vendredi 21 mars 2014

Le président palestinien refuse de plier

Fares Chahin, El Watan, jeudi 20 mars 2014 
Ren­forcé par le soutien de l’ensemble du peuple pales­tinien, pour qu’il reste sur ses posi­tions malgré les pres­sions, le pré­sident Mahmoud Abbas a été reçu lundi à la Maison-​​Blanche par le pré­sident amé­ricain Barack Obama qui « tente » de rap­procher les points de vue entre Israé­liens et Pales­ti­niens pour un règlement final du conflit qui les oppose depuis près de 66 ans.
Les craintes des Pales­ti­niens de voir les Amé­ri­cains accentuer les pres­sions sur leur pré­sident Abbas pour le pousser à faire de nou­velles conces­sions concernant les « constantes » pales­ti­niennes se sont avérées fondées. Surtout après que le pré­sident Obama ait demandé, devant les caméras de télé­vision, à Mahmoud Abbas de prendre des risques et des « déci­sions poli­tiques dif­fi­ciles » pour arriver à un règlement final du conflit avec Israël. « C’est très dif­ficile, très ardu, il va falloir prendre des déci­sions poli­tiques dif­fi­ciles et des risques si nous voulons pro­gresser », a soutenu le pré­sident amé­ricain dans le bureau ovale de la Maison-​​Blanche.
Cette décla­ration a été perçue dans les ter­ri­toires pales­ti­niens comme une menace directe de la direction amé­ri­caine à l’endroit du pré­sident Mahmoud Abbas. « Vous devez renoncer à cer­tains de vos droits fon­da­mentaux qu’Israël ne reconnaît pas. » C’est ainsi qu’a été traduit l’appel du pré­sident Obama au pré­sident Abbas de prendre des risques pour faire avancer le pro­cessus de paix.
Les obser­va­teurs craignent de voir ces pres­sions poli­tiques ren­forcées par des sanc­tions éco­no­miques dans les pro­chains mois, surtout après l’expiration du délai imparti à ces négo­cia­tions avec les Israé­liens. Ce délai doit nor­ma­lement prendre fin à la fin du mois d’avril. Les décla­ra­tions du pré­sident Mahmoud Abbas à Washington ont, en revanche, for­tement tran­quillisé le peuple pales­tinien. Il a rappelé aux Amé­ri­cains et à leurs pro­tégés israé­liens qu’il n’était pas question d’accepter un accord qui ne garantit pas le respect des droits fon­da­mentaux du peuple pales­tinien. « Nous voulons une solution basée sur des réso­lu­tions qui res­pectent la légalité inter­na­tionale. Nous voulons l’établissement d’un Etat indé­pendant et sou­verain sur l’ensemble des terres pales­ti­niennes occupées en 1967, avec El Qods-​​Est comme capitale et un règlement juste et négocié de la question du retour des réfugiés », a martelé le pré­sident Abbas.
Netanyahou veut encore bloquer
Quant à l’exigence du Premier ministre israélien, Benyamin Neta­nyahou, adoptée par la direction amé­ri­caine de la nécessité de la recon­nais­sance d’Israël comme Etat juif, Mahmoud Abbas l’a rejeté en rap­pelant que la direction pales­ti­nienne a clai­rement reconnu l’Etat d’Israël en 1993. Convaincu qu’il ne trouvera aucun Pales­tinien ni dans l’immédiat ni dans l’avenir qui puisse accepter une telle condition, le Premier ministre israélien, qui se sert des négo­cia­tions pour gagner du temps et imposer de nou­velles réa­lités sur le terrain qui finiront par rendre impos­sible toute création d’un Etat pales­tinien vraiment indé­pendant, muni d’une conti­nuité ter­ri­to­riale, ne perd aucune occasion pour rap­peler aux Pales­ti­niens qu’il n’y aura aucun accord de paix sans cette reconnaissance.
Le pré­sident Abbas ne s’est pas contenté de citer devant le pré­sident des Etats-​​Unis les droits pales­ti­niens. Il a prévenu aussi qu’il ne reste plus beaucoup de temps aux négo­cia­tions et qu’il ne fallait pas le perdre. Des sources israé­liennes ont indiqué que le pré­sident Abbas a demandé la libé­ration de plus de pri­son­niers, à leur tête Marouane El Bar­ghouti, un haut res­pon­sable du Fatah et Ahmad Saadate, le secré­taire général du FPLP, avant toute demande de pro­lon­gation des négo­cia­tions au-​​delà du 29 avril prochain.
Le porte-​​parole de la pré­si­dence pales­ti­nienne, Nabil Abou Rou­deina, a indiqué que le pré­sident amé­ricain n’a pas encore offi­ciel­lement pré­senté un accord-​​cadre au pré­sident Abbas. Selon lui, il s’agit plutôt d’« un ensemble d’idées ». Les Pales­ti­niens avaient, rappelle-​​t-​​on, rejeté un projet d’accord-cadre pré­senté par le secré­taire d’Etat amé­ricain, John Kerry, qui contenait la recon­nais­sance de l’Etat d’Israël comme Etat juif par les Pales­ti­niens. Ce projet pré­voyait aussi une pré­sence mili­taire israé­lienne dans le futur Etat pales­tinien et n’était pas du tout clair ni sur le statut de la ville sainte d’El Qods ni sur le règlement de la question du retour des réfugiés.
Et c’était pour ainsi dire le cas éga­lement de bien d’autres points qui ne font en réalité que tra­duire la vision israé­lienne de la paix. Aujourd’hui, et malgré tous les dangers qui peuvent découler de cette situation qui rap­pelle en tous points celle vécue par la direction pales­ti­nienne conduite à l’époque par le défunt pré­sident Yasser Arafat, lorsqu’il avait dit « non » aux pro­po­si­tions amé­ri­caines et israé­liennes à Camp David, aux Etats-​​Unis en l’an 2000, le pré­sident Mahmoud Abbas et son peuple sont prêts à faire les sacri­fices néces­saires pour réa­liser le rêve de vivre dans un Etat indé­pendant et sou­verain sur l’ensemble des terres occupées en 1967.
« Je ne tra­hirai jamais mon peuple et je suis prêt à subir le même sort que mon com­pagnon de combat Yasser Arafat », ne cesse de répéter depuis des mois le pré­sident pales­tinien, Mahmoud Abbas. Sortis par dizaines de mil­liers dans toutes les villes et vil­lages pales­ti­niens, le jour de sa ren­contre avec le pré­sident des Etats-​​Unis, les Pales­ti­niens lui ont renouvelé leur confiance.
De jeunes Israé­liens dénoncent
Ils sont 58 jeunes Israé­liens, entre 17 et 20 ans, de milieux parfois très dif­fé­rents, à signer, selon le journal Le Point, une lettre ouverte au Premier ministre, Benyamin Neta­nyahou, dans laquelle ils annoncent leur refus de faire l’armée pour, disent-​​ils, « ne pas cau­tionner l’occupation des ter­ri­toires pales­ti­niens ». Ils dénoncent « les vio­la­tions des droits de l’homme en Cis­jor­danie, la construction des colonies, les déten­tions admi­nis­tra­tives, la torture, les puni­tions col­lec­tives et une répar­tition injuste de l’eau et de l’électricité ». Pour eux, et ils l’écrivent : « Tout service mili­taire per­pétue la situation actuelle, et de ce fait nous ne pouvons prendre part à un système qui se livre à de tels actes. » Publié d’abord sur le site en ligne de Yesh Gvul (« Il y a une limite », en français), une orga­ni­sation anti-​​occupation qui sou­tient les objec­teurs de conscience, le texte et ses signa­taires ont très vite suscité de vives réac­tions en Israël, surtout au sein de la majorité gouvernementale.(R. I.)