jeudi 2 juillet 2009

À Gaza sous blocus, les plages polluées offrent une rare distraction


02/07/2009

Bravant les avertissements des autorités contre la pollution causée par les eaux usées qui se déversent sur la côte de Gaza, les habitants du territoire ne se privent pas du seul plaisir qui leur reste en ces temps de blocus drastique imposé par Israël, au risque d’attraper des maladies parfois mortelles.                                               Mohammad Abed/AFP
Bravant les avertissements des autorités contre la pollution causée par les eaux usées qui se déversent sur la côte de Gaza, les habitants du territoire ne se privent pas du seul plaisir qui leur reste en ces temps de blocus drastique imposé par Israël, au risque d’attraper des maladies parfois mortelles. Mohammad Abed/AFP
REPORTAGE Quelque 60 000 mètres cubes d'eaux usées se déversent chaque jour dans la mer, même le sable est infecté.


Chaque fois qu'il se baigne dans la mer, Mahmoud Diab a la peau qui le démange. Mais cela ne l'empêche pas de revenir, bravant les avertissements des autorités contre la pollution causée par les eaux usées qui se déversent sur la côte de Gaza.
C'est que la plage, même polluée, est l'une des rares distractions dans une bande de Gaza pauvre et coupée du reste du monde par un blocus imposé par Israël en guise de sanction contre le Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir. Ni les ruisseaux d'eaux usées qui coulent sur la plage, ni les mises en garde lancées par les services environnementaux de l'administration du Hamas n'ont dissuadé la population d'éviter les zones les plus polluées du rivage.

« Je vois les eaux d'égout, mais la mer se renouvelle. Que puis-je faire de toute façon ? Le blocus nous a privés de divertissements et de voyages », confie Mahmoud Diab, en sortant avec un groupe d'amis d'une baignade dans le petit port de pêche de Gaza. L'endroit figure justement parmi les sept zones les plus polluées de la côte signalées par les autorités, mais Mahmoud et ses compagnons n'en ont cure. « Ça me démange et mon oreille s'enflamme chaque fois que je me baigne, mais cela ne va pas nous empêcher de venir nager ici pour nous amuser », confie encore Mahmoud. Assis sur un rocher près du port, le pêcheur Ismaïl Rahmi convient que la « mer est très polluée ». « La couleur de l'eau est plus opaque, mais nous sommes obligés d'entrer dans l'eau car c'est notre gagne-pain », explique-t-il.
Selon Mounzer Chiblaq, directeur de l'Autorité de l'eau à Gaza, « 20 000 mètres cubes d'eaux usées se déversent chaque jour dans la mer de Gaza sans le moindre traitement ». « Même le sable de la plage est pollué », affirme-t-il. « En outre, 40 000 mètres cubes d'eaux usées qui sont partiellement traitées dans des conditions non conformes aux normes internationales pour les zones de baignade et de pêche se jettent aussi dans la mer », ajoute-il. « Le problème est d'autant plus grave que les zones polluées sont concentrées dans la région de Gaza-ville, où la densité démographique est la plus élevée », poursuit-il. Selon lui, les services écologiques ne peuvent remédier à ce problème en raison « du blocus israélien qui empêche l'entrée des pièces de rechange nécessaires pour la réparation du système de traitement des eaux usées ».
Mahmoud Daher, un représentant à Gaza de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), estime que la baignade dans les zones polluées « peut causer des maladies de peau, des inflammations aux yeux et aux oreilles ainsi que des troubles digestifs ». « Il faut sensibiliser la population à ces risques pour que les gens fassent plus attention, mais sans provoquer de panique », conseille-t-il. Le médecin Joumaa Saqaa est plus alarmiste. Il met en garde contre la propagation « de maladies graves qui peuvent causer des décès, telles que la méningite qui peut se transmettre dans les eaux polluées ».
Sur la plage du camp de réfugiés de Chati, Manal, 10 ans, sort de l'eau, les yeux rougis, pour jouer au ballon avec d'autres gamines sur le sable. « Ce n'est pas grave si la mer est polluée ou si on tombe malade. Les examens sont finis et nous voulons nous amuser comme les autres enfants », dit-elle. Portant voile et robe longue, un groupe de femmes, dont la mère de Manal, Oum Mohammad, surveillent les enfants. « Je leur ai promis de les emmener à la mer après les examens. J'espère qu'ils ne vont pas tomber malades », dit la mère, pas particulièrement préoccupée par la pollution.