Al-Haq - Revue d’études Palestiniennes - n°44 Eté 1992
Cet article présente une analyse du contexte dans lequel la
torture et les mauvais traitements sont pratiqués sur les Palestiniens
détenus par les Israéliens.
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Commémoration
de la Nakba, 15 mai 2011 - Les violences et tortures délibérées
pratiquées par les troupes israéliennes d’occupation contre les
Palestiniens, sont non seulement tolérées, mais elles ont été de tout
temps pratiquées, encouragées et institutionnalisées - Photo :
Stoptheviolence.eu
Dans les pages qui suivent, sont présentés des exemples
particuliers illustrant les formes actuelles d’utilisation de la
torture, ainsi que des statistiques, recueillies par al- Haq, qui
révèlent l’extension de cette pratique durant l’Intifada.
I. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE
La torture des Palestiniens détenus par les Israéliens
est normalisée et systématique, et elle est pratiquée avec la sanction
des autorités. Cette conclusion se dégage d’une enquête approfondie d’un
an sur la torture et les mauvais traitements exercés par les Israéliens
sur les Palestiniens. L’enquête comportait des entretiens avec plus de
700 Palestiniens détenus au cours des quatre dernières années. L’étude
menée par al-Haq se distingue des rapports précédemment établis sur
cette pratique par le fait que le volume de la documentation réunie
permet une analyse précise de l’étendue et du fonctionnement des
pratiques israéliennes de torture ; elle fournit également une vue
détaillée des formes de torture et de mauvais traitements pratiqués sur
les Palestiniens dans les lieux de détention de Cisjordanie, de la bande
de Gaza et de l’intérieur d’Israël. De plus, les types de comportement
qui se dégagent constituent un indice sérieux de l’existence de
consignes secrètes pour les méthodes d’interrogatoire, telles qu’elles
ont été exposées par une commission israélienne d’enquête présidée par
Moshe Landau, ancien membre de la Haute Cour de justice israélienne, et
entérinée officiellement par la Knesset le 8 novembre 1987.
L’étude d’al-Haq traite de l’utilisation de la torture
par Israël de novembre 1987 à janvier 1992, ce qui correspond à la
période de l’Intifada. Elle comprend des déclarations faites sous
serment et des questionnaires détaillés provenant d’entretiens avec 708
personnes (369 personnes de Cisjordanie et 339 de la bande de Gaza)
arrêtées au cours de cette période. L’étude est divisée en deux
parties : une enquête faite sur un échantillon de 474 anciens détenus de
Cisjordanie et de la bande de Gaza ; et une série de données précises
sur 234 personnes interrogées Tous les entretiens ont été menés
individuellement et, dans beaucoup de cas, des personnes ont été
interviewées à plusieurs reprises. Aucun des interviewés ne savait ce
qui avait été dit par les autres. Les registres médicaux et tous les
documents susceptibles d’apporter un éclairage pertinent ont été
recueillis.
Les résultats de cette étude montrent que l’utilisation
de la torture pendant l’Intifada s’est faite à une échelle sans
précédent : 85 % (403 personnes) de l’échantillon des 474 anciens
détenus ont déclaré avoir été soumis à la torture ou avoir subi de
mauvais traitements durant leur détention. De plus, l’étude révèle
l’existence de formes normalisées de torture et de mauvais traitements,
utilisées durant les interrogatoires. Les méthodes d’interrogatoire
décrites par le groupe de 234 anciens détenus palestiniens comprennent :
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L’étude révèle la standardisation de pratiques
spécifiques au cours des interrogatoires menés dans un grand nombre de
lieux de détention israéliens, tels les prisons, les centres militaires
de détention et les commissariats. En général, ces lieux sont
administrés par des branches distinctes de l’administration israélienne.
Selon le lieu de détention, les interrogatoires sont effectués par le
Service de sécurité générale (SSG, les renseignements israéliens
internes), par l’armée israélienne et, dans certains cas, par la police
israélienne. La documentation met en cause toutes ces instances dans la
pratique de la torture et des mauvais traitements infligés aux détenus
palestiniens. Les faits révèlent l’implication de hauts responsables et
leur approbation de ces pratiques.
Cette constatation n’est pas sans précédent. Des
témoignages portant sur la période précédant l’Intifada confirment que
la torture et les mauvais traitements de Palestiniens étaient exercés
durant la période précédente de l’occupation israélienne avec la
sanction quasi officielle des responsables. Ces témoignages proviennent
de l’étude bien connue, faite par le Sunday Times de Londres en 1977,
ainsi que de la série, largement diffusée, de télégrammes expédiés par
le consulat américain de Jérusalem-Est au Département d’État entre 1977
et 1979. Le Sunday Times et le consulat américain qualifient de
« systématique » l’exercice de la torture sur les Palestiniens. De plus,
la commission Landau reconnaît implicitement que la torture et les
mauvais traitements étaient, conformément aux directives du Service de
sécurité générale, régulièrement pratiqués dans les interrogatoires
menés par ce service entre 1971 et 1986.
L’approbation par les responsables israéliens des
pratiques de torture et de mauvais traitements pendant l’Intifada peut
être repérée jusque dans les conclusions et recommandations de la
commission Landau. Celle-ci établit un précédent en redéfinissant la
torture de manière à ce qu’elle corresponde aux objectifs et aux besoins
israéliens. Des déclarations faites par la commission elle-même, et
ultérieurement par des responsables israéliens, révèlent que des
pratiques qui correspondent à la torture, suivant les critères
internationaux, sont officiellement excusées et même approuvées.
Cependant, le gouvernement israélien soutient que ces pratiques ne
relèvent pas de la torture ; il donne ainsi la preuve qu’il recourt à
une définition non conforme aux normes internationales.
Les témoignages sur la standardisation croissante des
méthodes d’interrogatoire que fournit la documentation doivent être
examinés à la lumière de cette redéfinition de la torture. Les
recommandations de la commission Landau se rapportent au SSG. Cependant,
à la suite de l’adoption de son rapport, on estima qu’étaient
autorisées des méthodes d’interrogatoire déterminées ; ce qui
encourageait pratiquement leur généralisation à d’autres branches des
appareils de sécurité et de détention israéliens. On en a la preuve dans
des indications qui font état de la transmission par le SSG, durant les
années précédentes, « d’instructions professionnelles » aux enquêteurs
qui ne faisaient pas partie des services secrets, en particulier à ceux
de l’armée israélienne.
La fréquence de l’utilisation de la torture durant
l’Intifada peut également être comprise dans ce contexte. Le rapport de
la commission Landau fut adopté un mois seulement avant le déclenchement
du soulèvement et au moment où le nombre de Palestiniens détenus par
les Israéliens pour des raisons de « sécurité » s’accroissait de façon
considérable. Comme les tentatives israéliennes de mettre fin à
l’Intifada se traduisirent essentiellement par un effort visant à
recueillir des informations sur les comités populaires et sur les
différents militants locaux, le nombre de personnes interrogées s’accrut
et, parallèlement, le champ d’utilisation de la torture.
II. LA COMMISSION LANDAU
Le gouvernement israélien créa la commission Landau en
mai 1987, à la suite de deux affaires largement diffusées dans la
presse, 1’« affaire du bus 300 » et le « cas Nafsu ». L’« Affaire du bus
300 » consiste dans l’exécution sommaire, pendant leur captivité, de
deux Palestiniens de la bande de Gaza, arrêtés par la SSG après qu’ils
eurent détourné un bus israélien en avril 1984. Au cours de l’enquête
qui fut menée par les Israéliens sur ces deux meurtres, des plans
impliquant de hauts responsables de la SSG et visant à empêcher le
travail de la commission furent dévoilés. Dans le « cas Nafsu », un
officier tcherkesse de l’armée israélienne, Izzat Nafsu, inculpé
d’espionnage au profit de la Syrie, avait accusé la SSG d’« avoir usé de
moyens illégaux pour obtenir sa confession ». Les officiers du SSG
réfutèrent sous serment cette accusation ; mais on découvrit par la
suite qu’ils avaient commis un parjure.
Le mandat de la commission, tel qu’il fut défini par le gouvernement israélien, comportait :
[l’examen] des méthodes d’interrogatoire
et des procédures utilisées par le SSG à l’égard des ATH [Activités
terroristes hostiles] et [...] des témoignages faits devant les
tribunaux sur ces interrogatoires. La commission devra, si elle le juge
nécessaire, faire des recommandations et des propositions relatives aux
méthodes et aux procédures appropriées relatives à ces interrogatoires
dans l’avenir, tout en prenant en compte les besoins spécifiques de la
lutte contre l’activité terroriste hostile.
La commission publia, le 31 octobre 1987, la totalité de
son rapport à l’exception d’un appendice secret. La commission Landau
constatait que le personnel du SSG commettait « systématiquement » et
« en permanence » le parjure depuis 1971 jusqu’à 1986, au cours des
témoignages faits devant les tribunaux israéliens sur la manière dont
les aveux étaient obtenus ". Selon la commission, les enquêteurs du
SSG :
niaient avoir utilisé une forme
quelconque de pression physique sur des suspects, quand ils témoignaient
devant la cour. Bref, ils mentaient tout simplement...
Il ressort de ce constat que la « pression » physique
était systématiquement utilisée dans le but de soutirer des informations
durant l’enquête. La commission releva ce fait, en ajoutant qu’à
l’intérieur du SSG, il y avait approbation officielle à la fois de
l’usage de la torture et du parjure concernant cet usage :
[...] les accusations concernant
l’approbation de l’emploi de pressions [physiques], ainsi que la
« règle » afférente de faire de faux témoignages devant les tribunaux,
se sont avérées fondées [...]
Bien que les méthodes particulières d’interrogatoire ne
soient pas énumérées par la commission, plusieurs passages de type
descriptif laissent entrevoir qu’au regard des normes et des standards
internationaux, le SGG torturait et appliquait de mauvais traitements.
La commission Landau nota que de tels actes étaient en conformité avec
les consignes intérieures en cours dans le SSG :
Concernant les actes relevant de la pression physique ou
psychologique auxquels ils [les agents du SSG] avaient recours : à
l’examen, ils apparaissent comme des actes d’agression, de chantage et de menace
[...] Cependant, il nous semble que, dans la mesure où ces pratiques ne
s’écartaient pas des directives qui existaient à ce moment dans le
service (et de manière générale, elles ne s’écartaient pas des directives), l’enquêteur qui recourait à de tels actes est en droit de prétendre [...] avoir obéi aux ordres de ses supérieurs, et ces ordres n’étaient pas véritablement illégaux [Souligné par nous.]
La commission parvint à cette conclusion bien qu’elle
ait admis auparavant que, conformément aux normes en usage dans les
tribunaux israéliens, les méthodes d’interrogatoire du SSG
entraîneraient la prescription des informations obtenues par ce moyen :
[...] qu’il suffise de dire qu’il faut
s’attendre à ce que la pression employée, même si celle-ci était d’un
type autorisé à l’époque, soit considérée par le tribunal comme allant à
l’encontre du principe de la libre volonté du suspect et qu’elle
entraîne la disqualification [de l’aveu]..., disqualification qui aurait
pour effet l’acquittement du suspect.
Dans ses recommandations, la commission énonce
clairement ses vues sur la manière dont les lois relatives à l’admission
de la preuve et des pratiques acceptables devraient être interprétées.
Elle adopte l’idée, émise apparemment par le SSG, selon laquelle un
véritable interrogatoire de suspects de « sécurité » ne pouvait être
mené à bien sans recours à la contrainte, et elle déclare qu’elle
considérait comme légal pareil interrogatoire :
Un véritable interrogatoire de suspects
terroristes est impossible sans l’usage de moyens de pression [...] Un
interrogatoire de ce type est légitime selon la loi telle que nous
l’interprétons.
En conséquence, la commission recommanda qu’un choix de
formes de pressions physiques et psychologiques, décrites par euphémisme
comme « une pression physique et psychologique modérée », soit approuvé
et standardisé pour être appliqué par le SSG dans les interrogatoires
de personnes suspectées d’être « impliquées dans une certaine mesure
dans l’ATH [Activité terroriste hostile], ou dans la subversion
politique qui est interdite par la loi en Israël ou dans les
territoires ». Le rapport comporte une description générale de ces
formes :
Les moyens de pression devraient prendre essentiellement
la forme d’une pression psychologique non violente par le moyen
d’interrogatoires vigoureux et longs, avec l’usage de stratagèmes, tels
que feindre la déception. Cependant, si ces moyens échouent, « l’usage de formes modérées de pression physique n’est pas à exclure ». [Souligné par nous.]
La commission souligna que son interprétation « souple »
de la loi israélienne sur la preuve et des méthodes d’interrogatoire
relevées dans le rapport devrait permettre au SSG de témoigner
honnêtement, sans crainte que la preuve soit proscrite. Elle ajoute :
De fait, il est possible que la
voie que nous indiquons permette au SSG d’agir sur le long terme, et
écarte ainsi le besoin d’amender spécialement pour ses besoins la loi
existante.
L’appendice secret du rapport expose en détail les
différents types de contrainte physique et psychologique considérés
comme permis par la commission. La commission soutient que ces
directives permettraient d’éviter l’usage de « la torture physique et
mentale [...] les mauvais traitements ou l’avilissement de [...] la
dignité humaine ». En réalité, c’est l’inverse qui est vrai. Les
implications des recommandations stupéfiantes, faites par la commission
Landau, sur l’usage de la contrainte physique et psychologique pendant
les interrogatoires, transparaissent dans les conclusions de l’étude
d’al-Haq et elles sont illustrées dans les exemples présentés
ci-dessous.
III. EXEMPLES
Cas n° 1 : interrogatoire de Salah Mohammed Tayeh al-Khawaja à la prison et au commissariat de Ramallah en Cisjordanie.
M. al-Khawaja, originaire du village de Ne’lin dans le
district de Ramallah, est un étudiant de 22 ans à l’Université al-Quds.
Il a été arrêté le 22 janvier 1992, détenu à la prison de Ramallah, puis
transféré au poste de police de Ramallah. Il fut interrogé dans les
deux établissements. Le 2.7 janvier, al-Haq enregistra le témoignage de
M. Khawaja, fait sous serment à l’hôpital de Ramallah où il avait été
transporté par les autorités israéliennes tôt le matin du 26 janvier. Le
29 janvier, des agents du SSG, accompagnés de soldats et de policiers,
arrêtèrent de nouveau M. Khawaja à l’hôpital de Ramallah où il
continuait d’être hospitalisé. Au moment où cet article est écrit, il
est encore en détention.
L’extrait suivant du témoignage sous serment de
M. al-Khawaja commence quelque temps après 15 heures, le 22 janvier,
après son entrée dans la section d’interrogatoire de la prison de
Ramallah :
[...] un soldat me mit sur la tête un
sac de toile qui sentait extrêmement mauvais. Puis il me fit asseoir
dans un réduit d’un mètre carré. J’en évaluai la superficie en déployant
mes jambes. [Ses mains étaient, depuis le moment de son arrestation, entravées derrière le dos par des menottes en plastique.]
Je restais là jusqu’à minuit environ. On m’enleva alors le sac de la
tête, et un soldat me conduisit... à un étage supérieur de la prison de
Ramallah... et me fit entrer dans une pièce où je vis le capitaine
« Jabir » que je reconnus comme l’officier du service secret [SSG]
responsable de la région où je réside... Il appela deux soldats et me
dit : « Si tu n’avoues pas, nous te liquiderons. » Les deux soldats me
saisirent alors par les épaules et me poussèrent au sol. Je tombai sur
le dos et les mains qui étaient encore entravées. « Jabir » et les deux
soldats commencèrent à me piétiner et à me donner des coups de pied sur
les parties génitales, l’abdomen et la tête. En même temps, « Jabir » ne
cessait de me questionner et comme je ne répondais pas, les coups
s’intensifiaient. Ils continuèrent ainsi pendant près de vingt minutes.
Après le passage à tabac, le capitaine « Jabir » essaya
d’engager la conversation avec M. Khawaja ; il lui offrit du café et une
cigarette. Selon le témoignage de Khawaja, le capitaine « Jabir » lui
dit après qu’il eut refusé d’avouer :
« Il semble que tu veuilles mourir. » Je
répondis : « La mort est préférable à une vie pareille. » Il entra en
colère et commença à me frapper et à me donner des coups de pied partout
sur le corps. Puis il concentra les coups sur les parties génitales et
l’abdomen. Cela se poursuivit pendant une heure à peu près avec cinq
interruptions très courtes d’environ trois à cinq minutes. Puis un
soldat vint et me conduisit par un couloir à l’étage supérieur, et il me
laissa debout face au mur, les menottes aux mains et la tête
couverte...
Il fut laissé dans cette position jusqu’au lendemain
matin. Puis, on le plaça dans un cabinet de toilettes exigu pendant deux
heures environ, on lui donna un morceau de pain recouvert de chocolat
et on l’emmena au poste de police de Ramallah. A son arrivée au poste :
un officier des services secrets, dont
j’appris plus tard qu’il se nommait « Beni », me conduisit dans une
section qui semblait avoir été construite récemment [...] Il m’ordonna
de rester debout dans le coin de l’une des pièces. Il y entra bientôt et
referma la porte derrière lui. Je le vis alors sortir son pistolet et
se mettre à jouer avec de façon menaçante. Il dit : « Je vais te
liquider si tu n’avoues pas. » Il m’ordonna de m’asseoir sur une chaise
placée près d’une table. Sur le sol, il y avait un tube de caoutchouc,
un bâton d’un mètre de long environ, une tige de métal tordue de même
longueur, et une corde de deux mètres de long à peu près.
Après m’être assis sur la chaise, « Beni » me dit :
« Nous voulons en terminer et t’entendre avouer. » Je lui dis que je
n’avais rien à avouer. Il s’énerva et commença à me cracher au visage et
à m’injurier, puis il dit : « Je te ferai éclater le cul. » Il me banda
alors les yeux avec une étoffe noire, me poussa dans le coin de la
pièce et se mit à me frapper avec le tube de plastique sur les jambes,
la poitrine et la tête. La bastonnade se poursuivit durant cinq minutes.
Il s’arrêta enfin, m’enleva le
bandage des yeux et me demanda de m’asseoir. J’obéis. Il me demanda
alors de signer un document écrit en hébreu. Je refusai ; il me banda de
nouveau les yeux et me déshabilla, retirant mon pantalon et mon slip,
et m’enlevant la veste, la chemise et le maillot de corps en les passant
par ma tête. Mais il ne put les enlever entièrement parce que mes mains
étaient entravées ; aussi les laissa-t-il pendre sur les menottes. Il
versa alors de l’eau froide sur moi et commença à me frapper avec le
tuyau sur les pieds et le dos. Au bout de cinq minutes, je tombai à la
renverse sur le sol. Il continua de me frapper, disant « Debout,
mets-toi debout, tu joues la comédie. » Cela continua jusqu’à ce que je
sente que j’étais près de m’évanouir. Il me laissa alors dans la pièce
et ferma la porte derrière lui.
L’interrogatoire de M. Khawaja se poursuivit le 25
janvier. Les 24 et 25, on lui offrit de quoi manger et on lui permit de
dormir. Durant cette période, M. Khawaja fut sérieusement battu à trois
reprises. A l’une de ces occasions, « Beni » aidé de deux gardes
frontières, que le détenu identifia à leurs uniformes sombres, participa
à la bastonnade de M. Khawaja :
[...] [« Beni »] m’ordonna de m’asseoir
sur une chaise et me demanda d’avouer. Je refusai. Immédiatement les
deux gardes-frontières me cognèrent au visage. Puis tous les trois se
mirent à me battre et à me donner des coups de pieds [...] dix minutes
plus tard [...] je tombai au sol. Près de quarante-cinq minutes après le
début de la séance, Beni m’ordonna de rester debout dans un coin de la
pièce.
Au milieu de la nuit du 25 janvier, il se réveilla avec de fortes douleurs :
Vers minuit, je commençais à ressentir
une forte douleur à l’abdomen et dans tout le corps. Je me mis à crier,
réclamant un médecin. Un soldat me répondit et m’interrogea sur ce que
j’avais et je le lui dis [...] Vers 2 heures du matin [...] on m’emmena
dans un ambulance à l’hôpital public de Ramallah
Le médecin de service, le docteur Jawad Sonogrot de
l’hôpital public de Ramallah, établit un rapport médical daté du 27
janvier, dans lequel il déclarait :
[...] Salah Mohammed Tayeh al-Khawaja
[...] a été admis en urgence dans le service chirurgical le 26 janvier
1992. Il souffrait de douleurs aiguës à l’abdomen accompagnées de
vomissements. Il souffrait également de douleurs aiguës dans les jambes
et le dos. Après l’avoir examiné, il apparut qu’il avait des contusions à
l’épaule gauche et sur les deux jambes [...]
M. Khawaja fut arrêté de nouveau à l’hôpital de Ramallah le 29 janvier 1992 ; à ce jour, il demeure en détention.
Cas n°2 : Mohammed Hussein Mohammed Dhaher, Ansar II (Kaîiba), centre de détention militaire de la ville de Gaza.
Mohammed Dhaher, âgé de 18 ans, est résidant du camp de
réfugiés de Jaba- liya. M. Dhaher a été arrêté le 22 août 1991 ; son
interrogatoire, qui s’est déroulé à Ansar II, commença le 27 août. Il
continua d’être soumis à des interrogatoires jusqu’au 6 septembre, date à
laquelle il fut relâché sans inculpation.
Un groupe de soldats transporta M. Dhaher à Ansar II le
22 août 1991 à 21 h 30 environ. Il fut placé dans un lieu de sûreté où
il demeura jusqu’au 27 août quand son interrogatoire au centre de
détention commença :
[...] un soldat m’emmena et me laissa
debout, dehors, sous un soleil brûlant, avec les mains entravées
derrière le dos et les yeux bandés. Après une heure environ, je fus
emmené dans une pièce dans laquelle se trouvait un officier qui
prétendait s’appeler « capitaine Rami ». Il m’interrogea, puis on
m’emmena de nouveau au soleil, où je restais debout, yeux bandés et
mains entravées. Ils me laissèrent là deux jours de suite (48 heures),
pendant lesquels j’étais frappé par moments et recevais des jets de
petites pierres. De plus, on ne me donna rien à manger pendant tout ce
temps, et on m’autorisa à aller seulement une fois aux toilettes.
Le troisième jour, je fus emmené pour une deuxième séance d’interrogatoire durant laquelle le « capitaine Rami » me mit à genoux, les mains liées derrière le dos. Il se mit à me poser des questions et à me frapper et à me donner des coups de pied. Il me cogna à différents endroits du corps, sur les parties génitales, la tête et le cou. Il m’étouffa à plusieurs reprises en entourant mon cou de ses mains et en pressant. Cette séance dura une heure environ.
Un soldat m’emmena de nouveau dans la cour où je restais debout, les yeux bandés et les mains entravées. Au bout de quinze minutes environ, je m’effondrai. Ils tentèrent de me relever, mais je ne pus rester debout. Ils me mirent alors dans une cellule. Trois heures plus tard, on me donna, pour la première fois depuis le début de mon interrogatoire, quelque chose à manger. Au bout de trois heures, on me conduisit de nouveau dehors et je restais debout, mains liées et yeux bandés.
Durant les cinq jours suivants, on me fit rentrer à l’intérieur seulement pour des séances avec les enquêteurs, au nombre d’une à deux par jour, chacune durant une à deux heures ; et quand ils voulaient bien me mettre dans une cellule, j’y restais deux à trois heures par jour.
Le troisième jour, je fus emmené pour une deuxième séance d’interrogatoire durant laquelle le « capitaine Rami » me mit à genoux, les mains liées derrière le dos. Il se mit à me poser des questions et à me frapper et à me donner des coups de pied. Il me cogna à différents endroits du corps, sur les parties génitales, la tête et le cou. Il m’étouffa à plusieurs reprises en entourant mon cou de ses mains et en pressant. Cette séance dura une heure environ.
Un soldat m’emmena de nouveau dans la cour où je restais debout, les yeux bandés et les mains entravées. Au bout de quinze minutes environ, je m’effondrai. Ils tentèrent de me relever, mais je ne pus rester debout. Ils me mirent alors dans une cellule. Trois heures plus tard, on me donna, pour la première fois depuis le début de mon interrogatoire, quelque chose à manger. Au bout de trois heures, on me conduisit de nouveau dehors et je restais debout, mains liées et yeux bandés.
Durant les cinq jours suivants, on me fit rentrer à l’intérieur seulement pour des séances avec les enquêteurs, au nombre d’une à deux par jour, chacune durant une à deux heures ; et quand ils voulaient bien me mettre dans une cellule, j’y restais deux à trois heures par jour.
Durant cette période de cinq jours, M. Dhaher reçut
trois repas par jour, et il fut autorisé à aller aux toilettes une ou
deux fois par jour. Cependant, M. Dhaher parle d’une intensification des
sévices pendant cette période. Il raconte de la manière suivante l’une
des séances :
[...] Trois enquêteurs me poussèrent à
terre, le premier me serrant à la gorge, le deuxième pressant mes
organes génitaux et le troisième me donnant des coups de pied à
l’estomac. Cela continua pendant près de quinze minutes, durant
lesquelles je criais de toutes mes forces.
Après huit jours d’interrogatoires, M. Dhaher fut relâché sans inculpation.
Cas n°3 : interrogatoire de Nidal
Mohammed Abdul Karim Drubi, centre d’interrogatoire du complexe
militaire de Tulkarm en Cisjordanie.
Nidal Drubi, étudiant de 21 ans originaire du village de
Shufa dans le district de Tulkarem, fut arrêté tôt le matin du 9
octobre 1991 par un officier du SSG accompagné d’un groupe de soldats.
Plus tard dans la même journée, il fut admis à l’hôpital de Tal-Hashomer
pour des traitements d’urgence nécessités par les blessures subies
pendant l’interrogatoire.
M. Drubi avait les yeux bandés et les mains maintenues derrière le dos par des menottes en plastique, avant son entrée dans l’unité d’interrogatoire, dirigée semble-t-il par le SSG, du complexe militaire de Tulkarem :
M. Drubi avait les yeux bandés et les mains maintenues derrière le dos par des menottes en plastique, avant son entrée dans l’unité d’interrogatoire, dirigée semble-t-il par le SSG, du complexe militaire de Tulkarem :
[...] l’un d’eux me saisit et me plaça
dans une pièce. Il me mit un second bandage sur les yeux et m’informa qu
’il allait me transférer dans [la section] du service secret. Il me
conduisit à un étage supérieur, et me fit entrer dans une pièce. Puis
une personne entra et se présenta comme le « capitaine Sami », — je ne
pouvais pas le voir (puisque j’avais les yeux bandés). Il commença par
me dire que j’avais à choisir entre dire toute la vérité et être
torturé. Quand je répondis que je n’avais rien à dire, il dit : « Voilà
mes hommes, si tu veux parler, dis-le leur. » Brusquement, je sentis des
coups et des gifles s’abattre sur tout mon corps. Je tombai par terre,
mais on continua de me frapper. Durant une heure environ, plusieurs
personnes - je ne sais combien ils étaient - m’ont battu et donné des
coups de pieds sans arrêt. Puis quelqu’un me parla, et je reconnus la
voix de la personne qui s’était présentée comme le capitaine Sami.
Il me dit qu’un officier de haut rang était avec lui, et que cet officier allait me mettre en détention administrative pendant six mois si je n’avouais pas avoir jeté des pierres et construit des barricades. Je demandai la raison pour laquelle ils me mettraient en détention administrative, étant donné que je n’avais rien fait. L’un d’eux dit : « Nous te transférerons pour un interrogatoire de quatre-vingt-dix jours, après cela tu seras en détention administrative. » Puis, on me gifla.
L’un d’eux me frappa avec un bâton aux cuisses et à l’épaule, et les autres se mirent de la partie [...] Ils commencèrent à me jeter de l’un à l’autre. Je tombai à terre à plusieurs reprises, et à chaque fois on me relevait et on continuait à me battre [...] Puis ils me jetèrent au sol et me retirèrent les chaussures. L’un d’eux me saisit les pieds et les tint [pendant] qu’un autre frappait dessus avec un bâton, et qu’un troisième se tenait debout sur ma tête.
Pendant la bastonnade, ils ne cessèrent de m’interroger sur les lieux où dormaient les personnes que les autorités [israéliennes] recherchaient et sur les armes dont ceux- ci disposaient. Je répondais sans arrêt que j’ignorais tout à ce sujet. Ils continuèrent à me frapper sur les pieds avec le bâton - une pratique appelée falaka. Ils me battaient aussi sur les cuisses. Cela dura une heure environ, pendant laquelle je hurlais de douleur. Je ne pus voir aucun de ceux qui me torturaient [...] [mais] quelqu’un me piétina le visage et les yeux.
Après une heure de passage à tabac, l’un d’eux me dit de me mettre debout. Je ne pouvais le faire tant mes jambes étaient enflées. Ils m’accusèrent d’avoir jeté des pierres et d’appartenir à une organisation qu’ils ne nommèrent pas, mais dont ils dirent que mon frère, Kifah, qui était recherché depuis six mois par les autorités, faisait partie. Je leur répondis que je ne savais rien de lui parce que je ne l’avais pas vu depuis longtemps.
Ils me retirèrent le pantalon et me jetèrent à terre, la face contre le sol. L’un d’eux tenta d’introduire un bâton dans mon anus à travers mon slip. Je sentais le bout rond du bâton, et ce fut extrêmement douloureux. Je tentai de m’écarter mais je ne réussis pas, parce que la personne qui essayait d’introduire le bâton me pressait les testicules. Je me mis à hurler de douleur.
Ils s’arrêtèrent après avoir échoué à introduire le bâton. Ils me relevèrent et me remirent le pantalon. Mais je ne pus rester debout et retombai à terre. Ils se mirent alors à me frapper avec des bâtons sur toutes les parties du corps, sur le visage, la tête, les épaules et les cuisses. Quand ils me remirent debout, je ne pouvais toujours pas me tenir seul. Je me sentis défaillir et ma tête tournait. L’un d’eux me frappa alors sur mon nez avec un bâton. Je tombai évanoui.
Il me dit qu’un officier de haut rang était avec lui, et que cet officier allait me mettre en détention administrative pendant six mois si je n’avouais pas avoir jeté des pierres et construit des barricades. Je demandai la raison pour laquelle ils me mettraient en détention administrative, étant donné que je n’avais rien fait. L’un d’eux dit : « Nous te transférerons pour un interrogatoire de quatre-vingt-dix jours, après cela tu seras en détention administrative. » Puis, on me gifla.
L’un d’eux me frappa avec un bâton aux cuisses et à l’épaule, et les autres se mirent de la partie [...] Ils commencèrent à me jeter de l’un à l’autre. Je tombai à terre à plusieurs reprises, et à chaque fois on me relevait et on continuait à me battre [...] Puis ils me jetèrent au sol et me retirèrent les chaussures. L’un d’eux me saisit les pieds et les tint [pendant] qu’un autre frappait dessus avec un bâton, et qu’un troisième se tenait debout sur ma tête.
Pendant la bastonnade, ils ne cessèrent de m’interroger sur les lieux où dormaient les personnes que les autorités [israéliennes] recherchaient et sur les armes dont ceux- ci disposaient. Je répondais sans arrêt que j’ignorais tout à ce sujet. Ils continuèrent à me frapper sur les pieds avec le bâton - une pratique appelée falaka. Ils me battaient aussi sur les cuisses. Cela dura une heure environ, pendant laquelle je hurlais de douleur. Je ne pus voir aucun de ceux qui me torturaient [...] [mais] quelqu’un me piétina le visage et les yeux.
Après une heure de passage à tabac, l’un d’eux me dit de me mettre debout. Je ne pouvais le faire tant mes jambes étaient enflées. Ils m’accusèrent d’avoir jeté des pierres et d’appartenir à une organisation qu’ils ne nommèrent pas, mais dont ils dirent que mon frère, Kifah, qui était recherché depuis six mois par les autorités, faisait partie. Je leur répondis que je ne savais rien de lui parce que je ne l’avais pas vu depuis longtemps.
Ils me retirèrent le pantalon et me jetèrent à terre, la face contre le sol. L’un d’eux tenta d’introduire un bâton dans mon anus à travers mon slip. Je sentais le bout rond du bâton, et ce fut extrêmement douloureux. Je tentai de m’écarter mais je ne réussis pas, parce que la personne qui essayait d’introduire le bâton me pressait les testicules. Je me mis à hurler de douleur.
Ils s’arrêtèrent après avoir échoué à introduire le bâton. Ils me relevèrent et me remirent le pantalon. Mais je ne pus rester debout et retombai à terre. Ils se mirent alors à me frapper avec des bâtons sur toutes les parties du corps, sur le visage, la tête, les épaules et les cuisses. Quand ils me remirent debout, je ne pouvais toujours pas me tenir seul. Je me sentis défaillir et ma tête tournait. L’un d’eux me frappa alors sur mon nez avec un bâton. Je tombai évanoui.
Quand M. Drubi reprit conscience, il était couché sur un
matelas dans une chambre comportant plusieurs lits. Le bandeau avait
été enlevé de ses yeux, mais il avait encore les menottes aux poings :
Je vis une personne en civil. Je
reconnus la personne [l’officier du SSG] qui m’avait arrêté et avait
pris ma carte d’identité. Il me donnait les premiers soins. Je lui
demandai pourquoi il ne m’avait pas arrêté la première fois qu’il était
venu à la maison. Au lieu de quoi, il était sorti cinq minutes, puis
était retourné et m’avait arrêté. Il répondit : « Nous avons agi comme
ça pour te donner l’occasion de t’enfuir, nous t’aurions alors abattu et
nous nous serions débarrassé de toi. »
[...] Puis il m’emmena dans une autre pièce où une personne en uniforme militaire me donna de nouveau des soins. Dans cette pièce, je vis beaucoup de flacons de médicaments. Je sus alors que c’était l’infirmerie de la prison. Pendant que j’étais là, l’un des soldats défit mes menottes et me conduisit à la cellule n° 5, l’une des cellules de la [vieille] prison de Tulkarem.
Je m’étendis sur un matelas. Au bout d’une demi-heure, un soldat vint et me ramena à l’infirmerie. Là, un autre homme en uniforme militaire me dit qu’il était le médecin de la prison. Quand il vit les marques laissées sur mon corps, et qu’il vit que mes mains, mes yeux et mon visage étaient enflés, il me demanda de retirer mes habits. Puis il me demanda qui avait fait cela. Je lui répondis que je n’avais vu personne, mais que j’avais entendu le nom de l’officier « Sami ». Le médecin dit que, compte tenu de ma condition, il me transférerait à l’hôpital Tal-Hashomer.
[...] [A] midi [...] je fus transféré dans une ambulance militaire à Tal-Hashomer. J’avais les yeux bandés et des menottes métalliques aux poignets ; mes mains étaient maintenues à l’avant de mon corps, et mes chevilles étaient enchaînées. Mon bandeau fut enlevé pour mon entrée à l’hôpital, mais mes mains restèrent entravées ainsi que mes chevilles. Après avoir attendu une heure dans le couloir, les soldats me portèrent à la salle de radiographie et de là, à l’une des salles de l’hôpital où l’on m’examina et où l’on me donna des médicaments [...]
[...] Puis il m’emmena dans une autre pièce où une personne en uniforme militaire me donna de nouveau des soins. Dans cette pièce, je vis beaucoup de flacons de médicaments. Je sus alors que c’était l’infirmerie de la prison. Pendant que j’étais là, l’un des soldats défit mes menottes et me conduisit à la cellule n° 5, l’une des cellules de la [vieille] prison de Tulkarem.
Je m’étendis sur un matelas. Au bout d’une demi-heure, un soldat vint et me ramena à l’infirmerie. Là, un autre homme en uniforme militaire me dit qu’il était le médecin de la prison. Quand il vit les marques laissées sur mon corps, et qu’il vit que mes mains, mes yeux et mon visage étaient enflés, il me demanda de retirer mes habits. Puis il me demanda qui avait fait cela. Je lui répondis que je n’avais vu personne, mais que j’avais entendu le nom de l’officier « Sami ». Le médecin dit que, compte tenu de ma condition, il me transférerait à l’hôpital Tal-Hashomer.
[...] [A] midi [...] je fus transféré dans une ambulance militaire à Tal-Hashomer. J’avais les yeux bandés et des menottes métalliques aux poignets ; mes mains étaient maintenues à l’avant de mon corps, et mes chevilles étaient enchaînées. Mon bandeau fut enlevé pour mon entrée à l’hôpital, mais mes mains restèrent entravées ainsi que mes chevilles. Après avoir attendu une heure dans le couloir, les soldats me portèrent à la salle de radiographie et de là, à l’une des salles de l’hôpital où l’on m’examina et où l’on me donna des médicaments [...]
M. Drubi fut ramené au complexe militaire de Tulkarem le
même soir. Il fut relâché sans être inculpé le matin du 10 octobre
1991.
Cas n°4 : Awadallah Isma’il Mohammed Ahmad, Ansar IV (Khan Younès), centre de détention militaire de la bande de Gaza.
Awadallah Ahmad, un étudiant de 20 ans résidant au camp
de réfugiés de Kahn Younès dans la bande de Gaza, fut arrêté le 28 mai
1991 et incarcéré jusqu’au 6 juin, sans être interrogé. Son
interrogatoire commença le 6 juin 1991. Le 13 juin, il fut admis à
l’hôpital Nasser de Khan Younès dans un état inconscient.
M. Ahmad a décrit, dans sa déclaration faite sous serment, les différentes pratiques utilisées par les enquêteurs d’Ansar IV :
M. Ahmad a décrit, dans sa déclaration faite sous serment, les différentes pratiques utilisées par les enquêteurs d’Ansar IV :
[...] Un gardien me mit les poignets à
l’arrière et y plaça des menottes, il me mit un bandeau sur les yeux, et
me laissa debout dans une cour sous la chaleur du soleil. Puis on
m’emmena à la salle d’interrogatoire [...] il y avait dans la pièce un
enquêteur du nom d’« Adam » [...] il me prit vers un coin de la pièce et
me dit : « Tu es membre du Front populaire [de libération de la
Palestine], et tu es à la tête d’un groupe, si tu me donnes les noms de
ses membres, je te relâche. » Quand je répondis que je n’étais à la tête
d’aucun groupe et que je n’appartenais à aucune organisation, il me
saisit la main et se mit à la cogner violemment et de façon répétée
contre le mur. Puis il commença à me boxer sur la bouche et le corps. Ma
bouche se mit à saigner.
Il m’ordonna alors de me mettre à genoux ; il s’assit face à moi sur une chaise, et se mit à me cogner à l’estomac. Il répétait qu’il avait des photos de moi jetant des pierres. Puis il me dit : « Soit tu sors d’ici mort, soit tu avoues. » Il délia le bandeau qui était sur mes yeux et l’enroula autour de mon cou, et il commença à m’étrangler tout en surveillant sa montre. Quand j’arrivai au bord de l’asphyxie, il relâcha le bandeau. Il répéta cette opération plusieurs fois.
Puis il se mit à me poser des questions au sujet de tous mes proches. Quand j’ai mentionné ma sœur, Suhayla, il dit qu’il la connaissait et qu’elle travaillait pour eux, et il utilisa plusieurs mots obscènes à son sujet. Comme je ne répondais pas, il me donna un stylo et du papier et me dit d’écrire ce que je voulais, puis il sortit de la pièce et ferma la porte derrière lui. La séance avait duré environ deux heures...
Il m’ordonna alors de me mettre à genoux ; il s’assit face à moi sur une chaise, et se mit à me cogner à l’estomac. Il répétait qu’il avait des photos de moi jetant des pierres. Puis il me dit : « Soit tu sors d’ici mort, soit tu avoues. » Il délia le bandeau qui était sur mes yeux et l’enroula autour de mon cou, et il commença à m’étrangler tout en surveillant sa montre. Quand j’arrivai au bord de l’asphyxie, il relâcha le bandeau. Il répéta cette opération plusieurs fois.
Puis il se mit à me poser des questions au sujet de tous mes proches. Quand j’ai mentionné ma sœur, Suhayla, il dit qu’il la connaissait et qu’elle travaillait pour eux, et il utilisa plusieurs mots obscènes à son sujet. Comme je ne répondais pas, il me donna un stylo et du papier et me dit d’écrire ce que je voulais, puis il sortit de la pièce et ferma la porte derrière lui. La séance avait duré environ deux heures...
L’enquêteur retourna dans la pièce une demi-heure plus tard :
Quand il vit que je n’avais rien écrit
sur le papier, il se mit à me frapper et à me donner des coups de pied
partout sur le corps. Puis il m’injuria et me demanda pourquoi je
n’avais rien écrit. Il sortit et revint cinq minutes plus tard avec un
autre agent nommé « Gadi » [...] « Gadi » s’approcha de moi, me saisit
et se mit à me cogner la tête contre le mur. Je perdis conscience et
tombai à terre.
Je repris conscience cinq minutes plus tard au son de leurs rires hauts et incessants. Dès que j’ouvris les yeux, ils vinrent vers moi, et l’un d’eux me tira les cheveux pendant que l’autre faisait retomber des mèches sur mon visage. Ils ne cessaient de rire. « Adam » mit alors son pied sur mes parties génitales et pressa fort. Je perdis de nouveau conscience. Quand je me réveillai, je sentis un filet d’eau sur le visage [...] l’enquêteur revint et me piétina le visage.
Je repris conscience cinq minutes plus tard au son de leurs rires hauts et incessants. Dès que j’ouvris les yeux, ils vinrent vers moi, et l’un d’eux me tira les cheveux pendant que l’autre faisait retomber des mèches sur mon visage. Ils ne cessaient de rire. « Adam » mit alors son pied sur mes parties génitales et pressa fort. Je perdis de nouveau conscience. Quand je me réveillai, je sentis un filet d’eau sur le visage [...] l’enquêteur revint et me piétina le visage.
Les enquêteurs continuèrent à presser sur les organes
génitaux et le visage de M. Ahmad durant une heure environ pendant
laquelle M. Ahmad s’évanouit à plusieurs reprises. La séance se termina
quand M. Ahmad fut emmené hors de la pièce par un prisonnier palestinien
et sur instructions de l’enquêteur :
Je vis alors dans la pièce un
Palestinien [...] dont je sus plus tard qu’il vivait à Rafah. « Adam »
lui ordonna de me relever, de me conduire à l’extérieur dans la cour, et
de me mettre sous la pompe à eau. Il me laissa dans la cour sous une
pompe d’où s’égouttaient de l’eau chaude sur ma tête. Je restai sous la
pompe pendant près de quatre heures.
L’enquêteur vint, me donna des coups de pieds, appela le même prisonnier et lui ordonna de me mettre dans une cellule. Je fus placé dans une cellule entièrement obscure et mesurant 1 mètre de long sur 1,50 m de large. Il y avait un matelas et des couvertures. Une petite ouverture dans la porte laissait entrer l’air. Je restais là jusqu’au lendemain matin ; [pendant ce temps] on m’apporta un seul repas auquel je ne touchais pas.
Le matin, « Adam » ouvrit la porte de la cellule et vit que j’étais en mauvaise condition physique et que je ne parvenais pas à respirer. Il ferma la porte et dix minutes plus tard, celle-ci se rouvrit pour laisser passer un homme en uniforme militaire, dont le gardien dit qu’il était médecin. Il prit ma température et ma tension et examina ma poitrine, puis il sortit. Il ne me donna aucun médicament. On me laissa dans la cellule trois jours durant.
A la fin de cette période, la personne qui prétendait être un docteur [...] revint. Il demanda : « As-tu reçu de quoi manger ou boire ? » Le gardien répondit que je n ’avais rien mangé. Je ne pouvais pas manger parce que je me sentais très mal, ma bouche et mes organes génitaux étaient particulièrement douloureux car les enquêteurs m’avaient frappé surtout là.
J’entendis le médecin dire quelque chose en hébreu, langue que je ne parle pas. Mais d’après ce que j’ai pu comprendre du gardien, le médecin avait interdit qu’on me renvoie à l’interrogatoire [...]
L’enquêteur vint, me donna des coups de pieds, appela le même prisonnier et lui ordonna de me mettre dans une cellule. Je fus placé dans une cellule entièrement obscure et mesurant 1 mètre de long sur 1,50 m de large. Il y avait un matelas et des couvertures. Une petite ouverture dans la porte laissait entrer l’air. Je restais là jusqu’au lendemain matin ; [pendant ce temps] on m’apporta un seul repas auquel je ne touchais pas.
Le matin, « Adam » ouvrit la porte de la cellule et vit que j’étais en mauvaise condition physique et que je ne parvenais pas à respirer. Il ferma la porte et dix minutes plus tard, celle-ci se rouvrit pour laisser passer un homme en uniforme militaire, dont le gardien dit qu’il était médecin. Il prit ma température et ma tension et examina ma poitrine, puis il sortit. Il ne me donna aucun médicament. On me laissa dans la cellule trois jours durant.
A la fin de cette période, la personne qui prétendait être un docteur [...] revint. Il demanda : « As-tu reçu de quoi manger ou boire ? » Le gardien répondit que je n ’avais rien mangé. Je ne pouvais pas manger parce que je me sentais très mal, ma bouche et mes organes génitaux étaient particulièrement douloureux car les enquêteurs m’avaient frappé surtout là.
J’entendis le médecin dire quelque chose en hébreu, langue que je ne parle pas. Mais d’après ce que j’ai pu comprendre du gardien, le médecin avait interdit qu’on me renvoie à l’interrogatoire [...]
M. Ahmad passa les trois jours suivants à dormir dans sa
cellule, à moitié inconscient. Le 13 juin, il se réveilla pour se
retrouver à l’hôpital Nasser à Khan Younès. D’après les registres
médicaux, il fut amené à l’hôpital en état d’inconscience par des
militaires. M. Ahmad resta hospitalisé jusqu’au 17 juin.
Cas n° 5 : interrogatoire de Ziyad Hasan Abd al-Fattah Abu-Hawwash, prison de Jenin en Cisjordanie.
Des gardes-frontières et des soldats arrêtèrent, le 17
juin 1991, M. Abu-Haw- wash, âgé de 27 ans et résidant du village de
Dura dans le district d’Hébron. Il fut interrogé à la prison de Jenin du
10 juin jusqu’au 27 août 1991. Il fut relâché sans avoir été inculpé le
31 décembre 1991.
Pendant près de deux mois et demi d’interrogatoires, M. Abu-Hawwash
subit différentes méthodes d’interrogatoire. Les extraits suivants de
son témoignage pris sous serment font apparaître les pratiques
suivantes : l’encapuchonnement, le maintien dans des postures
inconfortables qui rendent difficile sinon impossible le sommeil, la
privation de nourriture, et l’interdiction de se rendre aux toilettes
durant les six jours qu’il passa en interrogatoire.
[...] On m’emmena dans la salle
d’Interrogatoire. Là, un officier se présenta comme le responsable de
l’unité secrète de la prison. Il me questionna durant trois heures
environ... Immédiatement après, il me couvrit la tête d’un sac qui
ressemblait à un long chapeau et sentait extrêmement mauvais. Il
m’arrivait à la poitrine. Puis, il me lia les mains, qui portaient déjà
des menottes, à un tuyau fixé au mur de façon à ce que je reste debout
contre le tuyau. Je fus laissé dans cette position durant trois jours
consécutifs sans nourriture ni eau. On m’autorisa une seule fois à
aller aux toilettes.
Durant les trois jours suivants, je restais encapuchonné et debout, attaché au tuyau. Le dernier jour, on me donna de l’eau de temps à autre et on m’offrit trois repas. On m’autorisa également à aller à trois reprises aux toilettes. Cependant, on me servait les repas dans les toilettes et je ne fus pas autorisé à les manger ailleurs. De plus, j’avais seulement cinq minutes pour consommer la nourriture [...]
Durant les trois jours suivants, je restais encapuchonné et debout, attaché au tuyau. Le dernier jour, on me donna de l’eau de temps à autre et on m’offrit trois repas. On m’autorisa également à aller à trois reprises aux toilettes. Cependant, on me servait les repas dans les toilettes et je ne fus pas autorisé à les manger ailleurs. De plus, j’avais seulement cinq minutes pour consommer la nourriture [...]
Après cet interrogatoire, M. Abu-Hawwash fut maintenu
dans d’autres positions inconfortables durant de longues périodes au
cours desquelles il était encapuchonné et maintenu dans un espace
semblable à un placard, d’une surface d’un mètre carré ; et vers la fin,
il fut battu pas ses enquêteurs. Quand l’interrogatoire s’arrêta à la
fin d’août, il fut transféré à la prison d’al-Fara où on le garda peu de
temps, puis emmené à la prison de Megiddo. A la suite d’une séance du
tribunal militaire de Jenin, il fut relâché. Il avait passé en tout six
mois et demi en détention.
Cas n 6 : ’Ali Hamdan Ahmad Suidat, centre de détention militaire de Dhahriya, région de Hébron en Cisjordanie.
M. Suidat, un travailleur de 23 ans du village de
Shiouka dans le district de Tulkarm, fut arrêté le 27 août 1991. Il fut
retenu au quartier général militaire de Hébron pendant deux jours, puis
transféré au centre de détention militaire de Dhahriya où il fut
interrogé pendant seize jours.
Les extraits suivants du témoignage sous serment de M. Suidat commencent après son admission à la section d’interrogatoire d’al-Dhahriya :
Les extraits suivants du témoignage sous serment de M. Suidat commencent après son admission à la section d’interrogatoire d’al-Dhahriya :
[...] un gardien me mit dans une cellule
de deux mètres de long sur deux de large. Il y avait là un matelas de
mousse et deux couvertures. Le lendemain matin, un gardien me mit les
menottes derrière le dos et un sac sur la tête, et il me laissa debout
dans une cour jusqu’à II heures du soir. Pendant ce temps, on me donna
deux repas. Puis [après 11 heures] on m’emmena devant une personne
nommée « Capitaine Ami ». Il me demanda mon nom et la raison pour
laquelle j’avais été arrêté, mais il ne me laissa pas le temps de
répondre. Il me gifla et dit qu’il n’avait pas de temps à me consacrer
et qu’il me laisserait debout dans la cour, encapuchonné et les menottes
aux poignets durant plusieurs jours. On me ramena dans la cour pour une
heure, après quoi je retournai dans la cellule.
Je passais toute la journée et la soirée du lendemain debout dans la cour avec le sac sur la tête et les mains liées derrière le dos. On me ramena la nuit dans ma cellule et on me laissa dans la même position inconfortable.
Je passais toute la journée et la soirée du lendemain debout dans la cour avec le sac sur la tête et les mains liées derrière le dos. On me ramena la nuit dans ma cellule et on me laissa dans la même position inconfortable.
On laissa M. Suidat debout dans la cour le lendemain également. A 10 heures du soir, il fut ramené devant l’enquêteur :
A 10 heures environ, « Ami » [...]
m’ordonna de me coucher sur le dos. Je m’exécutai. Il m’ordonna alors
d’écarter les jambes. Il se mit à genoux, plaça ses genoux sur mes
organes génitaux et ses mains autour de mon cou et se mit à presser
fort. Je me sentis suffoquer. Il enleva les mains, puis serra de
nouveau, encore et encore, et cela plus de dix fois. Ma salive coulait
de ma bouche et je sentais que j’allais mourir. Il me cogna alors sur
l’estomac et les parties génitales. Il continua à me battre pendant une
heure environ...
M. Suidat fut étouffé et battu très tard chaque soir au
cours de séances d’interrogatoire pendant les jours suivants. Pendant le
jour et aux petites heures du matin, on le laissait debout dans la
cour, le sac sur la tête et les menottes aux poings ; après les séances
d’interrogatoire, on le replaçait dans sa cellule. Ce rythme changea le
septième jour d’interrogatoire :
[...] le septième jour [...] je fus
emmené à la salle d’interrogatoire vers six heures du matin. « Ami »
était là avec deux autres personnes. Après m’avoir interrogé durant près
de dix minutes, tous les trois se ruèrent sur moi, me cognant sur tout
le corps. Je tombai à terre et ils m’ordonnèrent de me relever. Puis
durant près d’une heure et demie, ils m’ont battu sauf pendant dix
minutes. Je ne m’étais jamais senti aussi faible et malade. Après cela,
je restais debout dans la cour, menottes aux mains et la tête recouverte
du sac jusqu’à 11 heures du soir, puis on me ramena dans ma cellule.
Du huitième au treizième jour, les méthodes utilisées
pour l’interrogatoire de M. Suidat alternèrent entre des séances du
soir, où « Ami » était seul, et où il était battu et étouffé, et
d’autres où « Ami » et deux autres personnes le soumettaient à un
passage à tabac. Le reste du temps alternait également entre le
confinement solitaire et la station debout dans la cour, mains liées et
tête couverte. Les trois derniers jours de son séjour dans l’unité
d’interrogatoire (du treizième au seizième jour), il les passa
entièrement enfermé et ne fut pas questionné.
Le seizième jour, il fut emmené au tribunal militaire israélien et il reçut pour la première fois la visite d’un représentant du Comité international de la Croix- Rouge. Il passa les vingt-six jours suivants dans la section de détention de Dhahriya, dans une cellule avec 25 autres détenus. Il fut relâché le 12 octobre 1991.
Le seizième jour, il fut emmené au tribunal militaire israélien et il reçut pour la première fois la visite d’un représentant du Comité international de la Croix- Rouge. Il passa les vingt-six jours suivants dans la section de détention de Dhahriya, dans une cellule avec 25 autres détenus. Il fut relâché le 12 octobre 1991.
IV. CONCLUSION
Les exemples qui ont été présentés illustrent les formes
communément répandues de torture et de mauvais traitements, telles que
les coups sur les parties génitales, la plante des pieds et les autres
parties sensibles du corps, l’asphyxie plus ou moins prolongée, la
position inconfortable dont la station debout, le prisonnier restant
attaché à un poteau ou gardé dans une cour pendant des jours,
l’exposition à des températures extrêmes, la privation de nourriture, la
privation de sommeil, l’isolement dans des espaces étroits pendant de
longues périodes, l’interdiction d’aller aux sanitaires,
l’encapuchonnement avec des sacs puants, les menaces de mort et
d’emprisonnement sans inculpation ni jugement. Différentes combinaisons
de ces formes de torture et de mauvais traitements ont été utilisées par
le SSG et les enquêteurs de l’armée dans les sept interrogatoires
décrits, conduits dans différents lieux géographiques en Cisjordanie et
dans la bande de Gaza. Les établissements en cause sont : deux prisons,
un centre d’interrogatoire appartenant à un complexe militaire, un poste
de police, et trois centres de détention militaires.
Les témoignages sous serment, cités ci-dessus, font
apparaître une standardisation de pratiques particulières. La
standardisation est encore plus évidente à l’examen détaillé d’un grand
nombre de cas. La grande extension de la torture, telle qu’elle est
révélée par l’étude, ainsi que les témoignages montrent que les
directives promulguées par la commission Landau ont été suivies. Les
conclusions de l’enquête de la police israélienne sur l’interrogatoire
de Mustafa Akkawi, le 4 février 1992, dans l’unité d’interrogatoire de
la prison de Hébron suggère immanquablement ce fait.
Dans ce dernier cas, différents responsables israéliens -
dont un enquêteur - reconnurent publiquement avoir battu M. Akkawi,
l’avoir gardé assis, la tête couverte et les menottes aux poignets, dans
une température proche de zéro, et ce pendant des heures, de l’avoir
enfermé dans un espace étroit d’un mètre sur deux, et de ne pas lui
avoir assuré d’examen médical par un médecin comme il était demandé par
un juge du tribunal militaire israélien. A ces aveux s’ajoutèrent les
résultats de l’autopsie attestant que l’usage de la torture et des
mauvais traitements avaient causé une attaque cardiaque et la mort de
M. Akkawi.
Néanmoins, une enquête israélienne menée par la Section des crimes
graves de la police conclut que la mort de M. Akkawi n’était pas due à
un acte criminel. Le SSG, selon l’opinion du ministre de la Police,
Ronnie Milo, « a agi comme il devait, et il n’existe aucun fondement aux
plaintes et aux accusations contre lui ». Ainsi, les méthodes
d’interrogatoire du SSG, qui ont été considérées comme admises dans le
cas Akkawi, qui, pourtant, comportait bien des pratiques énumérées plus
haut, semblent appartenir clairement aux formes de « pression physique
modérée » définies par la commission Landau. Plus encore, la conclusion
faite par la police israélienne, selon laquelle il n’y avait aucun
fondement aux plaintes, fait référence à une définition de la torture
qui admet des techniques d’interrogatoire illégales. Dans l’ensemble,
les documents fournissent la preuve définitive de la sanction accordée
par les responsables israéliens à la pratique de la torture et des
mauvais traitements quand ils sont infligés aux Palestiniens en
détention pendant l’Intifada.
REMARQUE FINALE
Le droit absolu de toute personne à être protégée contre
la torture est garanti par la coutume et les conventions
internationales et par les lois de la quasi-totalité des États membres
de la communauté internationale. Les pratiques rapportées longuement
ci-dessus correspondent à la torture telle qu’elle est définie par « la
Convention contre la torture et autres cruautés, contre la punition ou
le traitement inhumains et dégradants », ratifiée par Israël en octobre
1991. L’article 1 de la Convention définit la torture comme un acte
intentionnel effectué par une personne, agissant en qualité officielle,
et visant à infliger une douleur extrême et des souffrances - soit
mentales soit physiques - en vue de soutirer des informations,
d’infliger des punitions, de pratiquer la discrimination ou
l’intimidation. Il est clair que les exemples décrits ci-dessus
impliquent l’imposition de telles douleurs. Puisque les responsables
israéliens provoquaient délibérément une douleur extrême en vue
d’obtenir des informations, l’utilisation de la force constitue de façon
indéniable une torture.
Revue d’études Palestiniennes - n°44 Eté 1992