jeudi 9 juillet 2009

Nous en avons assez des Arabes

mercredi 8 juillet 2009 - 06h:38

Joharah Baker
Al-Ahram Weekly



Les Palestiniens qui refusent l’Etat colonial posé au-dessus de leurs têtes sont catalogués comme des terroristes, alors que les Israéliens ont reçu carte blanche pour se comporter carrément comme des racistes à l’égard des Palestiniens.

Joharah Baker en cherche les raisons.

Quelle loi non écrite existe donc ici qui autorise les Israéliens à lancer des injures racistes aux Palestiniens en toute impunité ? Après toutes mes années passées dans ce pays, et les absurdités que j’y ai connues, en voici une que j’ai du mal à digérer.

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Avigdor Lieberman et Yitzhak Aharonovitch

Mon indignation s’est trouvée ranimée par le ministre de la Sécurité publique israélien Yitzhak Aharonovitch qui, récemment, alors qu’il visitait la vieille gare routière centrale de Tel-Aviv, a dit à un policier israélien/palestinien qu’il était, « un vrai sale Arabe » [Arabush, mot péjoratif pour désigner un Arabe - ndt]. Une fois ces mots prononcés, le ministre a dû s’excuser, disant que ses propos ne reflétaient pas sa vision du monde. Un porte-parole du ministère a même fait une déclaration disant que, « dans un moment de plaisanterie, et en utilisant l’argot courant, le ministre a dit ce qu’il a dit, mais sans intention de blesser qui que ce soit. »

Si cela n’avait été qu’un incident isolé, ou si ce n’avait pas été un ministre de droite qui l’avait dit, nous aurions pu, juste pu, nous laisser aller à croire cette histoire d’excuses avancée comme explication. Mais compte tenu du passé d’Israël avec les Palestiniens, cela peut difficilement être pris pour un lapsus. Au contraire, de telles calomnies s’inscrivent dans une relation historiquement enracinée entre les juifs israéliens et ceux qu’ils perçoivent comme leurs inférieurs, une relation si irrationnelle qu’elle incite tous ceux qui veulent injurier en parole les Palestiniens à continuer.

Ce n’est effectivement pas la première fois qu’une personnalité politique ou religieuse israélienne insulte les Palestiniens ou les appelle par des noms dégradants. En 2001, le chef spirituel du Shas, Ovadia Yosef, avait appelé les Palestiniens, « serpents » et demandé à Dieu de « détruire les Arabes ». Dans une interview au Maariv, quotidien israélien, il déclarait encore, « Il est interdit d’être magnanime avec eux. Il faut leur lancer des missiles et les annihiler. Ce sont des démons. »

S’attendant à ce que de tels propos puissent être mal perçus par l’opinion et les médias, un porte-parole du Shas avait à l’époque précisé que Yosef avait simplement voulu parler des « assassins et terroristes arabes ». Doit-on pour autant être plus à l’aise ?

Certains encore peuvent dire que Yosef n’est qu’un idiot, excessif, ultra religieux, maladroit et qu’il ne faut pas le prendre au sérieux. Bon. Mais qu’en est-il des Premiers ministres d’Israël ? Ceux qui furent mis au pouvoir par le vote de l’opinion israélienne ? En 1982, dans une intervention à la Knesset, le Premier ministre Menachem Begin déclarait, « Les Palestiniens sont des animaux qui marchent sur deux pattes. »

L’année suivante, Raphael Eitan, alors chef d’état-major de l’armée israélienne, disait au New York Times, « Quand nous aurons colonisé cette terre, tout ce que les Arabes seront capables de faire, ce sera de se sauver comme des cafards ahuris dans une bouteille. »

A l’époque, de telles déclarations ouvertement racistes avaient embarrassé Israël, non parce que beaucoup ne les croyaient pas, mais parce qu’Israël se présentait lui-même comme un pays démocratique qui traite tous ses citoyens avec dignité et à égalité. Nous, les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, ne sommes pas des citoyens israéliens, mais rappeler que nous sommes sous occupation militaire israélienne depuis plus de 40 ans ne fait qu’ouvrir un autre dossier dans lequel il vaut mieux ne pas trop fouiller, et cela en rajoute aussi pour les explications que les officiels israéliens doivent fournir sur les raisons pour lesquelles ils nous traitent si mal.

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Ovadia Yosef

Le policier qui a été insulté par Aharonovitch à Tel-Aviv, lui, est citoyen israélien, il est l’un des un million deux cent mille Palestiniens qui vivent à l’intérieur d’Israël. Selon la loi, cet homme doit être traité comme n’importe quel autre citoyen d’Israël, sans discrimination. En réalité, pourtant, lui et tous les autres Palestiniens sont considérés comme des citoyens de seconde zone, surtout parce qu’ils vivent dans un pays taillé pour les seuls juifs.

Ce n’est pas un secret. Israël a été créé pour être une patrie des juifs, et le Premier ministre Binyamin Netanyahu a posé la reconnaissance de l’Etat en tant qu’Etat juif comme condition pour négocier avec les Palestiniens, et tout juif dans le monde a un droit qui lui permet de faire d’Israël son foyer en vertu de la loi israélienne du retour.

Il faut ajouter à cela tout ce sentiment anti-arabe et anti-palestinien qu’on peut trouver dans « l’argot courant » israélien. D’après un article paru dans Ha’aretz sur l’Hommage à la parade d’Israël à New-York, les jeunes Israéliens qui chantaient Am Yisrael Chai (Vive la nation juive) avaient remplacé la ligne « Vive le peuple d’Israël » par « Tous les Arabes doivent mourir ». Interrogé par un juif qui voulait savoir si les mots de la chansons ne l’avaient pas dérangé, un participant a répondu catégoriquement : « C’est le sionisme ».

Apparemment, tout est là dans cette réponse pour expliquer pourquoi les juifs doivent régner sur les Arabes, pourquoi les Palestiniens ne doivent pas être traités comme des êtres humains, et pourquoi les insultes dégradantes, comme celle lancée par Aharonovitch, sont écartées comme n’étant que des « plaisanteries ». C’est aussi apparemment pourquoi les Israéliens qui réclament la mort des Arabes ou qui disent que ce sont des animaux et des serpents ne sont pas blâmés par le monde ni mis au ban de la société pour leurs opinions extrémistes, alors même que ceux qui appellent à la « destruction d’Israël » sont diabolisés et sans arrêt catalogués comme des militants, des extrémistes et des adversaires de la paix.

Le problème ne réside pas essentiellement dans les insultes qui sont proférées de temps à autre par tel ou tel ministre ou rabbin en dépit de leur caractère méprisable. Si ce n’était pour un système qui fournit le terreau pour de telles idées racistes, ces officiels n’auraient jamais eu l’occasion de faire leurs scandaleuses déclarations. Mais un tel système existe, il est vivant, et bien vivant. Un système qui prétend, comme le jeune homme anonyme le chantait si fièrement, que « Tous les Arabes doivent mourir », que tout est justifié en une seule phrase : « C’est le sionisme ».

Jérusalem occupée - Al-Ahram Weekly, publication n° 954 - 2 au 8 juillet 2009 - traduction : JPP