mercredi 7 avril 2010

Quand les dirigeants palestiniens dirigent

publié le lundi 5 avril 2010

Sami Awad

 
Les Palestiniens veulent des dirigeants qui sont prêts à diriger, en première ligne, le nouveau mouvement de résistance populaire qui s’étend.
Depuis des années les Palestiniens se sont lancés dans des actions non violentes afin de résister à l’occupation militaire israélienne et sa politique de violences et d’humiliation qui vise à détruire la volonté des Palestiniens de chercher à réaliser leurs aspirations légitimes.
Des villages et des communautés protestent depuis des années de façon non violente, chaque semaine, voire chaque jour.
Ils protestent contre le vol de leurs terres qui sont utilisées pour la construction du mur de séparation illégal et pour les colonies illégales. De Budrus à Bilin, Ma’sara, ou à Gaza nous avons été témoins d’actions qui non seulement étaient une résistance à l’occupation mais qui révélaient aussi sa brutalité à la communauté internationale et même à la société israélienne.
Ce furent toutes des actions fortes et de nombreux manifestants furent arrêtés, blessés ou assassinés pour la Palestine et la non violence.
Où étaient donc les dirigeants palestiniens élus pendant ces manifestations ?
De temps en temps un dirigeant ou un responsable palestinien venait participer à l’action. Ils arrivaient, vêtus de costumes coûteux, dans des Mercedes à air conditionné, accompagnés de gardes du corps qui recherchaient les médias afin qu’ils fassent des interviews et non parce qu’il y avait le moindre risque pour le responsable. Après deux ou trois interviews, quand les manifestants commençaient à former le cortège, on se retournait et on voyait l’arrière de la Mercedes qui s’en allait. Pour quelque étrange raison, des réunions importantes avec les hauts responsables politiques étaient programmées à l’heure juste où la manifestation commençait !
Le manque d’implication de la direction, ou un investissement symbolique et limité , ont fait qu’ un fossé s’est creusé entre les gens et les élus. Y avait-il un agenda caché ? De quoi ont-ils peur ? Est-ce qu’ils sont seulement venus pour les caméras ? Ou bien même pour faire obstacle à l’action ? Voilà les questions qui étaient toujours posées.
Qui a besoin de dirigeants qui ne sont pas prêts à monter au front quand leur peuple souffre ? Les dirigeants sont supposés diriger, être en première ligne, sans costumes et sans gardes du corps, pas des VIP. Ils sont supposés aller vers l’inconnu et mettre tout ce qu’ils possèdent en jeu, y compris leur vie, pour défendre ceux qu’ils représentent.
Des dirigeants dirigent et ne sont pas les premiers à battre en retraite. Et c’est ce que nous commençons à voir.
Des dirigeants palestiniens, enlevant vestes et cravates, tiennent à mener les manifestations non violentes. Ils sont prêts à s’enchaîner à des oliviers qui vont être déracinés, prêts à se tenir par la main avec d’un côté un vieux fermier palestinien et de l’autre un militant international de 20 ans aux cheveux bleus. Formant une chaîne en se tenant par les bras, ils exigent de traverser un point de contrôle de l’armée, et ils sont prêts à être frappés et arrêtés quand ils défendent une maison qui va être démolie. Les dirigeants qui sont de véritables dirigeants, complètement acquis à la non violence sans qu’il y ait le moindre intérêt politique ou personnel, savent que c’est comme ça que nous réaliserons notre rêve, même si c’est au prix de leur vie.
Je ne mentionne pas de noms dans cet article car tout dirigeant palestinien qui le lira saura dans quelle catégorie il se trouve. Nous, Palestiniens, demandons à ceux qui ne voient pas le sens véritable du leadership de revoir leur position. En deux mots, nous ne voulons plus que nos dirigeants aient des titres s’ils ne sont pas disposés à diriger. Le peuple de Palestine a connu un véritable leadership. Il ne veut plus de dirigeants pleins de belles paroles et de slogans, car ils en ont plein les oreilles. Les Palestiniens veulent des dirigeants qui sont prêts à diriger, en première ligne, le nouveau mouvement de résistance populaire qui s’étend. Dirigez en Palestiniens ou partez, que d’autres s’en chargent.
When Palestinian leaders lead by Sami Awad 3 avril 2010
publié par le Palestine Telegraph
traduction et choix de photo (manifestation à Nil’in le 12 12 2008) : C. Léostic, Afps