Palestiniens ; il ne peut pas être un interlocuteur qui puisse arriver à une solution juste.

L'idée de l'ONU comme interlocuteur approprié n'est pas nouvelle. En effet, l'ONU a été le principal forum pour traiter de la question de la Palestine depuis que c’est devenu un problème international après la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, c’était la Ligue des Nations, qui avait naïvement confié au gouvernement britannique la mission de veiller aux intérêts des Palestiniens.

Il y a aussi des raisons historiques logiques qui feraient que la Palestine pourrait ne pas vouloir de l'ONU comme interlocuteur impartial entre elle et les Israéliens, mais ces raisons ne sont plus valables aujourd'hui.

Comme plus de gouvernements deviennent des États membres des Nations Unies, la mainmise sur l’institution mondiale de l'Europe occidentale et de l’Amérique du Nord, s’est affaiblie. Aujourd’hui – comme l’indiquent les critiques d’Israël mentionnées ci-dessus - l'ONU est une organisation qui a été prête à condamner à plusieurs reprises les violations du droit international par Israël.

C'est exactement le passé qui fait de l'ONU l'interlocuteur idéal puisqu'aucune des parties ne peut affirmer qu’elle est partiale: Israël et ses alliés en raison de la contribution vitale de l'Assemblée générale à l'existence même d'Israël ; et la Palestine en raison de la volonté démontrée par l'Assemblée générale à faire condamner les violations des droits de l'homme des Palestiniens par Israël.

C’est aux Palestiniens qu’incombe la charge de présenter l’ONU comme interlocuteur. La décision doit être prise à Ramallah et à Gaza, et notre président doit trouver le courage d'agir. Ce ne sera pas facile.

Lorsque la décision de faire le pas sera prise, les dirigeants et les diplomates palestiniens devront convaincre les responsables à New York et à Genève, ce qui nécessitera beaucoup d'habileté, mais c’est possible.

Il faudra que ces diplomates puissent expliquer, en utilisant le plus petit dénominateur commun du droit international, la façon injuste dont la Palestine a été traitée et soutenir le fait que, conformément au droit international, les Palestiniens ont le droit d'exercer leur droit à l'autodétermination dans l'ensemble du territoire qui était sous Mandat Britannique, à l'exception de la Jordanie où les Hachémites ont pu exercer leur droit à l’auto-détermination pour former leur propre pays.

Les arguments établissant la base juridique de la revendication de la Palestine sont aussi importants pour leur expression théorique des droits du peuple palestinien que pour le cadre du niveau des négociations. Actuellement, on rappelle rarement à Israël et jamais au Quartet et dans les négociations menées par les Etats-Unis que sa création était une violation très claire du droit à l'autodétermination du peuple palestinien. Peu importe où finiront les négociations, cela devrait être le point de départ.

Quand il est entendu que la Palestine est prête à un compromis sur un droit conféré par le droit international, le compromis qu'Israël pourrait avoir à faire au sujet de sa position de pouvoir est mis dans une perspective plus claire. Cependant, cette perspective ne peut venir d'un processus dans lequel l'interlocuteur refuse de reconnaître même le point de départ valable.

Les dirigeants et les diplomates palestiniens qui ne parviennent pas à reconnaître cela rendent à leur propre peuple un bien mauvais service. Ils refusent à leur propre peuple le droit le plus fondamental qu'ils ont, qui est leur propre auto-détermination. Quand ils font cela, ils commencent les négociations avec un désavantage important. C'est comme si quelqu'un commençait à négocier le prix d'un article valant 100 dinars, après avoir déjà payé à l'autre partie 80 dinars du prix de l’article. Malheureusement, il semble que c'est ainsi que le nouveau cycle de négociations menées par les Américains ou le Quartet vont commencer.
Traduction : MG pour ISM