mardi 6 janvier 2015

La diplomatie US au Moyen-Orient nous garantit une année 2015 catastrophique

2014 peut s’être avéré un cauchemar pour la stratégie américaine, au Moyen-Orient en particulier mais aussi dans d’autres régions du monde comme l’Ukraine. Les États-Unis ont connu des défaites militaires et politiques sur plusieurs fronts, les forçant à battre en retraite et à faire beaucoup de concessions.

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L’IS est le complet sous-produit de décennies d’interventions, de guerres et de violences générées par l’Occident et son allié israélien au Moyen-Orient
La seule exception est la question palestinienne, non pas en raison de la force de l’Amérique, mais en raison de la faiblesse catastrophique du leadership palestinien.
L’évènement le plus notable de l’année écoulée a été la montée de l ’« État islamique » (IS) et la désintégration de l’armée irakienne. L’IS contrôle aujourd’hui un territoire de la taille de la France, avec deux fleuves, des puits de pétrole et de gaz, et d’énormes stocks de céréales. En outre, il est en charge d’une population de plus de huit millions de personnes, continuant d’accumuler de l’argent à partir de ses actifs et également par la fiscalité, et il dispose de sa propre armée de 100 000 soldats, en pleine croissance.
Les États-Unis et son Alliance de soixante nations contre l’IS ont procédé tous ces cinq derniers mois à des bombardements de cibles à l’intérieur du territoire de l’IS, mais sans grands résultats, sauf à verser le sang de civils innocents. L’IS est passé maître en adaptabilité. Il a appris à se soustraire aux frappes aériennes et a même abattu un des avions de combat de fabrication américaine appartenant à l’armée de l’air jordanienne. Le pilote a sans aucun doute été une source d’information utile pour les commandants de l’IS intéressés à savoir comment l’Alliance agit, où est situé son commandement central et Dieu sait le reste.
L’administration américaine a effectué une volte-face en Syrie, et a commencé à sérieusement reconsidérer ses relations avec son ancien ennemi l’Iran afin de se coordonner avec Téhéran et Damas contre l’IS. Pendant ce temps, le principal allié régional, la Turquie, a refusé de rejoindre l’Alliance à moins que la lutte contre l’IS n’ait pour objectif en parallèle de faire tomber Bachar al-Assad. Erdogan veut aussi une zone tampon établie le long de sa frontière avec la Syrie et n’est pas pressé de vaincre l’IS car celui-ci ajoute à la pression sur ses rivaux en Syrie et en Irak.
Une maladie se répand à travers le Moyen-Orient et son nom est la fragmentation. Le sectarisme, la division ethnique et les profondes divergences politiques ont produit un niveau de discorde et de violence sans précédent. À présent les politiciens occidentaux viennent avec leurs scalpels amputer les parties qui leur reviennent du corps de la nation arabe. Le résultat est le partitionnement auquel nous assistons déjà dans ses premières étapes en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye et au Soudan.
La situation nous rappelle les étapes finales de l’effondrement de l’Empire ottoman sous les coups des puissances coloniales occidentales, il y a de cela un siècle.
Malgré les bombardement américains sur les positions de l’IS - comment devrions-nous appeler ce dernier ? « Groupe », « Organisation », ou cette merveilleuse expression américaine « entité » ? - les extrémistes continuent d’exercer une attraction magnétique sur les jeunes Arabes ainsi que sur les jeunes musulmans de partout dans le monde. L’IS se déplace vers Erbil, la capitale kurde stratégique, a une forte présence à Bagdad et a conquis le territoire au sud jusqu’à la frontière avec l’Arabie saoudite.
Face à son incapacité à entraîner la Turquie dans la guerre terrestre contre l’IS - ce qui selon tous les analystes sera nécessaire pour vaincre ce nouvel ennemi - l’administration Obama est obligée de retourner en Irak dans le but de faire revivre un front local contre l’extrémisme. Les États-Unis sont également en compétition pour recycler l’armée irakienne et les services de sécurité, et les former à la lutte contre l’S. Plus de 5000 soldats américains sont sur le terrain aujourd’hui, assurant la formation de 5000 soldats irakiens toutes les six semaines en leur fournissant les compétences minimales requises pour récupérer les zones envahies par l’IS, et il est très probable que le nombre des forces américaines va croître et se multiplier en 2015.
L’administration Obama a été choquée par, d’abord, la capitulation instantanée des soldats de l’armée irakienne à Mossoul - ils ont simplement jeté leurs armes et se sont enfuis. Elle a été choquée quand elle a appris l’étendue de la corruption dans l’armée irakienne qu’elle avait formée : des soldats fictifs recevaient un plein salaire tout en restant chez eux à regarder la télévision, des officiers ont été soudoyés pour ne pas se rendre dans les endroits dangereux et ainsi de suite.
Il a donc été décidé de dissoudre l’armée irakienne pour une deuxième fois, et de la remplacer par de nouvelles troupes qui s’occuperont de la lutte contre l’IS et de la reconquête de la ville de Mossoul, de la province d’Anbar et d’autres zones contrôlées par l’IS. Une véritable humiliation pour le gouvernement irakien et l’occupant américain qui l’a favorisé et installé...
Les chances de réussite de cette nouvelle initiative américaine apparaissent limitées, pour la simple raison que l’Amérique fait la même erreur qu’auparavant en Irak et ailleurs - c’est-à-dire en imaginant que tous les « problèmes » peuvent être résolus militairement quand ils sont le résultat de politiques déterminées, de différences sociales, religieuses et ethniques qui pourraient être plutôt résolues par la négociation entre les parties elles-mêmes et sans aucune interférence de l’étranger.
Le modèle stratégique de l’Amérique n’est pas adapté sur le long terme, car il intègre des objectifs pour reprendre un contrôle limité à une ville ou une région à la fois. L’IS de l’autre côté est capable de mener de nombreuses batailles et simultanément, à des milliers de kilomètres de distance et dans deux pays différents.
Loin d’encourager la réconciliation, le commandement militaire américain semble déterminé à approfondir les divisions sectaires en Irak par le financement et la formation de milices chiites en même temps qu’il fait revivre la campagne « Awakening » parmi les tribus sunnites, avec le dessein de construire une force sectaire sunnite sur le modèle des anciens « Fils de l’Irak » [groupes ayant collaboré avec l’occupant américain].
Il est tout à fait possible que ces deux armées vont entrer en collision avant ou après l’achèvement de leur mission contre l’IS.
Le sentiment palpable d’urgence dans la formation de l’armée irakienne confirme qu’une bataille pour Mossoul est imminente, avec d’énormes pertes humaines en prévision. Toute la ville sera détruite, quel que soit le vainqueur ... et il n’y aura pas de vainqueur.
Onze ans après l’invasion américaine de l’Irak pour renverser Saddam Hussein, le pays continue à sombrer dans le sang et le chaos, et les choses semblent prêtes à s’aggraver.
C’est la triste réalité de la politique étrangère unilatérale de l’Amérique, qui est entièrement basée sur des impératifs économiques - principalement le pétrole, le gaz et l’eau - et sur son soutien inconditionnel à Israël.
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Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du site Raialyoum. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.
http://www.raialyoum.com/?p=199548
Traduction : Info-Palestine.eu