samedi 2 avril 2011

Israël impose à un village de Cisjordanie un siège comme celui de Gaza

publié le vendredi 1er avril 2011
Nora Barrows-Friedman

 
Depuis le 24 mars les forces israéliennes ont bouclé le village de Beit Ommar, en Cisjordanie occupée, pour une durée indéterminée tandis que les soldats continuent à arrêter les jeunes Palestiniens qui y vivent et à les emprisonner dans des centres de détention israéliens.
Dans une manoeuvre qui ressemble au blocus économique de la bande de Gaza occupée, qui dure depuis 4 ans, les soldats israéliens ont fermé les 6 entrées de ce village de 17000 habitants. Ils ont imposé une politique qui interdit globalement toutes les exportations et importations importantes du village –y compris le fuel, les marchandises, les matières premières industrielles et les approvisionnements de base. Les ambulances non plus n’ont pas le droit d’entrer dans le village ni d’en sortir. Les bouclages et arrestations font suite à l’attaque audacieuse d’un cortège funèbre par un colon le 21 mars.
Le colon a arrêté sa voiture sur la Route 60 (l’autoroute qui relie Jérusalem aux colonies de la région d’ Hébron) alors qu’une foule endeuillée se dirigeait vers le cimetière du village. Il a commencé à tirer à l’aveuglette, à balles réelles, blessant deux Palestiniens, d’après le PSP (Palestine Solidarity Project) qui est basé à Beit Ommar.
"Le colon qui a blessé les deux homme n’a pas été arrêté," selon PSP ("Two Palestinians Injured as Settler Opens Fire on Funeral Procession in Beit Ommar," 21 March 2011).
"Les forces israéliennes sont arrivées sur les lieux et ont utilisé des bombes sonores et des bombes lacrymogènes pour disperser la foule qui s’était rassemblée tandis que les équipes médicales évacuaient les blessés," toujours selon le rapport.
L’attaque s’inscrit dans une forte éruption de violence contre les Palestiniens de la part des colons, dans l’ensemble de la Cisjordanie dont Jérusalem-Est. widespread spate of settler violence against Palestinians throughout the occupied West Bank including East Jerusalem. Les colons ont continué à mener des attaques cette semaine. Selon le réseau Palestine News, des colons israéliens ont attaqué des Palestiniens à Ramallah, Jenine et Hébron les 30 et 31 mars ("Daily Roundup : Settler Attacks in Ramallah, Jenin ; Three-year-old Hit by Settler Car ; Four Arrested," 31 mars 2011).
Après l’attaque menée par ce colon contre le cortège funèbre, les forces israéliennes ont bouclé l’entrée principale de Beit Ommar, tandis que les forces spéciales investissaient le village et tiraient des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, avant d’arrêter trois Palestiniens du village, d’après PSP le 25 mars ("Three Beit Ommar Residents Arrested As Israeli Forces Close Village Streets"). Le jour suivant, les six entrées du village furent fermées et le restent depuis. Le 26 mars, les habitants de Beit Ommar et les militants de la solidarité internationale ont organisé des manifestations pour protester contre les bouclages et les punitions collectives.
Le soir du 27, quinze jeunes Palestiniens ont été arrêtés. Ils sont toujours détenus dans la base militaire qui se trouve à côté de la colonie de Gush Etzion. Parmi les quinze, sept ont moins de 18 ans. [1]
Quelques heures plus tard, toujours selon PSP, les soldats israéliens ont " tiré des gaz lacrymogènes et des balles réelles contre des villageois qui tentaient de passer à pied les barrages routiers afin de monter dans les taxis et les bus qui attendaient de l’autre côté. Les soldats ont refusé de laisser qui que ce soit sortir de Beit Ommar jusqu’à leur départ environ une heure et demi plus tard" ("15 Beit Ommar Residents Arrested as Closures, Army Harassment, Continue," 28 March 2011).
Yousef Abu Maria, coordinateur du Centre pour la Liberté et la Justice à Beit Ommar (CFJ), a déclaré à Electronic Intifada que le bouclage illimité imposé au village avait déjà créé une crise économique pour ses 17000 habitants pendant la dernière semaine.
"Les usines industrielles de Beit Ommar sont effectivement fermées," déclare Abu Maria. "Aucune matière première n’a été importée et la station service fermera bientôt parce qu’il n’y a plus assez de carburant. Il est difficile de trouver les produits essentiels au village actuellement."
Ahmed Oudeh du PSP et le CFJ affirment à The Electronic Intifada que les fermiers du village, qui dépendent de l’exportation de leurs produits vers les villes avoisinantes, seront confrontés à une situation financière très difficile si le blocus est maintenu. De plus, les femmes enceintes et les personnes qui ont besoin de soins médicaux ne peuvent se rendre à l’hôpital car la politique de bouclage s’applique aussi aux ambulances.
Electronic Intifada a été témoin de l’interdiction qu’une ambulance du Croissant rouge palestinien passe l’entrée principale de Beit Ommar. Elle a dû trouver un chemin à travers champs pour sortir du village. Selon Oudeh, cela peut prendre jusqu’à une heure et demi pour se rendre à l’hôpital à Hébron.
C’est en violation du droit international – comme le souligne la Quatrième Convention de Genève — que les militaires israéliens empêchent les ambulances d’avoir accès aux personnes qui ont besoin de soins médicaux et de les transporter. Abu Maria ajoute qu’il est difficile pour les enseignants qui travaillent dans le village d’accéder à Beit Ommar et d’en partir, puisque les routes sont fermées et que les bus et les taxis sont forcés à faire demi tour par les soldats postés aux entrées du village.
"Les travailleurs qui travaillent à Hébron ou dans le village voisin de Saffa, en souffrent aussi directement," dit Abu Maria . "Ils ne peuvent pas sortir du village avec leurs voitures, ni y entrer, et beaucoup d’entre eux n’ont pas assez d’argent pour payer le taxi pour aller au travail et en revenir. [Cette politique est] une punition collective des gens de Beit Ommar."
Pendant ce temps, une nouvelle section de la colonie d’ Efrat, de l’autre côté de la Route 60, est en construction selon une nouvelle carte élaborée par les militaires que CFJ a pu se procurer. Beit Ommar est entouré de plusieurs colonies illégales qui font partie du bloc de colonies de Gush Etzion au sud-ouest de la Cisjordanie.
Abu Maria affirme que les militaires israéliens prévoient d’ériger une barrière autour du village et qu’ils déplaceront l’entrée principale vers l’intérieur de Beit Ommar afin de protéger les colons sur la route. Mais l’objectif principal des bouclages actuels est de "prendre davantage de terre et d’étendre les colonies," dit-il.
Naama Hassan Sleibi, 65 ans, habitante de Beit Ommar, a déclaré à Electronic Intifada qu’elle et son mari sont fermiers depuis toujours mais qu’ils continuent à perdre de leur terre car la colonie voisine de Karmei Tsur s’étend. "Notre terre est vide, et ne produit rien," dit-elle. "[L’expansion des colonies] est une perte énorme pour les fermiers."
Depuis des années, les habitants de Beit Ommar sont engagés dans des actions résolues de désobéissance civile contre les colonies envahissantes et la politique de confiscation de la terre. Abu Maria explique que l’intention d’Israël d’ imposer les bouclages et le contrôle des déplacements des villageois vise en partie à briser la résistance déterminée de Beit Ommar.
"Dans[le village voisin de] Saffa, près de la colonie de Bat Ayn, nous plantons des oliviers," dit-il. "Les militaires israéliens disent que nous en pouvons pas planter là-bas mais nous continuons. Ils ne réussiront pas à nous arrêter."
Alors que les bouclages continuent à paralyser la vie des gens de façon très générale, Sleibi affirme qu’elle est surtout préoccupée par les jeunes de Beit Ommar. "[Les soldats israéliens] viennent tout le temps arrêter des jeunes," dit-elle.
Il y a plusieurs jours, Sleibi devait se rendre à hôpital à Hébron pour des soins médicaux de routine mais les soldats israéliens le lui ont interdit. "Nous n’y pouvons rien," dit-elle. "C’est un colon qui a attaqué le cortège funèbre, mais ce sont les gens de Beit Ommar qui en paient le prix."
[1] Les militaires n’ont donné aucune raison pour expliquer leur arrestation et leur détention, d’après PSP.
Nora Barrows-Friedman est une journaliste indépendante. Elle écrit pour The Electronic Intifada, Inter Press Service, Al-Jazeera, Truthout ...
publié par Electronic Intifada
traduction : CL, Afps