samedi 27 septembre 2014

Guerre des salaires : les employés du Hamas poussés à démissionner

À Gaza, 40 000 employés n’ont pas reçu leur salaire depuis neuf mois tandis que de nombreux autres ne peuvent plus gagner leur vie grâce aux tunnels vers l’Égypte.

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Septembre 2014 (Gaza) : un enfant palestinien accompagne son père, employé du Hamas, qui fait la queue à l’extérieur d’une banque pour être payé - Photo : AFP
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a pris l’antenne tard dans la soirée pour accuser les représentants officiels du Hamas de maintenir les postes de direction à Gaza et d’entretenir un gouvernement fantôme malgré l’accord de réconciliation palestinien conclu en avril.
Cet accord était censé mettre un terme à sept ans de division palestinienne. Les deux parties ont convenu de l’établissement d’un gouvernement d’unité nationale et de la préparation des élections présidentielle et législatives dans un délai de six mois après la signature de l’accord.
Compte tenu de la situation à Gaza, les accusations de Mahmoud Abbas sont légitimes : en pratique, l’ensemble des tâches et activités quotidiennes du gouvernement sont réalisées par le même gouvernement de facto dirigé par le Hamas, mais sans ministres.
Suite à la signature de l’accord de réconciliation palestinien, les ministres du gouvernement de facto ont démissionné, et les postes vacants ont été repris exclusivement par les sous-ministres d’anciens ministres de la bande de Gaza.
Seuls quatre des ministres du nouveau gouvernement d’unité sont originaires de Gaza. Les autres viennent tous de Cisjordanie et refusent, selon certaines sources, de communiquer avec leurs homologues de Gaza.
Selon Zakria al-Hur, directeur général du ministère de l’Éducation à Gaza, ce problème découle de l’incapacité de l’Autorité palestinienne à rassembler tout le monde.
Selon lui, l’Autorité palestinienne « refuse d’admettre l’existence de ministères et de membres du personnel travaillant déjà depuis 8 ans à Gaza ».
« Environ 40 000 employés n’ont pas reçu leur salaire depuis neuf mois », a-t-il déclaré.
« Jusqu’à présent, le ministre de l’Éducation du gouvernement de consensus ne nous a pas demandé de vérifier l’avancement des travaux, ni pendant, ni après la guerre », ajoute-t-il.
Il précise cependant que le problème dépasse les accusations de Mahmoud Abbas quant au gouvernement fantôme de Gaza.
« Le président Abbas devrait venir à Gaza. Nous lui donnerons les clefs des ministères avec tout le personnel », a-t-il indiqué.
Entre-temps, les quatre membres des ministères du gouvernement de consensus de Gaza déclarent disposer d’un contrôle total de leurs ministères, y compris des passages frontaliers.
Selon Zakria al-Hur, Mahmoud Abbas essaie d’affaiblir le Hamas en poussant les membres de son personnel à démissionner et à partir.
« Mahmoud Abbas a tenté de dompter le Hamas en prétendant que c’est lui seul qui décide. Il ne veut pas que le monde extérieur comprenne que la résistance a gagné la guerre et que sa voie politique est la seule correcte », a déclaré Zakria al-Hur.
Cependant, l’Autorité palestinienne continue de payer les salaires de ses quelques milliers de fonctionnaires au sein des ministères en fonctionnement. Mais la majorité du personnel des ministères qui travaillait pour le gouvernement du Hamas, y compris le personnel des hôpitaux, attend d’être payé.
Zakria al-Hur précise que sur 50 000 membres du personnel, « 40 000 employés ont travaillé pendant huit mois sans être payés, alors que des dizaines de milliers sont payés grâce aux fonds de la communauté internationale pour rester chez eux ».
Le personnel de l’AP, composé d’anciens employés avant la prise de pouvoir du Hamas à Gaza en juin 2007, est payé pour rester chez lui. Suite à l’accord d’unité nationale, ces employés étaient censés reprendre le travail, mais ils ne l’ont pas fait.
A compter de la fin du mois de juin et le début de la guerre à Gaza, bon nombre de fonctionnaires n’avaient pas été payés depuis sept mois alors que d’autres n’avaient perçu qu’un salaire partiel. Les représentants du Hamas estimaient alors le montant des paiements rétroactifs dus aux employés à 1 milliard.
Pas moins de 600 000 Gazaouis, soit environ 36 % de la population de Gaza, comptent parmi les membres de leur famille des employés du gouvernement dont le salaire a été affecté par le blocage.
Une question demeure irrésolue pour les observateurs internationaux : comment les ministères fonctionnent-ils alors que les tunnels creusés sous la frontière entre Gaza et l’Égypte ont été fermés.
Jusqu’à la destitution du précédent président égyptien, Mohamed Morsi, des taxes étaient collectées auprès des exploitants de tunnels et utilisées pour payer les employés du secteur public. Avec l’avènement de tensions entre l’Égypte et le Hamas et la ramification des Frères musulmans suite au coup d’État égyptien, l’Égypte a accusé le Hamas de permettre à des hommes armés de se faufiler dans les tunnels jusqu’au désert voisin du Sinaï avant d’en détruire au moins 1370 et, par conséquent, une source de revenus majeure du Hamas.
Les ministères fonctionnent désormais grâce aux revenus de taxes et de redevances collectées localement alors que l’enclave se remet de la guerre. Ces revenus sont par exemple issus de révisions de voitures qui doivent être contrôlées par un organisme gouvernemental.
Zakria al-Hur indique que le ministère de l’Éducation a été contraint de réduire son coût de fonctionnement et le budget d’autres programmes vitaux, y compris celui d’un projet pédagogique pour la réhabilitation d’étudiants, mis en place par son service et dont le budget a dû être réduit de 100 000 à seulement 20 000 dollars.
Les bons de carburant ont également été réduits. Ainsi, les cadres supérieurs faisant la navette depuis différentes régions recevaient 130 à 150 litres de carburant par mois. Ils n’en reçoivent désormais plus que 30.
Les accusations des deux parties ont pris fin au cours de la guerre israélienne qui a duré sept semaines et ont été remplacées par l’expression et l’image apparentes d’une unité nationale. Mais celles-ci semblent s’effriter au vu des accusations grandissantes des deux parties dans les médias.
Cependant, le public palestinien espère que la réunion des deux partis politiques qui aura lieu ce mois-ci au Caire permettra d’établir de nouvelles bases communes. Abu Abdelhadi, âgé de 43 ans et enseignant à Gaza, déclare que le président Abbas et son gouvernement de consensus auraient dû visiter Gaza.
« Nous avons été massacrés. Ils n’ont jamais pensé à nous », dit-il. « Aucun Premier ministre ne se soucierait pas de son peuple après une tuerie massive. »
Mais il ajoute que le moment n’est pas approprié pour dénoncer et dénigrer. L’unité nationale doit fonctionner, car le peuple palestinien doit passer avant le Fatah et le Hamas.
« Après tout, nous sommes palestiniens, et le sang versé par Israël devrait nous unir », a déclaré Abu Abdelhadi.
Mahmoud Abbas a menacé de rompre l’accord d’unité avec le Hamas si le mouvement islamiste ne permettait pas au gouvernement d’opérer dans des conditions correctes à la bande de Gaza.
Mussa Abu-Marzouq, haut responsable du Hamas, a déclaré lors d’un récent séminaire à Gaza que le gouvernement de consensus avait une plus grande responsabilité dans la reconstruction de Gaza. Il a critiqué l’établissement par l’AP d’un comité pour la reconstruction de Gaza en Cisjordanie. 
« La bande de Gaza est capable de s’autogérer », a-t-il déclaré.
Alors que les partis continuent de s’attaquer à tour de rôle, on se demande qui paiera le prix de ces chamailleries politiques en pratique.
Certains représentants de l’UE s’étant rendus à Gaza récemment ont rencontré plusieurs acteurs importants de la société civile et évoqué le fait que l’UE et Israël ne s’opposent pas à payer les salaires du personnel à Gaza.
De son côté, le Hamas blâme Mahmoud Abbas.
« Il va y avoir une explosion massive, au nez de Mahmoud Abbas. Le public et les médias commencent à réaliser que le seul obstacle au paiement des salaires est Mahmoud Abbas », a déclaré Zakria al-Hur.
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Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.
http://www.middleeasteye.net/in-dep...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claire L.