samedi 12 septembre 2009

Aggravation de la crise entre la Turquie et Israël, après la décision prise par Tel Aviv de refuser au ministre des Affaires étrangères turc Oğlu de s

Turquie - 11-09-2009
Par Zuhaïr Andraws
Des responsables israéliens ont révélé que la tension croissante entre la Turquie et Israël aura des conséquences durant de nombreuses années pour les relations économiques bilatérales, en se fondant sur le recul catastrophique du volume des échanges commerciaux entre les deux pays depuis le déclenchement de l’offensive militaire israélienne contre la bande de Gaza, le 27 décembre 2008.

Cela, au moment où les Affaires étrangères israéliennes ont opposé un refus à une demande émanant du ministre turc des Affaires étrangères, Ahmad Daud Oğlu (photo ci-contre), de pouvoir se rendre dans la bande de Gaza lors de sa visite imminente en Israël, où il devait participer à un congrès politique organisé, pour la deuxième année, par le président israélien Shimon Peres. Ce refus ne fait qu’augmenter la tension entre Israël et la Turquie, une tension qui a commencé à se manifester lors de l’agression israélienne contre Gaza et qui a atteint son apex lors du Sommet économique de Davos, au cours duquel le président turc a adressé des critiques très dures à Israël, l’accusant de commettre des crimes de guerre, avant de quitter la séance.

Il convient de préciser que les relations turco-israéliennes se caractérisent par la stagnation et qu’aucune rencontre politique à haut niveau n’a été tenue entre ces deux pays depuis l’agression contre Gaza et depuis les critiques acerbes du président turc, dont la violence a désarçonné les responsables israéliens.

Un haut responsable israélien a indiqué qu’il y a de cela environ un mois, le directeur général du ministère turc des Affaires étrangères s’est adressé à son homologue israélien, Yossi Ghal, afin de lui proposer d’effectuer une visite en Israël, au cours de laquelle il avait l’intention de se rendre dans la bande de Gaza et que le responsable israélien avait exprimé ses réserves quant à cette demande de visite de la bande de Gaza.

Quelques semaines après, les Turcs ont essayé, derechef, de soumettre la question à la partie israélienne, l’ambassadeur de Turquie en Israël Namık Tan ayant rencontré Gal et lui ayant dit que le ministre turc des Affaires étrangères Ahmad Oğlu avait reçu une invitation à participer au congrès organisé par le président israélien, qui doit se réunir au mois de novembre et qu’il étudiait une réponse favorable, mais qu’il tenait également à se rendre dans la bande de Gaza lors de sa venue en Israël, et qu’après des consultations avec le ministère israélien des Affaires étrangères, il avait été décidé d’opposer un refus à la requête du ministre turc.

La position des officiels israéliens était la suivante : si la visite de Gaza conditionnait la venue du ministre turc en Israël, alors il fallait rejeter sa demande. Ils ont ajouté que la position adoptée par la Turquie lors de l’opération « Plomb Coulé » ne les encourageait pas à satisfaire à sa demande. Gal a répondu aux Turcs en leur disant qu’il était possible de rentrer dans la bande de Gaza à partir d’autres pays qu’Israël, et qu’il lui recommandait donc de le faire, mais pas à partir du territoire israélien. Le responsable israélien faisait bien entendu allusion à la possibilité, pour le ministre turc, de rentrer dans la bande de Gaza à partir de l’Egypte. Mais les évaluations des Affaires étrangères israéliennes laissent entendre que les Egyptiens ne seraient pas enthousiastes à l’idée de laisser le ministre turc pénétrer dans la bande de Gaza à partir de leur territoire.

Le quotidien israélien Ha’aretz en hébreu a indiqué, mercredi dernier, qu’au cours de l’étude par les Affaires étrangères israéliennes de la demande turque, les responsables israéliens ont fait état de leur crainte que la visite d’Oğlu dans la bande de Gaza ne se transforme en un événement fortement médiatisé qui profiterait au Hamas et que celui-ci n’organise pour le ministre une tournée des grands ducs dans les ruines des immeubles détruits par les bombardements israéliens, ce qui le contraindrait (sic) à faire des déclarations hostiles à Israël, chose qui ne pourrait qu’aggraver la crise et la tension entre Israël et la Turquie.

Ce même quotidien hébreu a rapporté les propos du directeur du service de l’information israélienne au ministère des Affaires étrangères, Yossi Lévy, selon qui le ministre turc est un hôte qui sera toujours bien accueilli en Israël, mais que les Turcs ont conditionné sa venue en Israël à l’accord par celui-ci de l’autorisation de se rendre dans la bande de Gaza. Il a indiqué : « Nous avons signifié aux Turcs qu’ils sont invités en permanence chez nous, en Israël : ils seront toujours les bienvenus, et ils pourront rencontrer les Palestiniens à Ramallah, mais pas à Gaza, ce nid d’aigles du Hamas ».

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, avait exprimé à la presse ses regrets que les Israéliens aient voté en faveur de partis de droite et d’extrême-droite lors des élections législatives, en mars dernier, et qu’il s’attendait à ce que le futur gouvernement israélien (l’actuel, ndt) n’apportent un sombre avenir à la région du Moyen-Orient, ce que les responsables avaient considéré être un mauvais présage d’un regain de tension, à l’avenir, entre Ankara et Tel Aviv.

Selon les termes de Menashé Carmon, président du conseil israélo-turc des entreprises, la tension dans les relations politiques entre Ankara et Tel Aviv due à la guerre de Gaza a anéanti l’intense courant d’échanges commerciaux et les projets communs qui avaient été bâtis au cours de nombreuses années.

Les échanges commerciaux entre Israël et la Turquie s’étaient beaucoup intensifiés, ces dernières années, grâce aux réformes économiques menées à bien par le parti de la justice et du développement (AKP), islamiste modéré, depuis son accession au pouvoir en Turquie, en 2002 : les hommes d’affaires israéliens se sont précipités en Turquie pour y fonder des usines et des entreprises dans toutes les régions de ce pays dont la population est très majoritairement musulmane. Les échanges commerciaux ont crû de manière exponentielle, pour finir par s’établir à 3,4 milliards de dollars en 2008.

Le quotidien israélien Yediot Ahronot a indiqué, citant des responsables du secteur du tourisme, que ceux-ci reçoivent des annulations collectives de réservations de séjours en Turquie. De même, le nombre Israéliens se rendant en Turquie pour y faire du tourisme a diminué depuis la prise de gueule entre et le président israélien Shimon Peres lors d’une séance consacrée à la situation à Gaza au Sommet économique de Davos, en Suisse, qui vit le retrait précipité d’Erdoğan, qui protestait contre le fait qu’on ne lui eût pas accordé un temps égal à celui dont avait disposé Peres, pour répondre à la tentative, par ce dernier, de justifier sa guerre contre Gaza.

En ce qui concerne les exportations militaire israéliennes vers Ankara, ce quotidien a mentionné que l’on s’attend à ce qu’elles subissent un grave contrecoup ces prochains mois, ce qui a amené le ministre israélien de la Défense à consacrer plusieurs réunions, sur son agenda, à la résolution des problèmes inévitables, selon le journal. La coopération militaire entre les deux pays comporte l’autorisation accordée aux avions de guerre israéliens d’utiliser l’espace aérien turc lors de ses exercices et l’échange d’informations entre services de renseignement, sans oublier des accords concernant les fournitures de matériel militaire.

La détérioration des relations israélo-turques ne se limite pas aux sphères officielles : elle a fait tache d’huile au niveau populaire, si bien que l’ambassadeur d’Israël en Turquie a été amené à dénoncer, ulcéré, une pancarte indiquant, à l’entrée d’une ville turque : « Interdit aux chiens. Et aux Israéliens »…
Traduction : Marcel Charbonnier