lundi 8 mars 2010

Gaza entre les Malouines et Guantanamo‏

Palestine - 07-03-2010
Par Badia Benjelloun 
Peut-on encore appeler un État une organisation mafieuse qui assassine, vole, escroque au nom d’une suprématie ethnique et religieuse où toute la moralité est fondée sur une arrogance élevée en principe éthique, la Shutzpah, et la conduite ajustée sur des normes alternant tromperies et menaces ? L’assassinat de Mahmoud Mahbouh du parti Hamas, à Dubaï en janvier dernier, n’a donné lieu à aucune protestation contre la pratique de l’assassinat comme méthode de gouvernement et d’élimination des opposants à ce régime colonial.

















Aucune voix audible ne s’est faite entendre parmi les défenseurs du droitdelhommisme qui hurlent de conserve quand il s’agit du Darfour érigé par les mouvements religieux juifs étasuniens comme leur cause nationale.
Silence éloquent.
Seul îlot de résistance à la complicité imprégnée de lâcheté ambiante, Carrickmacross, une petite ville irlandaise, a manifesté sa désapprobation du crime sioniste. Le conseil municipal a décidé de retirer la signature de l’ambassadeur de l’entité sioniste, Zion Evrony, du Livre d’Or de la ville. La mairie est dirigée par des membres du Sinn Fein, célèbre mouvement politique pour la résistance des catholiques contre la colonisation britannique de l’île.
Le très puissant et plus que centenaire Lobby sioniste au Royaume-Uni a obtenu que les vagues borborygmes de demande d’explications concernant l’usage de passeports de citoyens britanniques, dont tout porte à croire qu’ils l’ont été avec l’aide du MI 15, soient rapidement noyés dans le cliquetis des verres lors du cocktail réunissant à Bruxelles les ministres des affaires étrangères, le britannique David Miliband et l’immigré moldave Avigdor Liebermann. Lequel est par ailleurs poursuivi pour prévarications et trafic d’influence. Sans le Lobby, comment le chimiste Haïm Weizman aurait-il été transféré du département des explosifs de la Clayton Chemical Industrie vers la direction des laboratoires de l’Amirauté en 1916 ? Churchill en salaire anticipé a versé à Weizman pour la mise au point d’une arme de destruction massive qui ne vit jamais le jour la missive de Lord Balfour. Ce courrier, adressé en novembre 1917 au banquier Rothschild et connu sous la dénomination de Déclaration Balfour, devait être tenu par les sionistes comme le titre de propriété de la Palestine cédée par des Britanniques qui la convoitaient encore, alors que nous sommes encore loin de la fin de la guerre et du mandat.
Plus près de nous, le Lobby a mis en échec l’enquête diligentée par la Crown Prosecution Service qui poursuivait le collecteur de fonds pour le Labour Lord Levy. Ce Lord avait mis en vente aux enchères des titres de paierie en échange de prêts secrets qui ont permis au sioniste Tony Blair de prendre le pouvoir, d’appliquer sa politique néolibérale destructrice et ses ambitions impérialistes au service des conquêtes étasuniennes.
Toutes ces constructions se révèleront bientôt être des chimères soit des entités ontologiquement non viables Le Royaume-Uni connaît des difficultés à la fois politiques et financières inédites. Elles risquent de le ramener à ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, un ensemble d’îles aux ressources intrinsèques assez faibles et suffisamment étiques pour pousser à l’émigration ses ressortissants avant de se gorger des trésors de ses conquêtes impériales et de détourner, à son profit, avec les moyens militaires et les massacres que l’on sait, les trésors de l’Inde en particulier. Son rôle de vassal à l’égard du puissant du moment ne le met pas à l’abri des effets secondaires de sa propre politique instituant une absence de réglementation aux appétits des institutions financières.
Son niveau d’endettement et son déficit public rivalisent bien avec ceux de la Grèce, plus de deux fois la moyenne européenne, avec cette particularité que les ménages sont très exposés par un endettement engageant plus de 100% de leurs revenus. La livre sterling a été violemment attaquée cette semaine par les spéculateurs rendant encore plus coûteux le refinancement de la dette britannique auprès des marchés. L’ardeur à défendre cette anomie financière par l’ancien ministre des finances Gordon Brown devenue depuis Premier est à mettre en rapport avec le poids de la City dans le Produit Intérieur Brut ritannique, quelques 40%.
Cette instabilité économique est fortement liée aux incertitudes politiques qui pèsent sur l’avenir électoral immédiat au Royaume-Uni. Il apparaît maintenant certain qu’aucune majorité n’émergera d’entre les deux camps travailliste et conservateur, et il est envisagé pour la première fois un gouvernement d’union nationale qui relèguera aux oubliettes le balancement formel entre les deux partis qui a servi de cadre théâtral à la comédie de la démocratie représentative. Il est vrai que l’économie est une façon moderne, et en principe d’une violence invisible, de faire la guerre. L’Afrique en sait quelque chose.
Ainsi s’écroule toute la légende du modèle anglo-saxon de la modernité triomphante et de l’abolition des frontières sous l’égide de l’OMC brandie à la face sceptique des matérialistes qui conçoivent ‘archaïquement’ l’histoire évoluant sous la pression d’intérêts antagonistes.
Blair a eu beau expédier en premier des hoplites (1) anglais en premier en terre d’Irak, espérant des miettes de faveur de son suzerain, les US(a) n’ont que dédain pour leurs serviteurs zélés. Le Département de la Justice aux US(a) a ouvert à Washington le procès de BAE pour la plus grande affaire de corruption de la décennie en acceptant qu’elle plaide coupable. Un accord a été trouvé pour payer une amende de 400 millions de dollars par ce qui reste comme fleuron de l’industrie de défense britannique qui a une filiale importante aux US(a). Des marchés avaient été passés avec l’Arabie aux mains des Séoud, la Tchéquie, la Tanzanie en payant les responsables des achats de cadeaux convaincants, faisant entorse au dogme religieux de la concurrence libre et non faussée.
Ce procès vient à point nommé à la rescousse de la réputation très endommagée de Lockheed Martin empêtré dans ce qui va devenir la plus grande déroute technologique des US(a) avant son effondrement, le programme JF 35. Cela aura été le programme le plus cher et le plus inaccompli de ce que sera devenu le fameux Complexe militaro-industriel étasunien sous la protection du gargantuesque budget du Pentagone écroulé sous une bureaucratie qui n’a rien à envier dans son immobilisme et son inefficacité à la soviétique, morte des mêmes tares génétiques avant elle.
Le réarrangement des pays d’Amérique Latine sous une forme autonomisée des griffes du prédateur du Nord cette dernière décennie, avec une Bolivie et un Venezuela indépendants et gouvernés par des indigènes authentiques de cette terre, doit en grande partie sa relative stabilité à la résistance des peuples d’Irak, du Liban, de la Palestine et d’Afghanistan sur lesquels se concentre l’Armada occidentale.
Dans ce contexte, la prétention renouvelée du Royaume-Uni sur les îles Malouines n’a trouvé aucun écho comme soutien au Département d’État de Washington. Hillary Clinton a mission de ne pas froisser les électeurs catholiques latino-américains, singulièrement argentins, dont l’apport sera si crucial, lors des élections du midterm, à un parti démocrate en perte de vitesse face aux avancées des partisans du Tea Party. Ce mouvement hétéroclite né de la contestation d’un pouvoir central au service de Wall Street, populiste à souhait, devient la seule force d’opposition structurante du pays, avec comme programme une déflagration de la fédération.
Autrement dit, les embarras britanniques qui auraient bien eu besoin d’une petite victoire à peu de frais sur un État réputé du Monde Tiers n’encombreront pas l’agenda de Mme Clinton. Ils en auraient d’autant plus besoin que le Royaume de Sa Majesté est aspiré dans une spirale descendante depuis que le pétrole de la Mer du Nord, qui a servi de tremplin économique dans les années Tchatcher, a été calamiteusement asséché.
Ce n’est donc pas pour des raisons touristiques ou de défense de leur écosystème que Gordon Brown les revendique. Les îles Malouines en effet ont du pétrole dans leurs eaux territoriales.
Nous sommes loin des années quatre-vingt où le Royaume Uni pouvait projeter ses forces aériennes et navales, au besoin avec le soutien logistique discret et efficace des US(a), à des milliers de kilomètres de Londres. Tout le système de défense signifiant la souveraineté britannique a été sacrifié sur l’autel des special relationship. Il n’y aura certes pas de conflit armé avec l’Argentine pour cette raison et parce que les US(a) vont de plus en plus être soumis de par leur déliquescence économique patente et leurs échecs militaires en Irak, en Afghanistan et au Pakistan à l’inflexion des forces isolationnistes.
Ce type de leçon ne saura être entendu par les actuels dirigeants arabes qui soldent leur dignité pour une monnaie de singe en rencontrant leurs homologues autant corrompus qu’eux et tout aussi illégitimes de l’entité sioniste. La dernière offense en date de ce type est offerte à l’occasion de la visite du ministre des affaires étrangères de Bahrein aux membres les plus fanatiques de l’AIPAC à Washington.
Pourtant, l’assassinat de Mahmoud Mahbouh montre une fois de plus la collusion des Occidentaux qui n’en finissent pas de se lamenter sur leur grandeur coloniale passée confiant leur nostalgie à leur substitut et artefact de Tel Aviv.
Devoir déployer un commando de plusieurs dizaines d’individus qui a laissé autant de traces et régulé depuis un centre basé en Autriche pour assassiner un homme est un signe de sophistication et dans le même temps un lourd symptôme de fragilité. En cela, le mythe de la toute puissance du Mossad forgé a perdu de son efficacité dissuasive.
Gaza paie un très lourd tribut pour avoir joué le jeu démocratique qui lui a été imposé par les forces de l’Occupation. Gaza devient un équivalent de Guantanamo fiché au flanc des pays arabes et musulmans, plus muselés que musulmans.
Mais aussi un équivalent des îles Malouines en raison des réserves d’énergies fossiles sous ses eaux territoriales. L’offensive sur Gaza en décembre 2008-janvier 2009 programmée plus de six mois auparavant est venue au terme de négociations non abouties entre le régime de Tel Aviv et la compagnie BG britannique pour le forage et l’extraction de gaz au large de la côte de Gaza.
Les crimes commis sur la population incarcérée à Gaza ne nous hypnotisent pas au point de détourner notre attention de la globalité du programme sioniste. Nous sommes autant préoccupés par la judaïsation à marche forcée d’Al Quds et par les annexions rampantes des confettis résiduels laissés encore sous l’Autorité Palestinienne. Que celle-ci ait été mandatée depuis Oslo et payée comme l’alibi de négociations destinées à demeurer à jamais inachevées fait de moins en moins doute.
En effet pour quel mouvement de libération nationale l’occupé a pour rôle d’assurer la sécurité de son occupant et oppresseur ?
Badia Benjelloun
6 mars 2010