samedi 29 mars 2014

Les diplo­mates euro­péens dénoncent la colo­ni­sation « sans pré­cédent » à Jérusalem-​​Est

Cyrille Louis, Le Figaro, vendredi 28 mars 2014
Dans un rapport interne, les chefs de mission mettent par ailleurs en garde contre les risques d’incidents qu’entraînerait une modi­fi­cation du statu quo sur l’esplanade des mosquées.
Les diplo­mates euro­péens en poste à Jéru­salem dénoncent, dans leur rapport annuel, l’« accélération sans pré­cédent de la colo­ni­sation » inter­venue depuis la reprise du pro­cessus de paix, fin juillet dernier, sous le patronage de John Kerry. Entre août 2013 et janvier 2014, les auto­rités israé­liennes ont, selon leur calcul, donné leur feu vert à la construction d’autant de loge­ments à Jérusalem-​​Est qu’au cours des quatre années précédentes.
Contrai­rement à ce qu’espérait l’Autorité pales­ti­nienne, le gou­ver­nement de Benyamin Néta­nyahou a en effet refusé de geler la colo­ni­sation dans les ter­ri­toires occupés durant la période des négo­cia­tions. Il s’est en revanche engagé à élargir 104 pri­son­niers détenus pour des faits commis avant la signature des accords d’Oslo. Or, chacune des trois pre­mières vagues de libé­ration a été accom­pagnée de nou­veaux appels d’offre, pro­vo­quant la colère des Palestiniens.
Alors que les sept pre­miers mois de 2013 avaient été marqués par une mise en silence des construc­tions à Jérusalem-​​Est, les diplo­mates relèvent ainsi que la création de 1695 nou­veaux loge­ments a été auto­risée durant les cinq mois qui ont suivi. Des appels d’offres infruc­tueux portant sur quelque 1400 loge­ments ont par ailleurs été republiés.
L’instrumentalisation de l’archéologie à des fins politiques
Le rapport des chefs de mission de l’Union euro­péenne, document à usage interne dont le quo­tidien Haaretz dévoile les grandes lignes, décrit plus géné­ra­lement les mesures prises par Israël afin de « ren­forcer l’annexion uni­la­térale et illégale de Jérusalem-​​Est ». Comme les années pré­cé­dentes, il s’émeut de l’instrumentalisation de l’archéologie à des fins poli­tiques et pointe la création de parcs nationaux dont l’une des fina­lités, souligne-​​t-​​il, est mani­fes­tement de rompre la conti­nuité entre les quar­tiers pales­ti­niens de la ville.
Le document insiste aussi sur les obs­tacles mis à l’attribution de permis de construire aux habi­tants pales­ti­niens de Jérusalem-​​Est, seuls 13% de sa super­ficie leur étant réservée par le plan d’occupation des sols. Il sou­ligne que 98 immeubles y ont été détruits l’an dernier, entraînant le dépla­cement de quelque 300 per­sonnes dont 153 enfants. Il rap­pelle enfin qu’un tiers environ des loge­ments édifiés à Jérusalem-​​Est l’ont été sans permis de construire, si bien que 90.000 Pales­ti­niens peuvent à tout moment être expulsés.
Ce rapport, rédigé comme chaque année depuis 2005 par les vingt-​​huit diplo­mates euro­péens accré­dités auprès de l’Autorité pales­ti­nienne, reflète une vision de terrain, plus cri­tique des poli­tiques israé­liennes que ne le sont géné­ra­lement les posi­tions offi­cielle de l’UE. Son expression tend cependant à s’assagir depuis que les pays membres ont pris l’habitude de le voir « fuiter » dans la presse.
Dans leur der­nière livraison, les diplo­mates euro­péens mettent garde avec une gravité par­ti­cu­lière contre les risques qu’impliquerait une remise en cause du statu quo sur l’esplanade des mos­quées. Troi­sième lieu saint de l’islam, celle-​​ci est placée depuis 1967 sous le contrôle des auto­rités jor­da­niennes mais un nombre croissant de par­le­men­taires israé­liens plaident pour que les Juifs soient éga­lement auto­risés à y prier. « Il existe un risque signi­fi­catif pour que des inci­dents sur­venant sur ce site très sen­sible, ainsi que les craintes de remise en cause du statu quo, ne sus­citent des réac­tions extrêmes aussi bien loca­lement qu’à travers le monde arabo-​​musulman, qui ris­que­raient de faire dérailler le pro­cessus de paix », s’inquiètent les auteurs du rapport. En conclusion de leur travail, ceux-​​ci reprennent un certain nombre de recom­man­da­tions for­mulées les années précédentes.
L’Union euro­péenne et ses États membres sont notamment invités à appro­fondir leur réflexion sur l’étiquetage des pro­duits venant des colonies, ainsi que sur la sen­si­bi­li­sation des acteurs éco­no­miques aux risques juri­diques induits par leurs acti­vités dans les ter­ri­toires occupés.
Il est aussi conseillé à ces pays de ne plus délivrer de visas aux colons reconnus cou­pables de vio­lences, envers les Pales­ti­niens, à Jérusalem-​​Est et en Cisjordanie.