mardi 26 janvier 2010

« Discuter avec les Israéliens. Mais de quoi ? »

publié le lundi 25 janvier 2010
Serge Dumont

 
Alors que l’émissaire américain George Mitchell fait la navette entre Ramallah et Jérusalem, les leaders palestiniens ne cachent pas leur pessimisme sur l’évolution du processus de paix
« N’écoutez pas ce que disent les Israéliens. Regardez plutôt ce qu’ils font et vous comprendrez que la reprise du processus de paix est plus éloignée que jamais. » A l’instar du ministre palestinien des Négociations, Saeb Erekat, les responsables de l’Autorité palestinienne (AP) ne croient plus vraiment au dialogue de paix avec Israël. Du moins, pas tant que Benyamin Netanyahou sera le premier ministre de l’Etat hébreu et que sa majorité sera composée de partis d’extrême droite favorables à la poursuite de la colonisation.
Visite de George Mitchell
Car, sur le terrain, la construction se poursuit dans les implantations de Cisjordanie malgré le gel de dix mois proclamé le 29 novembre dernier par l’Etat hébreu. A Jérusalem-Est (la partie arabe de la ville annexée par Israël après la guerre de juin 1967), les projets de colonies juives se multiplient alors que la municipalité interdit les projets immobiliers destinés à la population palestinienne.
« Benyamin Netanyahou dit qu’il nous tend la main, mais pour discuter de quoi ? » interroge Salam Fayyad, le chef du gouvernement palestinien. Certes, pour l’heure, le président de l’AP Mahmoud Abbas refuse d’envisager un retour à l’action violente. Mais au sein de la direction du Fatah, son parti, des ­ « anciens » des deux Intifada commencent à hausser le ton. « Parce qu’Israël ne comprend que le langage de la force », selon eux.
Recevant l’émissaire américain pour la paix George Mitchell, le raïs palestinien a en tout cas confirmé dimanche son refus de s’asseoir à la même table que les dirigeants israéliens « tant que la colonisation se poursuivra ». En revanche, il n’a pas rejeté l’idée d’un sommet organisé en Jordanie ou en Egypte entre lui et le président israélien Shimon Peres, l’un des initiateurs du processus de paix d’Oslo (septembre 1993). Pour l’heure, cette nouvelle proposition américaine censée réinitialiser les contacts entre Israël et l’AP n’en est encore qu’à sa phase exploratoire, mais il se dit à Ramallah que des contacts informels ont lieu à ce propos avec Tel-Aviv.
Mais tout cela reste très vague. Au Département palestinien de la planification et des réformes administratives, Ali Jarbawi – un proche de Mahmoud Abbas – doute ouvertement de l’évolution positive du processus. « La paix, nous en avons parlé pendant presque dix après la signature des Accords d’Oslo. Pour déboucher sur quoi ? Sur un blocage total, nous déclare-t-il. Désormais, nous ne pouvons plus nous permettre de perdre du temps dans de telles péroraisons sans fin. Si Benyamin Netanyahou veut vraiment remettre les négociations de paix sur leurs rails, il doit énoncer les dossiers sur lesquels porteront les discussions et fixer une date limite de conclusion des débats. »
Deux Etats ?
Le pessimisme quant à l’évolution de la situation a manifestement gagné du terrain parmi les élites de l’AP. Recteur de l’université Al-Quds de Jérusalem-Est et intellectuel mondialement connu, Sari Nusseibeh a toujours soutenu la poursuite du dialogue avec Israël. Ce qui lui a souvent valu des critiques acerbes émanant de son propre camp. Pourtant, lorsque nous l’avons rencontré samedi, ce modéré semblait quelque peu désorienté : « Je voudrais tant que le processus de paix vive, mais il est au point mort. Comme beaucoup à Ramallah, j’en arrive à me dire que la solution dite de « deux Etats pour deux peuples vivant en paix côte à côte » n’est peut-être pas la bonne. Et qu’il faudrait envisager autre chose. Peut-être une fédération de communautés différentes comme en Belgique. Ou une confédération comme en Suisse, pourquoi pas ? En tout cas, il nous faut trouver des alternatives au blocage actuel. Notre imagination doit fonctionner à plein régime si nous voulons, à terme, éviter un nouveau bain de sang. »