vendredi 21 mars 2014

Boycott européen d’Israël : et si ce qu’on lisait n’était que la partie visible de l’iceberg ?

vendredi 21 mars 2014 - 05h:48
Adri Nieuwhof 
Une nouvelle étude suggère qu’au cours des cinq dernières années, pas moins d’un investisseur institutionnel néerlandais sur sept a exclu les sociétés impliquées dans l’occupation israélienne de la Palestine.
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Une nouvelle étude suggère qu’au cours des cinq dernières années, pas moins d’un investisseur institutionnel néerlandais sur sept a exclu les sociétés impliquées dans l’occupation israélienne de la Palestine.

« C’est donc un fait qui n’est pas rare, » explique un nouveau rapport. « Plusieurs de ces investisseurs institutionnels ne cherchaient pas à faire une publicité sur leur décision. » Le rapport souligne que de nombreux répondants au sondage préfèrent rester anonymes car ils craignent « la dénonciation et la condamnation des ONG, des participants ou des clients. »
Cela laisse à penser que la série des récents titres au sujet du « désinvestissement » européen des sociétés israéliennes et sociétés liées à l’occupation israélienne pourraient être la partie émergée de l’iceberg.
Elaboré par l’ Association néerlandaise des investisseurs pour le développement durable (ANIDD) – [Dutch Association of Investors for Sustainable Development (VBDO)] – le rapport révèle que certains investisseurs ont exclu les sociétés impliquées dans l’occupation israélienne de la Palestine.
Plusieurs investisseurs considèrent que de telles exclusions répondent à un mobile politique. Toutefois, les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’Homme, cadre conceptuel mis en avant par le Professeur Ruggie, stipulent explicitement que dans les situations de conflits armés, les entreprises doivent respecter les normes du droit international humanitaire, y compris les Conventions de Genève. En outre, l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) a inclus le cadre conceptuel de Ruggie dans ses lignes directrices pour les entreprises multinationales.
Les chercheurs ont envoyé un questionnaire à 50 fonds de pension néerlandais, à 30 compagnies d’assurance et à 10 banques. L’anonymat a été préservé dans le cadre du rapport. 29 institutions ont répondu au questionnaire.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le Directeur d’ANIDD, Giuseppe Van der Helm, au sujet du nouveau rapport. Il considère les Organisations Non Gouvernementales (ONG) d’’être « la conscience de la société » et qui jouent un rôle prépondérant dans les questions de désinvestissement éthique.
Peur de la dénonciation et de la condamnation
D’après le rapport, plusieurs investisseurs institutionnels ne connaissent pas bien les aspects juridiques et moraux de l’investissement, et les risques et les responsabilités associés de ces investissements qui pourraient engendrer l’implication d’Israël dans les violations du droit international et des droits de l’homme.
Les réponses anonymes de l’enquête font ressortir un pourcentage important des investisseurs institutionnels qui investissent dans les douze entreprises mises en évidence par ANIDD, démontrant leur rôle dans des violations du droit international et des droits de l’homme dans la Palestine occupée.
Les douze entreprises sont : G4S, Caterpillar, Veolia, Heidelberg Cement, Motorola, Hewlett Packard, Dexia, Sodastream, Volvo, Israeli banks, Elbit et Africa Israel.
Chacune de ces sociétés est impliquée à sa façon dans l’occupation. Certaines fournissent des équipements de sécurité, d’autres possèdent des succursales ou des usines de production dans des colonies, alors que d’autres sont dans l’extraction des ressources naturelles.
Les investisseurs institutionnels ont souvent du mal à définir leur position. Les parties prenantes ont tendance à penser que prendre la décision d’investir d’après un critère non financier était synonyme de « prise de position politique. »
Les répondants ont également indiqué que les investissements liés à la Palestine occupée « sont devenus de plus en plus publiques. » Seulement une poignée d’investisseurs institutionnels adoptent une politique spécifique à ce sujet. J’ai demandé à Van der Helm de me dire davantage sur cette question.
Il m’a répondu que si les investisseurs décidaient d’exclure une société à cause de son rôle dans l’occupation de la Palestine, « ils risqueraient d’être dans la ligne de mire du lobby pro-Israélien pour lequel l’investissement est important. » Et en même temps, « les investisseurs risquent de mettre leur réputation en jeu s’ils n’assumaient pas leurs responsabilités tracées par les recommandations de l’OCDE en ce qui concerne la Palestine occupée. Ils peuvent devenir la cible des campagnes publiques. »
Van der Helm pense que cela peut expliquer la réticence des entreprises quant à la prise de décision pour le désinvestissement ou pour l’exclusion d’une entreprise. Mais « ça reste délicat car 70 à 80% de la valeur d’une entreprise n’est pas concrète et comprend la réputation, la bonne volonté et la marque. »
Assumer sa responsabilité
Par ailleurs, Van der Helm souligne qu’il est important que les banques, les compagnies d’assurance et les fonds de pension assument leur responsabilité. « En effet, les investissements qui sont en relation avec la Palestine occupée sont politisés et sensibles, » a-t-il affirmé. « Toutefois, les recommandations et les instructions de l’OCDE et des Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’Homme sont très claires. »
Le rapport comprend un chapitre sur le droit international et les territoires Palestiniens occupés. Il met en exergue les responsabilités des entreprises et des investisseurs.
Le cadre Ruggie qui compose en partie les instructions de l’OCDE indique que les investissements qui entraînent de graves conséquences sur les droits de l’homme exigent que l’investisseur « essaie d’user de son influence pour mettre un terme aux violations ou pour un retrait du financement si cela ne s’avère pas être possible. » La responsabilité n’est pas liée au volume des actions dans la « société qui tend vers la violation des droits de l’homme. »
Selon le rapport, tous les actionnaires ont leur part de responsabilité.
L’ANIDD recommande aux investisseurs néerlandais de prendre ces responsabilités au sérieux, déclare Van der Helm. En outre, « le non respect des instructions de l’OCDE, par les investisseurs ou par les entreprises établies dans l’un des pays signataires pourrait mener à une affaire renvoyée devant un point de contact national de l’OCDE. Cela aura un impact négatif sur la réputation de l’entreprise, » souligne Van der Helm. Il a par ailleurs conseillé les investisseurs de discuter le dilemme dans lequel ils se trouvent avec les parties prenantes.
L’important rôle des ONG
Le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions est un réseau international regroupant des ONG, des mouvements sociaux, des syndicats et des citoyens engagés.
Van der Helm confirme que ces ONG peuvent jouer un rôle important dans la promotion de l’investissement durable. Il considère que les ONG sont celles qui « ont beaucoup de connaissances et qui véhiculent la conscience de la société. » Il a de ce fait conseillé les ONG qui appellent au Désinvestissement des entreprises impliquées dans l’occupation de la Palestine de « fournir aux investisseurs des informations factuelles et d’exprimer leur position avec assurance et dire les choses telles qu’elles sont. »
L’ANIDD organisera une table ronde avec les investisseurs et les ONG en guise de suivi du rapport.

* Adri Nieuwhof est avocate, conseiller et défenseur des droits de l’homme, travaillant en Suisse.
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12 mars 2014 – Electronic Intifada – Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha