mardi 6 janvier 2015

Israël devra-t-il un jour rendre des comptes pour les meurtres de journalistes ?

La récente guerre israélienne contre Gaza a profondément marqué les esprits des journalistes qui se sont retrouvés sous les tirs afin de couvrir les évènements. Cette expérience amère les a poussés à exposer les sionistes devant l’opinion publique internationale.

Cependant, certains de ces reporters qui ont parcouru les champs de mines et essuyé les tirs incessants d’obus et de missiles sont devenus l’objet-même du reportage. Dix-sept journalistes ont péri alors qu’ils couvraient la guerre et 28 autres ont été blessés.
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Le photographe palestinien Moataz Al Salhy,au centre, entouré de collègues, pleure alors qu’il tient le casque ensanglanté de son ami, le caméraman indépendant Rami Rayan, assassiné alors qu’il filmait une frappe israélienne dans le quartier de Shijaiyah, le mercredi 30 Juillet 2014 - Photo : AP/Lefteris Pitarakis
Gaza – Au milieu de la dure réalité à laquelle les journalistes palestiniens sont confrontés, la récente série de combats dans la bande de Gaza a soulevé des questions importantes et urgentes quant à la position des organisations de protection des journalistes internationaux face aux violations commises contre les médias palestiniens pendant la guerre, et à la perspective de tenir l’ennemi pour responsable.
Une commission d’enquête arabe doit se réunir bientôt, sous les instructions de l’Union des journalistes arabes. Cette commission comprend des experts juridiques qui chercheront à former un dossier complet rapportant tout ce qui a eu lieu pendant la guerre. Le dossier sera ensuite transmis aux autorités chargées d’étudier les violations, de renforcer la dissuasion et d’imposer des sanctions à Israël. Ces derniers jours, une délégation de membres du Syndicat des journalistes à Ramallah et de l’Union des journalistes arabes s’est rendue dans la bande de Gaza assiégée pour avoir un aperçu de la situation des journalistes.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour applaudir ces étapes préliminaires, qui ont toujours un caractère expérimental, les journalistes à Gaza semblent avoir une « valeur marchande » élevée ; en effet, ces derniers n’auraient pas irrité autant l’occupation israélienne, et celle-ci n’aurait pas été si déterminée à les tuer, s’ils n’avaient pas surpassé leurs homologues israéliens en termes de crédibilité et de capacité à mettre en lumière la souffrance des Gazaouis.
Pendant ce temps, le Syndicat des journalistes palestiniens et le ministère palestinien de l’Information auront pour défi de soulever la question des journalistes sur le plan international et de faire valoir leurs droits auprès de l’ennemi.
Dernièrement, le ministère a produit un court-métrage documentaire (5’23") montrant quelques scènes qui résument la situation des journalistes palestiniens pendant la guerre.
Le film montre des journalistes qui travaillent en funambule, entre la vie et la mort, mais vise en fait un public restreint en raison d’un certain malaise au sein du ministère, et de l’hésitation de ce dernier à exploiter toutes les violations commises par l’occupation contre les journalistes palestiniens.
Ce film à forte charge émotionnelle, intitulé Reporters Under the Line of Fire (par les journalistes Nida’a Younes et Alaa Yaghi), apporte des preuves des transgressions dont les sionistes sont responsables, images et séquences vidéo à l’appui. Toutefois, la production reste modeste par rapport à la nature et à l’ampleur des violations [commises par l’occupation].
Reporters Under the Line of Fire fait également un clin d’œil aux journalistes arabes et étrangers en n’oubliant pas leurs contributions au cours de la guerre, notamment celle du journaliste italien Simone Kamili, décédé le mois dernier alors qu’il couvrait une opération de démantèlement d’un missile dans le nord de Gaza.
Le film, accompagné d’une bande son poignante, comporte le témoignage d’un journaliste allemand : « Je paniquais, j’avais peur pour ma vie jusqu’à la fin de la journée ou le lendemain ». Ce même journaliste a également montré un document écrit en anglais qui dédouanait l’ennemi des violations qu’il commettait. Les Israéliens faisaient en effet pression sur les journalistes étrangers pour qu’ils signent un document à leur arrivée au point de passage d’Erez, entre la Cisjordanie et Gaza.
Avec ce document, « les Forces de défense israéliennes forcent les journalistes à signer une décharge dégageant Israël de toute responsabilité concernant les dommages qu’ils pourraient subir en couvrant la guerre à Gaza ».
Ces actions israéliennes limitant les mouvements des journalistes étrangers se sont encore plus concrétisées après qu’une partie des médias occidentaux ont pris le parti des Palestiniens au cours de la récente guerre, notamment suite à la frappe aérienne ayant visé une plage, où quatre enfants ont été tués (Al-Akhbar, 18/07/2014).
Le film montre également des journalistes courant pour leur survie alors que que l’ennemi tirait des missiles en direction des bureaux des médias, comme l’agence al-Wataniya à Burj al-Jawhara, ou encore les tours Bacha et Daoud, qui accueillaient un certain nombre de bureaux de médias.
On y voit également des reporters en train d’aider les travailleurs humanitaires à récupérer les blessés, alors qu’eux-mêmes n’étaient pas en sécurité avec leur gilet pare-balles et leurs protections.
Au cours de ces cinq minutes sont aussi affichées les photos de tous les martyrs qui ont péri en portant le flambeau de la vérité, accompagnées d’un bref résumé de leur vie, de la date de leur martyre et de l’endroit où ils ont travaillé. Le spectateur peut également voir des visages et des corps de journalistes ensanglantés.
Le film se termine par une scène douloureuse, où deux enfants jouent le rôle d’un présentateur et d’un journaliste ; l’un d’entre eux deviendra un martyr à peine quelques jours plus tard.
Ce film perdra toutefois son essence s’il n’est pas suivi de mesures sérieuses visant à rendre l’ennemi légalement responsable. Le ministère de l’Information passera-t-il cette épreuve ou attendra-t-il que d’autres journalistes périssent ?
Les violations en chiffres
À l’issue de la dernière guerre à Gaza, les familles de 140 journalistes ont dû fuir de chez elles. 42 maisons ont été complètement détruites tandis que 61 autres l’ont été partiellement. 19 médias ont subi de graves dégradations et 15 stations de radio et chaînes de télévision ont stoppé leur diffusion.
Six voitures de presse ont été ciblées directement et 17 journalistes ont perdu la vie dans leur quête de vérité. La plupart de ces journalistes travaillaient pour les chaînes al-Aqsa, al-Kitab et Palestine, ainsi que le journal al-Rissala et le réseau de médias Palestinian Media Network.
Le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias a observé une augmentation constante des violations commises contre les journalistes : une hausse de 64 pour cent a été enregistrée par rapport à l’année dernière.
Traduction : Info-Palestine.eu - Valentin B.