samedi 6 mars 2010

Le retour attendu du dialogue met Washington sous pression

06/03/2010
La mission US sera compliquée par le délai-limite de quatre mois assigné aux négociations indirectes, qui coïncide avec la fin du moratoire limité de la colonisation offert par Israël.

La reprise en vue d'un dialogue indirect entre Israël et les Palestiniens récompense les efforts de l'administration Obama, désormais sous pression pour faire progresser le processus de paix. « Nous avons travaillé dur depuis des mois pour créer le genre de soutien politique dont les parties auront besoin pour prendre la décision de participer à des discussions », s'est félicité Philip Crowley, le porte-parole du département d'État, après l'annonce décisive que la Ligue arabe soutiendrait un retour aux négociations.
L'émissaire américain George Mitchell s'est déjà mis en route pour la région, où il doit mener des consultations pendant le week-end et lundi. Quand le dialogue indirect sera formellement accepté par les deux parties, c'est lui qui servira d'intermédiaire. Son rôle ira en fait au-delà, affirme Amjad Atallah, un expert de la fondation New America : « Les États-Unis vont devoir être le catalyseur qui force les parties, qui dit à chacune : voici ce que vous allez devoir lâcher. » « L'administration a travaillé dur pour relancer les pourparlers israélo-palestiniens. Mais le défi de définir des objectifs concrets et pouvant être atteints dans ces discussions sera encore plus grand », prédit pour sa part Haim Malka, du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington. L'un des effets positifs du retour au dialogue, note un connaisseur du dossier, sera de mobiliser à nouveau l'attention de l'administration.
Le vice-président américain Joe Biden est ainsi attendu en Israël et dans les territoires palestiniens la semaine prochaine. De son côté, Hillary Clinton a, en accord avec son homologue russe Sergueï Lavrov, mis sur pied une réunion du quartette (États-Unis, Union européenne, Russie et ONU) le 19 mars à Moscou.
Sur le fond, le quotidien israélien Maariv avait dévoilé en janvier un nouveau plan de paix américain comprenant des lettres de garantie du président Barack Obama aux Palestiniens, et prévoyant un délai-limite de deux ans pour la négociation. Rien n'indique pour autant que les deux parties soient prêtes aux concessions de fond que Washington espère. Pour Nathan Brown, « la décision de la Ligue arabe d'appuyer le dialogue est un succès » pour l'administration Obama, « mais les ingrédients de base d'un progrès sont tout simplement absents ». « Organiser un dialogue, même indirect, entre des dirigeants palestiniens isolés et un gouvernement israélien penchant très à droite est une réussite, mais aucune des deux parties n'a la faculté de faire le moindre mouvement », poursuit cet expert de la George Washington University, qui qualifie l'effort américain de
« diplomatie pour faire de la diplomatie ».
Dans cette veine pessimiste, le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Roudeina, a expliqué cette semaine que le dialogue indirect permettrait de montrer à l'administration Obama qu'Israël n'a pas réellement l'intention de négocier. Israël, pour sa part, juge avec méfiance le soutien de la Ligue arabe aux négociations, de crainte que ce soutien ne lie les mains du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, estime une source diplomatique à Washington.
La mission américaine sera enfin compliquée par le délai-limite de quatre mois assigné aux négociations indirectes, qui coïncide avec la fin du moratoire limité de la colonisation offert par Israël. « Un échec serait très coûteux », juge en tous cas Amjad Atallah : « Le Hamas serait renforcé, les arguments contre une troisième intifada seraient affaiblis, et la Ligue arabe serait encore moins convaincue de la capacité des Américains à négocier un accord. »