jeudi 18 mars 2010

La chaussure israélienne a visé Biden

mercredi 17 mars 2010 - 05h:59
Marwan Bishara
Quand Israël a annoncé, pendant la visite du vice président étasunien, que 1600 nouvelles unités seraient construites à Jérusalem-Est, il renvoyait de façon brusque, mais prévisible à son propre agenda électoral.
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Joe Biden, fervent sioniste, a été ridiculisé par l’annonce israélienne. Mais les dirigeants américains avaleront sans problème cette nouvelle couleuvre...
Pauvre Joe Biden. Il était venu porter de bonnes nouvelles : les USA ont rejoint le bercail israélien et maintiendront leur présence au Moyen-Orient. Et qu’est-ce qu’ils obtiennent en échange ? Un soulier dans la figure..
Le ministre israélien de l’intérieur a lancé au vice-président, en visite à Israël, que 1600 nouveaux logements seraient construits dans les colonies de Jérusalem-Est, (apparemment une partie des 50.000 unités prévues à long terme), annonce qui a provoqué une tempête politique et une condamnation sans équivoque, menant à des excuses maladroites de la part du premier ministre.
À la différence de l’Irak, Israël n’est pas occupé par l’Amérique, mais l’administration d’Obama inquiète terriblement ses dirigeants.
L’apparente neutralité manifestée par le président des USA au début de la première année de son mandat, neutralité exprimée dans ses discours du Caire et d’Ankara, et la pression de son administration sur Israël pour qu’il gèle la construction de colonies illégales ont, à toutes fins utiles, anéanti les chances d’Obama auprès de la droite israélienne.
Pas étonnant que la popularité d’Obama en Israël soit parmi les plus basses du monde. Et sa position est encore pire parmi les partisans de la coalition de droite.
Politique tribale
Les membres les plus importants du cabinet Netanyahu , Eli Yishai, ministre de l’intérieur, et Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères, sont également les principaux extrémistes populistes du pays. Ils ont l’habitude de faire les déclarations les plus incendiaires, confinant parfois au racisme.
À la différence des politiciens traditionnels de l’establishment, comme Ehud Barak, militaire le plus décoré d’Israël avec 35 ans de service, ou Tzipi Livni, dirigeante de l’opposition et ancienne ministre des affaires étrangères, originaire des services de renseignements, les dirigeants de la nouvelle droite ont recours à une rhétorique extrémiste pour compenser leur bref passé sioniste.
Le parti Shas de Yishai, dont la base est sépharade (orientale), et le parti Yisrael Beiteinu de Lieberman, reposant sur des russes séculiers, sont engagés dans une bataille politique à somme nulle avec le parti Likud de Netanyahu pour rallier les électeurs de droite en Israël.
Depuis les années 80, Shas a complètement radicalisé sa rhétorique pour attirer de jeunes juifs séfarades.
C’est le virage à droite de cette communauté qui a préparé le terrain pour la première victoire du Likud aux élections en 1977.
Cela vaut également pour l’ascension de Yisraeli Beiteinu pendant les années 90. Ce parti a essayé de séduire plus d’un million d’immigrés russes afin de les tenir éloignés du parti travailliste ashkénaze traditionnel ou du Likoud populiste.
Ces deux grandes communautés israéliennes d’émigration plus récente, les juifs séfarades (dans les années 50) et les juifs russes (au cours des années 90), ont trouvé leur place dans la collectivité ashkénaze séculière dominante en insistant surtout sur leur variété de sionisme extrémiste.
Ces deux grandes communautés israéliennes d’émigration plus récente, les juifs séfarades (dans les années 50) et les juifs russes au cours des années 90), ont trouvé leur place dans la collectivité Ashkenaze séculière dominante en insistant surtout sur leur variété de sionisme extrémiste.
Leur extrémisme témoigne de leur qualité d’Israéliens ainsi que de leur sionisme. Embrasser le sionisme radical était pour les immigrés russes principalement séculiers une manière d’éviter les problèmes épineux du judaïsme religieux, tandis que les juifs séfarades ont adopté le sionisme populiste pour contourner l’établissement dominé par les Ashkénazes, à l’occasion racistes.
C’est pourquoi parfois - pour citer l’allié Henry Kissinger - il semble parfois qu’Israël n’a pas de politique extérieure, il a seulement une politique intérieure.
Mais pour reprendre Yossi Sarid, fin commentateur et ancien chef de l’opposition israélienne, ce qui ressemble au chaos en Israël, marche en fait comme sur des roulettes.
Votre amour, on n’en veut pas
C’est pourquoi, la gaffe politique apparemment mal venue était aussi prévisible que choquante.
Mais étant donné que les USA apprécient « Israël est comme aucun autre ami », pour citer le vice-président, ceci est vraiment de l’effronterie.
Biden peut expliquer tout qu’il veut au sujet de son sionisme catholique romain et de l’amitié et du soutien d’Obama à « l’Etat juif », mais les Israéliens ne marchent pas dans cette combine de « qui aime bien, châtie bien. » Foutaises, disent-ils !
Si l’administration d’Obama espère que le rapprochement avec Israël améliorera les chances des Démocrates de garder leur majorité au congrès, elle comprend maintenant que l’Israël a un agenda électoral différent du sien.
En attendant, les chefs de droite israéliens continuent à tirer profit du soutien militaire et de la présence des USA dans la région, tout comme ils profitent de l’hostilité croissante à l’encontre de Barack Hussein Obama, hostilité qu’ils alimentent.
Pour ce qui est de l’administration Obama, les Israéliens votent avec leurs chaussures. Allez comprendre !
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* Marwan Bishara est principal analyste politique sur le Moyen-Orient pour Al-Jazeera ; écrivain et journaliste palestinien, il est également chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et enseignant à l’Université américaine de Paris. Il a écrit : « Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid ? » paru aux Editions La Découverte
http://blogs.aljazeera.net/imperium...
Traduction : Anne-Marie Goossens
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8353