jeudi 24 juin 2010

L’affaire des navires humanitaires à destination de Gaza continue d’embarrasser le pouvoir

24/06/2010
De dossier conflictuel en dossier conflictuel... À chaque fois que le gouvernement colmate une brèche pour éviter un dérapage quelconque, politique ou sécuritaire, il se trouve rapidement confronté à un nouveau problème explosif. Depuis quelques jours, c'est l'affaire des deux navires humanitaires, Mariam et Nagi el-Ali, que des militants et militantes libanais se proposent d'envoyer à Gaza pour briser le blocus israélien, qui focalise l'attention des milieux officiels, aussi bien locaux que régionaux et internationaux. Car ce double projet d'expédition risque de déraper rapidement et de déboucher sur une situation régionale incontrôlable, si rien n'est fait dans les délais les plus brefs pour désamorcer la situation.
Israël a annoncé la couleur en soulignant sans ambages qu'il aura recours à tous les moyens possibles pour empêcher les deux navires d'accoster à Gaza, faisant assumer au gouvernement libanais la responsabilité de tout développement fâcheux qui risquerait de se produire. Pour faire face à la situation, le gouvernement s'est rabattu sur une solution à « la libanaise » : il refuse d'autoriser le départ des bateaux pour Gaza - région considérée en territoire ennemi -, mais a donné son feu vert à un départ pour Chypre, sachant bien, sans doute, que les autorités chypriotes refusent de donner leur autorisation à un appareillage à destination de Gaza...
Il reste que la tension provoquée par cette affaire est jugée suffisamment grave pour que certaines chancelleries occidentales expriment des craintes quant à la sécurité des Casques bleus européens de la Finul en poste au Liban-Sud. Car le problème des navires humanitaires se complique du contentieux, plus global et stratégique, portant sur le programme nucléaire iranien, plus particulièrement à la lumière des sanctions imposées à l'Iran par le Conseil de sécurité, ainsi que, parallèlement, par l'Union européenne et les États-Unis. Cette conjoncture complexe ainsi créée, de manière concomitante, par l'affaire des bateaux et par le dossier des sanctions contre l'Iran accroît sensiblement les risques de dérapage sécuritaire au Liban-Sud, au niveau des contingents européens de la Finul. D'où l'embarras évident des autorités libanaises qui tentent d'apaiser les inquiétudes européennes en donnant des assurances aux dirigeants français, espagnols, italiens et allemands, dont les forces armées participent à la force onusienne déployée au sud du Litani en application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
Ces inquiétudes sont relativisées par certains milieux locaux qui affirment qu'au stade actuel, ni l'Iran, ni la Syrie, ni le Hezbollah ne semblent vouloir s'engager dans une aventure dont les conséquences sont difficilement prévisibles. Preuve en est que les autorités iraniennes ont ajourné en début de semaine le départ pour Gaza de deux navires iraniens qui devaient transporter une aide à la population palestinienne. Cette position iranienne a sans aucun doute facilité la tâche au gouvernement libanais qui bénéficie ainsi d'une plus grande marge de manœuvre lui permettant de calmer les ardeurs des militants qui envisagent de faire le voyage vers Gaza. Et selon certaines informations, même le Hezbollah n'aurait pas manifesté un trop grand enthousiasme au sujet du projet d'envoi des deux navires humanitaires, soulignant en tout cas publiquement qu'il n'était nullement impliqué dans ce projet.
Parallèlement, les autorités turques - qui furent les initiateurs de la « flottille de la liberté » ayant enclenché toute l'affaire des navires humanitaires - ont, elles aussi, adopté ces derniers jours un profil bas, facilitant d'autant la tâche des responsables libanais.
C'est dans ce contexte particulièrement tendu et complexe que le département d'État américain a appelé hier à la « responsabilité » de toutes les parties afin d'éviter que le projet d'appareillage de deux navires vers Gaza à partir du Liban ne débouche sur un dérapage sécuritaire. Dans un communiqué de presse, le département d'État a souligné que ceux qui désirent acheminer une aide à la population palestinienne peuvent le faire à travers les « canaux établis » à cette fin.