vendredi 3 juillet 2009

Le chat et la souris

jeudi 2 juillet 2009 - 06h:02

Khaled Amayreh - Al Ahram Weekly



Le comportement astucieux du Hamas fait que dorénavant on ne sait plus très bien qui chasse qui, explique Khaled Amayreh depuis Ramallah.

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Ismaïl Haniyeh, Premier Ministre palestinien du gouvernement élu de Gaza, et Mahmoud Abbas, ex-président palestinien. Photo datant de mars 2007...

Le Hamas a envoyé des signaux de bonne volonté pour aider ou du moins réfréner l’obstruction aux efforts menés par les Américains en vue de résoudre le conflit israélo-palestinien et de créer un état palestinien sur des territoires occupés par Israël en 1967.

La semaine dernière, le Premier Ministre palestinien basé à Gaza, Ismail Haniyeh, a tenu une « réunion cordiale » avec l’ancien président étatsunien en visite, Jimmy Carter. Celui-ci a circulé dans l’enclave côtière, inspectant les ravages provoqués par Israël durant son assaut contre la Bande sous blocus.

Haniyeh a dit à Carter que le Hamas ne cherchait pas à empêcher ni à contrarier les efforts authentiques visant à mettre un terme à l’occupation israélienne et à parvenir à la paix. « Dans le monde, nous sommes le peuple qui souffre depuis le plus longtemps. On nous tue, on nous mutile, on nous humilie et on nous attaque brutalement tous les jours. Aussi personne ne souhaite autant la paix que nous le faisons. Mais il faut que ce soit une paix digne basée sur la justice et les droits de l’homme » a dit Haniyeh par le truchement d’un interprète. « Ceci étant dit parce que pour être véritable et durable, il faut que la paix repose sur la justice ».

A Damas, le chef du Bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, s’est exprimé sur le même mode, disant que le Hamas était prêt et disposé à donner aux efforts américains une chance de mettre fin aux 42 années de l’occupation israélienne.

Mechaal aurait déclaré à des diplomates occidentaux restés anonymes que le Hamas ne chercherait pas à contrecarrer des vrais pourparlers de paix entre l’Autorité Palestinienne (AP) basée à Ramallah et Israël, s’il apparaissait clairement que de tels pourparlers conduiraient à mettre un terme à l’occupation palestinienne et à la création d’un état palestinien sur 100% de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

Mechaal devrait prononcer un discours le 25 juin où il présentera les « nouveaux gestes » du Hamas envers l’administration Obama. Selon des sources au Hamas, Mechaal pourrait déclarer que le Hamas donnera au président étatstunien six mois voire un an pour qu’Israël cesse son occupation de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la Bande de Gaza. Il devrait également déclarer que le Hamas s’abstiendra de porter des attaques de résistance contre Israël pendant cette période si du moins Israël en fait autant, ce qui doit inclure un réel engagement d’Israël à cesser le blocus de deux années contre la Bande de Gaza.

Plus précisément, on s’attend à ce que Mechaal rejette dédaigneusement le discours prononcé par le Premier Ministre israélien le 14 juin dernier. Dans ce discours, Netanyahou posait des conditions draconiennes qui donneraient forme à un futur état palestinien mais le priveraient de toute substance. Le Premier Ministre a dit qu’Israël devrait exercer un contrôle étroit des frontières, des points de passage, de l’espace aérien, des relations extérieures, des ressources hydriques et des télécommunications de l’état palestinien envisagé. Il a dit par ailleurs qu’Israël maintiendrait son occupation du Jérusalem-Est arabe et refuserait d’autoriser le retour des réfugiés dans ce qui est aujourd’hui Israël. Il a aussi affirmé que les Palestiniens devraient reconnaître que le million et demi de Palestiniens qui sont citoyens israéliens n’ont pas un droit permanent de vivre dans leur patrie ancestrale.

Israël a pris quelques mesures formelles pour alléger son siège rigoureux de Gaza. Mais les sources palestiniennes et internationales se plaignent qu’Israël empêche toujours une masse de produits de consommation d’arriver à Gaza, apparemment pour faire pression sur le Hamas afin de lui extorquer des concessions concernant Gilad Shalit, le soldat d’occupation israélien fait prisonnier par des combattants de la résistance palestinienne il y a trois ans.

Israël a aussi refusé d’autoriser des matériaux de construction pour la Bande de Gaza, ce qui veut dire que la reconstruction de Gaza ne peut démarrer, du moins dans un avenir proche.

Il y a plusieurs raisons à la « campagne de modération » du Hamas. Il espère obtenir un forfait complet en échange de son attitude positive. Selon des sources bien informées à Gaza, la direction du mouvement espère que l’Occident, et spécialement l’administration Obama, lèvera ou du moins allègera ses sanctions contre le Hamas.

L’ancienne administration Bush avait adopté une approche dure et manifestement hostile au Hamas, classant le groupe de résistance comme organisation terroriste et criminalisant toute transaction avec le gouvernement du Hamas, malgré le fait qu’il ait été élu lors d’élections équitables et transparentes organisées à la demande pressante de Washington.

Mais lors de son discours historique du Caire aux musulmans du monde, début juin, le Président Obama a parlé du Hamas en termes relativement cléments.

On estime généralement que l’administration Obama n’insistera pas davantage sur la reconnaissance d’Israël par le Hamas comme condition préalable à tout contact entre les USA et le mouvement islamique palestinien.

En outre, le Hamas espère qu’un certain rapprochement avec les USA et l’Occident ferait également pression sur le régime de l’Autorité Palestinienne [AP] à Ramallah pour qu’elle cesse ses efforts pour isoler le mouvement. Cette semaine, le Président de l’AP, Mahmoud Abbas, aurait ordonné la libération de centaines de prisonniers politiques du Hamas détenus dans des prisons de l’AP en Cisjordanie.

Néanmoins Abbas n’a pas dit quand cette décision serait mise à exécution ni si elle concernerait tous les prisonniers, estimés à 800, y compris la crème de la crème de la direction civile et intellectuelle en Cisjordanie.

L’application de la décision ne paraît pas aisée. Les agences de la sécurité de l’AP semblent résister à la décision en intensifiant les rafles de partisans et de sympathisants du Hamas.

Selon des sources du Hamas, plus de 70 partisans du Hamas ont été raflés par différentes agences de sécurité de l’AP depuis la décision prise le 21 juin. En outre certains sites Web palestiniens ont rapporté que le général étatsunien Keith Dayton, qui supervise l’entraînement et la mise en place de forces de sécurité palestiniennes en Cisjordanie, a avisé Abbas de son opposition à la libération de partisans du Hamas.

En fin de compte, le Hamas espère que tous ces futurs développements pourront créer les conditions favorables à un accord d’échange de prisonniers avec Israël - où des centaines de prisonniers politiques et résistants, notamment le leader du Fatah Marwan Barghouti ainsi que des députés et politiciens du Hamas détenus - avec la libération du soldat Shalit détenu par le Hamas.

Il y a un autre élément qui contribue à la campagne de modération du Hamas. Les dirigeants du Hamas, qui représentent la force motrice de la classe politique palestinienne, sont convaincus que l’actuel leadership israélien n’a ni la volonté ni le désir de faire des pas importants vers la paix. Pour voiler son vrai discours, basé sur la corruption et le jonglage verbal, le gouvernement israélien continuera probablement d’évoquer la paix et de pousser à la reprise rapide de négociations de paix avec les Palestiniens pour des raisons de pures relations publiques.

Le Hamas estime donc qu’il est important et opportun de faire certaines démarches même bénignes, non sans cohérence avec ses principes et lignes rouges de toujours, comme la reconnaissance d’Israël, afin de dénoncer Israël et de démontrer à la communauté internationale, en particulier aux USA, que ce ne sont pas les Palestiniens, ni même le Hamas, qui sont le parti entravant les efforts de paix.

Plus précisément, la modération perçue chez le Hamas va sans doute encourager et renforcer la position de Mahmoud Abbas vis-à-vis du Premier Ministre Benyamin Netanyahou. Ce dernier a utilisé le différend Hamas-Fatah en guise de diversion face au rejet israélien de la solution biétatique et aussi à l’expansion continue des colonies juives de peuplement.

Cette semaine, le Ministre israélien de la Défense Ehoud Barak approuvait la construction d’au moins 200 unités de peuplement en Cisjordanie. La décision viserait à tester la résolution du Président Obama sur le dossier des colonies.

Le 22 juin, les Etats-Unis réaffirmaient leur opposition à l’expansion des colonies, notamment à Jérusalem-Est. Il reste cependant à voir si et quand les USA traduiront leur déclaration d’intention sur les colonies en mesures politiques tangibles

25 juin 2009 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article ici :

http://weekly.ahram.org.eg/2009/953...
Traduction de l’anglais : Marie Meert