Nour Joudah - E.I
J’ai grandi avec deux récits, deux Histoires, et à bien des égards deux pays.
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Les Freedom Riders palestiniens ont été arrêtés alors qu’ils contestaient le système israélien d’apartheid - Photo : Ahmad Gharabali/AFP
De l’âge de 5 à 21 ans, j’ai parcouru et aimé les
collines du Tennessee où je vivais. Mais, dans ces mêmes années si
formatrices, j’ai vécu suspendue aux informations, suivant avec
impatience les événements de ma patrie, la Palestine occupée.
J’ai été inspirée par des modèles et des historiens qui
m’ont instruite avec des histoires de luttes pour la justice. Notre
voisin, M. Miller, me disait des récits d’un Tennessee et d’un Sud que
je n’ai jamais vus : le Sud des lois Jim Crow [surnom donné à tout un
ensemble de lois et arrêtés racistes et ségrégationnistes - N.d.T]. Il
m’a raconté des histoires d’afro-américains attaqués par des émeutiers
alors qu’ils passaient sur des chemins de campagne la nuit, d’écoles et
de villes séparées, de lignes rouges et de ghettos, et surtout, d’hommes
et de femmes pleins de courage qui se dressaient contre la
discrimination flagrante des lois Jim Crow.
Ces récits me ramenaient chez moi, et j’écoutais ce que
me disait mon père sur l’occupation israélienne de la Palestine. Ses
récits étaient remplis d’attaques de colons contre des villageois
palestiniens, de checkpoints interdisant les déplacements, de routes et
de terres réservées aux seuls Juifs, et plus important encore, il me
parlait de ces hommes et femmes pleins de courage qui continuent de
s’opposer à l’injustice si évidente d’un système illégal et injuste de
discrimination.
Il ne fallut pas longtemps avant qu’il ne devienne
difficile de les distinguer, ces récits faisant écho aux mêmes défis et
aux mêmes objectifs. Cette semaine, mon histoire personnelle et celle de
ma patrie ont fusionné d’une nouvelle manière.
Apprendre de l’Histoire
Hier, les Freedom Riders palestiniens ont fait renaître le mouvement civique des Freedom Rides
du sud des Etats-Unis en empruntant des transports publics réservés aux
Israéliens en Cisjordanie pour se rendre à Jérusalem-Est sous
occupation.
En s’opposant de façon non-violente au système de
ségrégation et d’apartheid qui régit leur vie, les Palestiniens, déjà
enracinés dans une longue histoire de résistance qui leur est propre (en
particulier la mémoire de la populaire et surtout non-violente première
Intifada), ont repris une page de l’histoire d’un autre mouvement pour
les droits civiques qui luttait pour la justice et la liberté.
Certains dans le camp israélien pour la paix ou à
Washington, les partisans de ce que l’on appelle le processus de paix,
vont dire que ce n’est pas la façon de faire. Ils feront écho à ceux qui
étaient du mauvais côté de l’histoire. Les Freedom Riders
américains non seulement ont défié les lois Jim Crow et leur
ségrégation, mais ils ont aussi défié de nombreux libéraux blancs et les
conseils de citoyens blancs pour qui leurs actions étaient trop
provocantes et arrivaient bien sûr trop tôt.
Le président Barack Obama a la semaine dernière honoré et remercié les Freedom Riders
pour leur courage et leur dévouement il y a cinquante ans. Dans son
discours du Caire en 2009, il a voulu encourager des initiatives
similaires et non-violentes palestiniennes. Obama a maintenant une
occasion en or d’envoyer un message fort au reste du monde, en exprimant
un soutien solide - plutôt que de garder le silence qu’il a gardé
depuis 2009 - aux les efforts des Freedom Riders palestiniens qui s’opposent tous les jours à la ségrégation et à la discrimination.
Vingt ans après le processus de paix d’Oslo, il est
clair que la négociation avec Israël n’a pratiquement rien amené de
positif. Les colonies israéliennes illégales ont plus que doublé, le Mur
en Cisjordanie a été construit (enracinant efficacement l’apartheid),
et les déplacements continuent à être fortement limités. Ce qui est
nécessaire, ce n’est pas de parler davantage avec celui qui reste
intransigeant ; ce qu’il faut, c’est la résistance civile.
Prendre un risque pour la liberté
Les Freedom Riders américains ont commencé leur campagne
en sachant qu’ils allaient être arrêtés, ou pire, battus jusqu’à
risquer de perdre leur vie. Ils ont pris une décision : « Jail no Bail »
[jeu de mots voulant dire « plutôt la prison que la liberté sous
caution » - N.d.T]. Les gens ont pensé qu’ils étaient fous, mais ils ont
continué leur route pour la liberté et malgré les arrestations et les
violences, ils se sont imposés.
De même, les Freedom Riders
palestiniens ont reconnu que leur refus du système d’apartheid imposé
par Israël est dangereux, et en fait, un acte où ils risquent leur vie.
Ils étaient durant les voyages sous la menace de la violence des colons
israéliens et sous la menace d’arrestation et de mauvais traitements par
les forces israéliennes d’occupation. Ils sont pourtant restés fidèles à
leur acte de désobéissance civile non-violente.
Le bus était encerclé par des soldats qui réclamaient des Freedom Riders qu’ils descendent de l’autobus. Après avoir refusé, les six Ridesr
ont été traînés hors de l’autobus, un par un - ils scandaient alors des
slogans, dont « Boycott Israël », « Free Gaza » et « Je suis un Freedom Rider Palestinien et je veux aller à Jérusalem ». Un journaliste et un militant palestinien ont également été arrêtés au checkpoint.
Dans les années 1960 aux États-Unis, le dicton était :
« Nous vaincrons ». En Palestine, nous disons « Samidoon », ou « Nous
sommes inébranlables. » C’est le courage, la persévérance, la force et
un sens profond de la justice qui lient les luttes pour les droits
autour du monde. Le Sumoud, ou la constance, chère
aux Palestiniens et qu’il est difficile de bien traduire n’existe pas
seulement chez eux. Il s’agit d’une racine commune à partir de laquelle
les opprimés tirent leur inspiration et renforcent leur solidarité.
A ceux qui étaient contre l’injustice dans les années
1960, et qui sont fiers de ce moment dans l’histoire humaine, le temps
est venu d’élever votre voix à nouveau aujourd’hui - cette fois pour
réclamer justice pour les Palestiniens et mettre fin à la discrimination
israélienne.
La route de la liberté est longue et change tous les
jours. Mais c’est aussi un voyage qui ne connaît pas de frontières
géographiques - que ce soit dans le Sud des lois Jim Crow ou en
Palestine sous occupation et soumise à l’apartheid.
* Nour Joudah a grandi à Clarksville, Tennessee. Elle est diplômée en études internationales au Maryville College, et elle est actuellement candidate à une maîtrise au Centre d’études arabes et contemporaines à l’Université de Georgetown.
16 novembre 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...Traduction : Naguib