vendredi 6 août 2010

Tout compte fait, Israël a ses réponses...

Par Émile Khoury | 06/08/2010
Des sources politiques estiment qu'Israël a provoqué délibérément l'armée libanaise pour tester ses capacités de réaction, mais aussi pour voir si elle allait s'effacer devant la Résistance. Auquel cas, Israël aurait pu en prendre prétexte pour attaquer le Liban, la confrontation avec une milice le légitimant bien mieux que l'affrontement avec une armée régulière. Mais cette fois, il y a eu prompte riposte et engagement, avec des morts des deux côtés. Car l'enjeu était non pas de défendre un arbre, mais de porter un coup d'arrêt aux violations israéliennes de la 1701 et de la souveraineté libanaise.
Cependant, l'incident apporte un important éclaircissement nouveau. La Résistance s'est tenue de côté, laissant l'armée et la Finul traiter l'incursion israélienne. Et le secrétaire général du Hezbollah a précisé que « la Résistance s'est mise à la disposition de l'armée, après des contacts avec les trois présidents et avec le commandement de l'armée durant la confrontation à Adaïssé. » D'où l'on pourrait conclure que le Hezbollah se plie à l'ordre d'État républicain. Sauf que Hassan Nasrallah s'est hâté de prévenir que « la Résistance ne restera plus passive à regarder l'armée se faire bombarder par l'ennemi sioniste. Elle ne restera ni muette ni rangée en cas de nouvelle agression. Toute main qui tenterait de frapper l'armée libanaise, la Résistance la coupera ».
Il reste qu'en déclarant mettre ses forces à la disposition de l'armée, Nasrallah répond favorablement à la proposition du président Michel Sleiman, avancée devant le comité de dialogue, que la Résistance soit prête à soutenir l'armée et les FSI quand cela lui est demandé. Ce qui signifie que la décision de guerre et de paix revient à la seule autorité politique. L'armée devant en exécuter les ordres, en restant juge de la nécessité, ou non, de se faire aider par la Résistance.
Le sayyed rejoint également, à mi-chemin, le 14 Mars qui, cessant de réclamer la remise de l'armement du Hezbollah à l'État ou l'intégration de ses hommes à l'armée, se contente désormais de demander que le recours à l'arsenal du parti soit sous supervision de Yarzé. Quand le commandement juge avoir besoin d'un tel soutien. Une option dégagée pour faciliter un accord sur une stratégie de défense ou sur une stratégie de libération, comme Nasrallah veut la nommer.
Quoi qu'il en soit, l'incident de Adaïssé a mis en relief la capacité et le courage de l'armée libanaise, déterminée à tout sacrifice pour protéger les frontières de la nation. D'où un rassemblement massif, unanime, du peuple dans toutes ses composantes, autour de l'institution militaire. L'armée a prouvé qu'elle est le premier défenseur du Liban, d'autres concours ou rôles n'intervenant que selon les circonstances et les besoins. Pour rester dans l'ordre normal des choses : c'est aux forces régulières de l'État qu'incombe la responsabilité de toute sécurité et de toute stabilité, sur tout le territoire national. Qu'il s'agisse de la protection des frontières ou de la paix civile.
Il faut cependant relever que la Résistance a montré un sens élevé de la responsabilité, en refusant d'offrir à Israël, sur un plateau d'argent, un prétexte en or pour attaquer de nouveau le Liban. Elle s'est gardée d'intervenir, tout en précisant qu'elle reste à la disposition de l'armée. Cette attitude devrait faciliter la conclusion d'un accord sur la stratégie de défense en comité de dialogue, les positions se trouvant unifiées face à l'ennemi israélien. Du même coup, l'unité et la stabilité nationales s'en trouvent confortées.
Sur un autre plan, l'accrochage entre l'armée libanaise et les Israéliens entraîne des interrogations sur le rôle, et sur le comportement, de la Finul. Que signifie la reconnaissance, après les agressions qu'elle avait subies, de sa liberté de mouvement ? Elle aurait dû pouvoir entrer en jeu avant que rien n'arrive, pour prévenir des échanges de tirs qui ont fait des victimes et des blessés. Il aurait fallu l'avertir préalablement de tout mouvement, pour qu'elle arbitre tout conflit sur une zone contestée, au-delà ou en deçà de la ligne bleue dont elle a la charge. Pense-t-on la confiner dans un rôle de go between, de simple facteur, entre Libanais et Israéliens ? La mission que le Conseil de sécurité lui a confiée va bien plus loin, puisqu'elle doit veiller à soutenir en même temps la légalité libanaise, en partenariat avec l'armée, et l'application de la 1701.