jeudi 4 septembre 2014

La vente des produits israéliens en Cisjordanie chute de 50% en raison du boycott

Ramallah, Cisjordanie – Dans une épicerie de Ramallah, Muhammad Ali, 9 ans, demande à sa mère de lui acheter du jus de fruit, mais len lui précisant : « Je n’en veux pas un israélien ». Lorsqu’Al Monitor lui demande pourquoi, il répond : « Parce qu’ils tuent les enfants de Gaza ».

JPEG - 32.8 ko
Cisjordanie - Un manifestant palestinien brandit son drapeau au milieu des gaz lacrymgènes, devant un appel au boycott des produits israéliens - Photo : US Today
Cet enfant n’est probablement pas au courant que des milliers de Palestiniens de Cisjordanie et de la Bande de Gaza sont en train de boycotter les produits israëliens, suivant ainsi les campagnes publiques et pour la jeunesse. Partout en Cisjordanie, des affiches appellent aux boycott.
L’impact sur l’économie israélienne ou palestinienne n’est pas encore bien estimé, mais les analystes et les organisateurs des campagnes expliquent que ce n’est pas seulement une question d’économie. Khaled Mansour, un des dirigeants du mouvement de boycott et membre du Parti du Peuple Palestinien [PPP] pense que « cela devrait être queluye chose de naturel dans la société palestinienne ». Naser Abdul Kareem, analyste économique et universitaire à Birzeit, explique que « les campagnes de boycott des produits israéliens vont au-delà des répercussions économiques car c’est un devoir patriotique et moral qui contribue, même si ce n’est qu’en partie, à supprimer la dépendance économique vis-à-vis d’Israël ».
Oula Awad, responsable du Bureau central palestinien des statistiques, explique à Al-Monitor que les effets des campagnes de boycott n’apparaissent pas encore dans les données officielles. Selon elle, plus de 70% des importations palestiniennes viennent d’Israël ou y transitent.
Selon Awad, le marché palestinien est le plus important pour le marché israélien, puisque les importations d’Israël montent à entre 4 à 4,5 milliards de dollars, alors que les exportations n’excèdent pas un demi-milliard de dollars.
Bien que les effets du boycott ne puissent encore être bien quantifiés, des indications montrent que le boycott a pris de l’ampleur et s’est étendu dans tous les districts de Cisjordanie.
D’après le Bureau Central Palestinien des Statistiques, les exportations palestiniennes vers Israël ont augmenté de 7,1% en mai 2014 par rapport au mois précédent. Cela représentait 86,5% de la valeur totale des exportations. Pendant ce temps, les importations en provenance d’Israël ont diminué de 7,3% par rapport au mois précédent, représentant 65,3% de la valeur totale des importations en un mois.
Un reportage télévisé sur la chaîne 10 israélienne diffusé le 15 août a révélé que « les ventes des produits israéliens en Cisjordanie ont chuté de 50% en raison du boycott lié aux attaques israéliennes contre la Bande de Gaza ». Le reportage précise que « certaines usines ont fermé des lignes de production à cause de la chute dans les ventes. »
La hausse de la demande pour les produits palestiniens indique que la campagne de boycott a un impact, explique Azmi Abdul Rahman, directeur général des études politiques et économiques et porte-parole du Ministère de l’économie. « L’impact de la campagne de boycott doit encore être mesuré, mais il y a des indicateurs majeurs comme la hausse de la demande de produits palestiniens en tant que substituts aux produits israéliens », explique-t-il à Al-Monitor.
Les effets des campagnes de boycott commencent à se faire ressentir dans les usines et entreprises palestiniennes qui proposent des substituts aux produits israéliens, en particulier dans l’industrie laitière, qui essaye d’offrir une alternative aux produits laitiers israéliens de marque Tnuva.
Amjad al-Mouhtaseb, responsable des ventes dans l’entreprise Al-Junaidi, l’une des plus grosses companies laitières palestiniennes, explique à Al-Monitor : “La campagne de boycott a eu un effet positif sur l’entreprise et les ventes de produits, qui pour certains ont augmenté. Ces deux dernières semaines, les ventes de l’entreprise ont grimpé de 15%. C’est aussi le cas d’autres sociétés. Les entreprises laitières palestiniennes se partagent habituellement 55 à 60% du marché, mais leur part actuelle du marché dépasse les 80% ».
Cette hausse de la production touche aussi les heures de travail. Mouhtaseb confirme que « des heures de travail ont été ajoutées dans les usines de l’entreprise et 40 nouveaux employés ont été recrutés. »
Seulement quelques semaines se sont écoulées depuis le début du boycott, mais ses répercussions se sont déjà fait ressentir à différents niveaux. Manal Farhat, le directeur général de la Gestion de la production général au Ministère de l’économie nationale, annonce dans un communiqué de presse qu’« on attend une augmentation d’au moins 12 à 25% de produits locaux palestiniens dans le panier du consommateur palestinien à court terme. On verra un bon niveau investissement qui aura un effet positif sur ce qui fait le mécanisme économique. »
Elle ajoute que « l’on s’attend à une hausse de 60% des produits de l’industrie alimentaire dans le panier des consommateurs, et beaucoup d’entreprise ont déjà recruté un grand nombre de travailleurs de nuit étant donné la hausse de leur production. »
Abdul Rahman explique : « Les campagnes de boycott des produits israéliens rejoint les politiques du gouvernement et du Ministère de l’économie. Elles sont en ligne avec les politiques de développement que le Ministère à fixées pour 2016 dans le but d’augmenter de 35% les parts des secteurs de la production nationale dans le marché local, et de baisser le chômage de 26% à environ 18%. »
Abdul Rahman espère que « tous les secteurs de production verront leur part de marché augmenter. Il est attendu que le secteur des accessoires couvre le besoin du marché palestinien, qui doit être couvert à 85%. Il est prévu une augmentation de 50 à 70% pour le marché pharmaceutique. »
« Avec 1 milliard de dollars investi dans la production, 70 000 à 100 000 opportunités d’emploi seront créées. La continuité du boycott des produits israéliens contribuera largement à réduire le chômage et la pauvreté, et à mettre en valeur la situation financière du gouvernement palestinien, » ajoute-t-il.
Abdel Karim de l’Université de Birzeit explique que la poursuite nécessaire du boycott par les Palestiniens aura cependant peu de chances de changer les politiques israéliennes. « Le boycott est important au niveau politique, moral et national. Il devrait devenir une manière de vivre. Il y a des répercussions économiques suite au boycott d’Israël, mais il y a des produits de base que les Palestiniens ne peuvent boycotter, comme l’essence, l’électricité, le ciment et l’eau » dit-il à Al-Monitor.
Abdel Karim declare que les Palestiniens ne pourront probablement boycotter qu’environ pour une valeur de 600 millions de dollars de produits israéliens, ce qui est vraiment peu sachant que le volume global du commerce d’Israël est de 160 milliards de dollars. « La valeur des produits de base importés d’Israël atteint 3 milliards de dollars. Il y aussi environ 1 milliard de dollars de biens de consommation parmi lesquels certains sont irremplaçables. Ce boycott nuit à Israël économiquement, mais ne le poussera pas à changer ses politiques et ses plans d’occupation. Le commerce israélien est estimé à 160 milliards de dollars. Les palestiniens ont donc bien plus à gagner du boycott que ce que les israéliens ont à perdre » explique-t-il.
Des sommes importantes d’argent ont besoin d’être investies dans l’industrie palestinienne afin de réduire la dépendance de l’économie palestinienne vis-à-vis d’Israël.
« Environ 1 milliard de dollars doivent être investis dans la réhabilitation des terres agricoles et le développement des usines afin de fournir aux Palestiniens des alternatives pour une valeur de 600 millions de dollars. Cela créera des emplois pour environ 30 000 palestiniens et contribuera à libérer les Palestiniens de la dépendance à l’égard d’Israël, même si ce n’est que partiellement. Cela soutiendra aussi le boycott international qui inquiète Israël, » ajoute Abdel Karim.
Khaled Mansour pense que le boycott devrait être institutionnalisé. « Les citoyens devraient s’engager formellement à boycotter Israël et à faire de cette initiative une culture enracinée dans le peuple, en l’intégrant au programme des écoles et des universités et dans les sermons à la mosquée. » Il a demandé aux responsables politiques « de prendre une décision claire pour mettre fin au commerce avec Israël tel que défini par le Protocole économique de Paris ».
Ces initiatives se développent dans un contexte de forte hausse des campagnes de boycott au niveau international contre Israël au niveau économique, universitaire et culturel. Israël est profondément inquiet du boycott économique grandissant en Europe, lequel place de nombreux obstacles à la distribution des produits agricoles et industriels israéliens sur le marché israélien.
JPEG - 9.6 ko
* Ahmed Melhem est journaliste et photographe, basé à Ramallah. Il travaille également pour Al-Watan News
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Julie C.