jeudi 13 août 2009

Ce qui est exigé des Palestiniens ? La soumission...

mercredi 12 août 2009 - 06h:39

Generaldelegation Palaestinas



Pour l’arrêt éventuel de la construction de colonies, Israël exige l’annulation du plan de paix arabe de 2002, et le gouvernement US soutient cette orientation. Une analyse de Knut Mellenthin.

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Un colon juif menace de son arme des Palestiniens lors d’une manifestation contre le vol de terres par la colonie juive de Bracha dans le village de Burin, en Cisjordanie, près de Naplouse - Photo : AP/Majdi Mohammed

Pour beaucoup, c’est « le plus grave rejet de toute une décennie » ou ce sont « les pires tensions publiques entre Israël et son allié le plus proche en presque deux décennies », comme l’écrit le quotidien Haaretz du 28 juillet. Il vise les divergences d’opinion entre les gouvernements des USA et d’Israël sur la politique de colonisation dans les Territoires palestiniens occupés. La première indication se rapporte aux débuts de la fonction de Benjamin Netanyahou comme Premier Ministre, entre mai 1996 et mai 1999. Son protagoniste était alors le Président US démocrate William Clinton. La période la plus longue se rapporte au républicain George H.W. Bush, qui fut président des Etats-Unis de 1989 à 1993. Du côté israélien lui était opposé l’extrémiste de droite Yitzhak Shamir. Bush senior s’est violemment querellé avec Shamir à propos du comportement d’Israël dans les Territoires occupés et il a même tenté de faire jouer le levier financier pour réfréner la création et l’expansion de colonies juives. Il a finalement échoué devant la majorité du Congrès qui, sous l’influence du lobby sioniste s’oppose traditionnellement et par réflexe à toute pression sur Israël.

Beaucoup de commentateurs comparent la disposition de l’actuel Président US Barack Obama à se confronter publiquement au gouvernement israélien, avec le démocrate James Carter, qui gouverna les Etats-Unis entre 1977 et 1981. Il aida Israël à conclure une paix stratégiquement très importante avec l’Egypte (1979), mais en Israël il passe aujourd’hui encore pour un ennemi du peuple juif. En la personne de l’extrémiste de droite Menahem Begin, Carter avait un partenaire de négociation particulièrement dur.

C’est Uri Avnery qui a fait la comparaison sans doute la plus juste et historiquement la mieux fondée : « La question est de savoir si Obama a une force de persévérance telle qu’aucun précédent président ne l’a eue depuis Dwight Eisenhower ». Commandant suprême des Forces Alliées en Europe pendant la Seconde Guerre Mondiale, Eisenhower fut président des Etats-Unis entre 1953 et 1961. Il imposa le retrait d’Israël de la péninsule du Sinaï conquise en 1956 lors d’une guerre d’agression menée en concertation avec la France et l’Angleterre.

La comparaison avec Eisenhower ne vaut cependant que si l’on prête à Obama une forte disposition à mener une lutte de principe autour de l’ensemble de la politique et de la pratique israélienne vis-à-vis des Palestiniens. Mais dans la réalité, comme nous le montrerons ici, il ne saurait en être question. La comparaison même avec Eisenhower soulève la question de savoir si de nos jours un président étatstunien voudrait et pourrait encore s’aventurer dans une telle confrontation. Car pendant les cinquante dernières années, les relations entre les USA et Israël, de même que la constellation de la politique intérieure étatsunienne, se sont considérablement modifiées, ce que ne traduit que très vaguement la périphrase « special relationship ».

Les illusions quant au potentiel de politique étrangère d’Obama sont tenaces à gauche également, bien qu’en y regardant de plus près, ni les déclarations et actions actuelles ou antérieures du Président ne les cautionnent. Un examen superficiel pourrait indiquer qu’à une phase de grande harmonie américano-israélienne dans les huit années Bush succèderait une période de contradictions publiquement exprimées qui iraient en s’aggravant, et où le gouvernement US formulerait ses intérêts plus nettement qu’auparavant et s’apprêterait même à enfin aider les Palestiniens à obtenir justice.

Cherchez l’erreur : c’est tout simplement une illusion d’optique. Ce n’est pas le quai - les USA - qui bouge, mais bien le train : Israël. Etant donné le glissement à droite de la politique israélienne, Obama suscite dès à présent des conflits rien qu’en s’en tenant aux positions de son prédécesseur. Par ailleurs, ce n’est pas l’administration US qui introduit un ton de confrontation agressive dans les discussions avec celui qui est encore toujours son allié le plus proche. Obama et son équipe pour le Moyen-Orient s’emploient beaucoup à minimiser les dissensions. Il ne s’agirait pas de dispute mais de divergences d’opinion à dissoudre consensuellement, « entre amis », « en famille ». En outre les « obligations » des USA envers Israël seraient « inébranlables ».

C’est exclusivement la partie israélienne qui fait enfler le conflit. A l’extrême, il y a les proclamations croissantes des colons, où l’on entend les déclarations antiaméricaines et les insultes contre le Président US les plus odieusement racistes. Mais la rancœur et l’incertitude, face à une soudaine contradiction à Washington, se sont insinuées fort avant dans la société israélienne. Il y a le ministre Jossi Peled - membre du Likoud de Netanyahou - qui réclame le plus sérieusement du monde des sanctions contre les USA. Ainsi on pourrait dorénavant se tourner vers d’autres fournisseurs pour les achats d’armements. En même temps, Peled suggère de s’investir massivement dans les élections au Congrès US qui se tiennent l’an prochain et de soutenir les opposants à Obama. Il y a le chef du gouvernement Netanyahou qui soupçonne Obama de vouloir tout simplement provoquer un conflit avec Israël pour se faire aimer du monde arabe. Les journaux israéliens disent en outre que Netanyahou aurait invectivé d’importants conseillers et collaborateurs du président US comme « juifs qui s’autohaïssent ».

De nombreux commentateurs israéliens préconisent une importante « réorientation » des relations avec les USA, bien qu’en réalité ils sachent sans doute toujours ce que leur pays doit aux Etats-Unis. Pour parfaire le tableau, il y a des sondages : un Israélien sur deux croit qu’Obama favorise les Palestiniens, 36% le tiennent pour neutre et 6% seulement le voient comme pro-israélien. A la mi-mai, ces derniers étaient encore 31% (Jewish Telegraph Agency du 25.07.09).

Exigence minimale : l’arrêt des constructions

Pour Obama ces réactions violentes à ses propositions ne sont même pas indésirables. Car elles lui permettent de se présenter comme médiateur équitable, impartial, et qui en tant que tel, naturellement, se voit attaqué par les deux parties, mais surtout par l’israélienne.

Que le Président US, contrairement à son prédécesseur, ne soit critiqué ni par les politiciens palestiniens ni par les gouvernements arabes, mais soit au contraire courtisé voire flatté, cela facilite le mauvais jeu. C’est ainsi qu’Obama en réalité n’est exposé qu’à la pression d’une seule partie, la partie israélienne et sioniste - ce qui le pousse dans une direction déterminée. Les politiciens arabes considèrent traditionnellement qu’il est de bonne guerre de dire des gentillesses au gouvernement étatsunien. En Israël par contre, on sait que des états d’âme outrés associés à des insultes grossières peuvent être beaucoup plus productifs.

Obama reconnaît bien évidemment qu’il a à faire au gouvernement le plus à droite, le plus inaccessible à une solution de paix qu’il y ait jamais eu dans l’histoire d’Israël, et que « l’opinion publique » israélienne est elle aussi bien plus orientée à droite que jamais. C’est pourquoi il ne confronte pas d’emblée Israël à des exigences a priori irréalistes, qui pourraient améliorer la situation humanitaire et politique des Palestiniens, mais il a mis au centre de sa politique le gel (« freeze ») de la situation existante. La seule exigence à Israël que l’administration US lui présente maintenant avec une certaine insistance, est celle d’un arrêt, limité dans le temps, de la construction de toute colonie juive dans les Territoires occupés. Cela ne changerait absolument rien à la situation, mais empêcherait simplement pendant un certain temps la création de faits nouveaux qui rendraient plus impossible encore la naissance d’un Etat palestinien.

En fin de compte, dans un avenir proche, ce point suscitera de toute façon entre Washington et Jérusalem un compromis, qui au minimum tolèrera la poursuite d’un certain nombre de projets de construction déjà entamés et peut-être fera encore davantage de concessions à la partie israélienne. Selon les Israéliens, la limitation temporelle de l’arrêt des constructions serait de trois à six mois. Ensuite il pourrait à nouveau être levé, si les Palestiniens et les états arabes n’apportent pas ou pas suffisamment de « contreparties ».

Car le fondement de la proposition de gel d’Obama est que la partie arabe doit honorer la modeste « concession » israélienne avec des « mesures propres à construire la confiance ». Effectivement c’est l’élément fondamental qu’il a introduit dans le jeu par rapport à la politique de son prédécesseur républicain. En théorie, Israël s’est engagé dès 2003 vis-à-vis de l’ancien président George W. Bush, pendant les négociations de la feuille de route, à arrêter les constructions dans les Territoires occupés. Et cela sans limitation dans le temps et sans conditions préalables. Généralement selon l’avis de l’ONU toutes les colonies juives dans les territoires occupés sont de toute manière illégales.

Le monde arabe est coincé

Toutefois Obama attend maintenant des états arabes, en guise de contrepartie pour une mesure qui ne fait que fixer la situation existante contraire au droit des peuples, des « gestes » importants pour la normalisation de leurs relations avec Israël. « Nous n’attendons pas que les Israéliens fassent quoi que ce soit gratuitement » disait le Jerusalem Post du 7 juillet citant un haut responsable du Ministère des Affaires étrangères US - non désigné nommément - décrivant d’après lui les exigences de Washington au monde arabe : « Font partie des gestes proposés, que des dirigeants arabes aillent à Jérusalem et que des dirigeants israéliens soient reçus dans des capitales arabes. Les pays arabes doivent ouvrir des représentations d’intérêts [en Israël - KM] et développer leurs relations commerciales avec l’état juif. Les états arabes doivent garantir aux avions israéliens des droits de survol qui raccourcissent le temps de voyage des passagers. Les Israéliens et les arabes doivent promouvoir de concert des projets humanitaires et culturels ». Par ailleurs, sur cette voie, les états arabes doivent encore être amenés à participer à une coalition de boycott et de guerre contre l’Iran.

L’arrière-pensée stratégique de l’administration Obama, qui à cet égard s’harmonise et coopère totalement avec le gouvernement israélien, est la destruction du plan de paix arabe lancé en 2002 par l’Arabie saoudite. Sa déclaration de principe est sans ambiguïté : un marchandage de compensations politiques par lequel Israël se retire de tous les territoires occupés en 1967 et le monde arabe normalise ses relations avec Israël. Dans la proposition d’Obama, la partie arabe ne peut que perdre : soit elle abandonne son unique atout pour la simple fixation - en outre limitée dans le temps - de la situation existante, soit elle est une fois de plus coupable, si le « processus de paix » ne progresse pas. Sans doute l’un et l’autre vont-ils même aller de pair, ce qui aggraverait encore plus les dissensions et l’impuissance d’action existantes des états arabes.

Le 27 juillet, le Ministère des affaires étrangères a confirmé que ces deux derniers mois le Président avait envoyé des lettres à plusieurs gouvernements arabes, dans lesquelles il exige, en échange de l’arrêt des constructions de colonies, qu’ils soutiennent « des mesures propres à construire la confiance » vis-à-vis d’Israël. On cite l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats Arabes Unis. Obama a envoyé une lettre séparée au roi du Maroc, qui traditionnellement entretient d’assez bonnes relations avec Israël. Le Président lui a demandé « d’être le leader de la levée des obstacles entre Israël et le monde arabe ».

L’exigence posée aux états arabes après normalisation des relations sans véritable contrepartie israélienne dans la question palestinienne serait déjà politiquement inacceptable dans des circonstances normales. Dans la situation actuelle, caractérisée depuis l’accession au pouvoir de la coalition Netanyahou par une campagne de discrimination d’extrême droite contre les citoyens arabes d’Israël - près d’un cinquième de la population totale du pays - elle constitue une impudence extrême. Jusqu’à présent, ni les arabes ni en particulier les Palestiniens n’y ont réagi raisonnablement ne serait-ce qu’en partie.

* L’exigence du parti gouvernemental « Israël Beitenou » (Israël notre maison ») d’introduire comme préalable à la citoyenneté d’Etat un « serment de loyauté » au caractère juif et sioniste d’Israël ne risque pas pour le moment d’obtenir la majorité dans le gouvernement, mais elle n’a pas du tout été abandonnée. Israël Beitenou, mené par le Ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, est le deuxième parti fort de la coalition.

* L’exigence posée par plusieurs partis de pénaliser la notion de « Nakba » (« catastrophe ») est toujours d’actualité. Les Palestiniens désignent ainsi la fondation d’Israël et la guerre de 1947 à 1949, associées à l’expulsion de force d’au moins 700.000 personnes d’origine arabe hors du territoire du nouvel état. Une loi récemment votée prescrit que les organisations qui utilisent la notion de « Nakba » ne pourront obtenir de financements publics.

* En outre le mot Nakba ne pourra plus figurer dans les manuels scolaires destinés à la partie arabe de la population. Israël Beitenou veut imposer que les programmes d’enseignement pour les écoliers et écolières arabes soient modifiés de manière qu’ils n’apprennent pratiquement plus rien sur l’histoire de leurs parents et de leurs aïeux, mais que l’histoire du sionisme soit une matière obligatoire. L’hymne national, complètement imprégné de l’esprit sioniste devra obligatoirement être enseigné aux enfants arabes.

* Le Ministre du transport Israël Katz (Likoud) veut supprimer les mentions anglaises et arabes des panneaux indicateurs de rues et de localités. Ceux-ci devront être écrits uniquement en hébreu. Cela vaudrait également pour des lieux qui non seulement ont un passé clairement arabe mais qui aujourd’hui aussi sont majoritairement habités par des citoyens arabes.

Les Palestiniens sont les perdants

L’administration Obama, sans doute soucieuse de préserver le caractère « familier » de la « special relationship », n’a fourni aucun commentaire critique de ces mesures ou projets. De la part des politiciens palestiniens, le Président US, son émissaire spécial au Moyen-Orient George Mitchell et les autres membres de son équipe attendent expressément et en permanence qu’ils empêchent toute propagande incitative (« incitement ») contre Israël, comme mesure propre à construire la confiance. Comme toujours, une exigence correspondante adressée à la partie israélienne - surtout sur ce ton d’ultimatum arrogant - est inimaginable, comme toujours. De simples approches en ce sens déclencheraient une tempête de protestations du lobby israélien et des médias étatsuniens dominants contre le Président.

Ces mesures et desseins sionistes montrent clairement ce que veut dire Netanyahou quand il exige en préalable à un Etat palestinien autorisé dans les Territoires occupés « la reconnaissance palestinienne ferme et sincère d’Israël en tant que patrie du peuple juif ». Ce sont les termes du discours que le Premier Ministre a prononcé le 14 juin au Centre Begin-Sadate de l’Université Bar-Ilan. Netanyahou y avait introduit pour la première fois le concept « Etat palestinien » qu’il refusait encore expressément pendant la campagne électorale. Il l’avait cependant chargé d’une série de conditions préalables qu’un politicien palestinien ne peut très probablement pas accepter et n’acceptera pas sans se discréditer totalement.

Le succès a donné raison au premier ministre : lors d’un sondage effectué après le discours, 71% des juifs israéliens approuvaient le discours. A peu près autant (70%) ne donnaient aucune chance réaliste à un Etat palestinien dans un futur proche, comme l’annonçait l’agence Reuters le 16 juin.

Obama loua le discours de Netanyahou comme l’entrée dans « des conversations sérieuses » et en fit valoir les « aspects positifs », sans entrer concrètement dans les conditions posées par le chef du gouvernement israélien, mais en les qualifiant d’une manière générale comme l’objet de futures négociations. Le responsable presse de la Maison Blanche, Robert Gibbs, parla dans l’édition du 14 juin de Haaretz d’un « important pas en avant » salué par le Président.

Les réactions palestiniennes ont été totalement différentes : Saeb Erekat, le négociateur en chef du Président Mahmoud Abbas, a déclaré : « Le discours de Netanyahou a claqué la porte à des négociations sur un statut permanent [plus précisément une solution biétatique - KM]. Nous appelons le monde à ne pas se laisser égarer par le fait qu’il a utilisé le concept « Etat palestinien », car il l’a dévalorisé. Il a déclaré Jérusalem capitale d’Israël, il a dit qu’il n’y aurait pas de négociation sur les réfugiés [le droit de retour - KM] et que les colonies continueraient d’exister. Le processus de paix a avancé à la vitesse d’une tortue. Ce soir, Netanyahou l’a retournée sur le dos » (Al Jazeera du 16 juin).

Ce constat est objectivement pertinent. Cela n’empêchera sans doute pas les politiciens palestiniens, même dans les conditions actuelles, d’accepter de faire bonne figure dans cette mauvaise passe et d’essayer de s’adapter à la constellation. Pour la reprise des négociations interrompues par le massacre de Gaza, Abbas n’a posé qu’une seule condition : le gel des travaux de construction dans les colonies. Dès qu’un accord sera atteint sur ce point entre Washington et Jérusalem, aussi mauvais qu’il puisse être du point de vue palestinien, Abbas admettra très probablement que sa condition est remplie.

Faute de quoi les Palestiniens se verront à nouveau chargés de la faute d’avoir fait échouer une occasion supposée grandiose par « l’opinion publique internationale ». Quoi qu’il en soit : dans la stratégie habilement conçue d’Obama, ils sont de toute manière les perdants.

4 août 2009 - Source : Junge Welt - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://www.palaestina.org/news/beit...
Traduction de l’allemand : Marie Meert