mardi 17 novembre 2009

Abbas au pied du mur

lundi 16 novembre 2009 - 08h:28

Saleh Al-Naami - Al Ahram weekly

« Si Abbas est si choqué par l’insistance d’Israël sur les colonies, pourquoi continue-t-il à prendre pour cible les mouvements de résistance en Cisjordanie tout en poursuivant sa collaboration avec l’armée israélienne ? »

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Beit Furik - Cisjordanie sous occupation - Photo : AP/Majdi Mohammed

Les conseillers du président Mahmoud Abbas se sont répandus dans les médias arabes pour inverser l’impression générale que l’annonce faite par le président de son « inclination » à démissionner n’était qu’une manoeuvre visant avant tout à faire pression sur l’administration américaine pour forcer Israël à geler les colonies de peuplement.

Ils ont tout autant nié qu’il s’agissait d’un moyen de réparer l’image fortement dégradée d’Abbas après qu’il ait décidé de reporter la discussion [devant la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unis] sur le rapport Goldstone qui accuse Israël de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors de sa dernière agression contre Gaza.

Certains ont aussi accusé Abbas d’avoir fait l’annonce de sa démission de façon à rester au pouvoir aussi longtemps que possible - en particulier avec le Fatah qui a organisé plusieurs manifestations publiques pour demander qu’il reste président. Beaucoup d’observateurs dans la bande de Gaza et en Cisjordanie comparent toutes ces initiatives avec celles de certains dirigeants arabes qui veulent obtenir un soutien populaire.

Des soupçons sont apparus concernant les véritables intentions d’Abbas, dans le débat qui a suivi son communiqué. A l’exclusion des porte-parole du Fatah, les observateurs politiques et intellectuels en Cisjordanie ont invité Abbas à reconnaître que ses objectifs politiques avaient échoué après avoir toujours maintenu que la négociation avec Israël était la seule solution.

D’autres ont exploité cette annonce comme une occasion de rappeler à Abbas que lorsque les Accords d’Oslo ont été signés, le nombre de colons dans la seule Cisjordanie était de 109 000. Aujourd’hui, 16 ans après Oslo, le nombre de colons dépasse les 300 000.

Beaucoup de Palestiniens pensent que sous l’administration du président américain Barack Obama, comme l’a exprimé la secrétaire d’État Hillary Clinton qui a déclaré que le gel des colonies n’était pas une condition préalable à des négociations, Israël continuera à abuser des négociations comme d’un parapluie afin de poursuivre sa politique de colonisation et de judaïsation jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de terres sur lesquelles discuter.

Le scepticisme quant aux intentions d’Abbas est aussi aggravé par le fait que tandis qu’il critique plutôt avec retenue les actions d’Israël, il condamne avec véhémence le mouvement Hamas. Dans les meetings et lors des apparitions dans les médias, Abbas a poursuivi ses attaques virulentes contre le Hamas, amenant de nombreux observateurs a interpréter cela comme une indication claire que son annonce de démission ne favorisera pas une réconciliation nationale palestinienne.

Dans le même temps, M. Abbas s’est montré d’une irritabilité sans précédent envers le Hamas et les partis arabes. Il a été rapporté que lors de réunions privées Abbas a laissé éclater sa colère contre le secrétaire général de la Ligue arabe parce que celui-ci avait refusé de couper les ponts avec le Hamas.

Khaled Mechaal, responsable du bureau politique du Hamas, a instamment demandé à Abbas de cesser « ses concessions à Israël », et lui a demandé d’être honnête avec le peuple palestinien et d’admettre l’échec de l’option des négociations. « L’acceptation d’un terrain d’entente avec Israël à Oslo, en 1993, n’a ni arrêté l’expansion des colonies israéliennes, ni rapproché les Palestiniens de la création d’un Etat indépendant sur les territoires occupés depuis 1967 », a affirmé M. Mechaal. « Tout dirigeant qui est déterminé à propos de Jérusalem, du droit au retour, de la terre, et de la disparition des colonies doit savoir que la route vers ces objectifs ne passe pas par la négociation ni en s’appuyant sur les Américains, mais par la résistance du Jihad et l’unité nationale ».

Mohamed El-Hindi, membre du bureau politique du Jihad islamique, a été encore plus critique à l’égard d’Abbas. « Celui qui admet l’échec de son programme politique devrait se retirer du pouvoir au lieu de lancer des menaces en l’air », a-t-il rétorqué. « La cause palestinienne a reculé durant les négociations entre l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP] et Israël, et Mahmoud Abbas était le plus favorable à ces négociations. Après cet échec, il doit quitter son poste. »

Il a ajouté qu’il était erroné de se concentrer sur les aspects personnels de l’annonce d’Abbas, car elle fausse la vérité sur son programme politique en échec. « Si Abbas est si choqué par l’insistance d’Israël sur les colonies, pourquoi continue-t-il à prendre pour cible les mouvements de résistance en Cisjordanie tout en poursuivant sa collaboration avec l’armée israélienne ? » demande El-Hindi.

De nombreux porte-parole des organisations palestiniennes estiment que personne ne s’attend à ce qu’Abbas appelle à un retour à la résistance armée contre Israël... Dans le même temps, ils ne peuvent comprendre comment Abbas peut exprimer sa déception concernant les actions d’Israël, mais tout en aidant le gouvernement du premier ministre Binyamin Netanyahou en traquant les combattants de la résistance palestinienne en Cisjordanie et en arrêtant leurs partisans. Ils affirment que ces arrestations ne sont pas liés à des divisions internes.

Les représentants de ces organisations sont persuadés que la réponse évidente aux actions d’Israël et des Etats-Unis est que le gouvernement de Ramallah mette fin à la coordination sécuritaire avec les forces d’occupation et soutienne le peuple palestinien sur sa terre, plutôt que d’abandonner cette responsabilité.

C’est également l’avis du chef du Fatah Hatem Abdel-Qader, qui était précédemment en charge du portefeuille de Jérusalem dans le cabinet du premier Ministre Salam Fayyad, mais qui a démissionné en signe de protestation contre la complaisance du gouvernement de Fayyad à l’égard des crimes d’Israël à Jérusalem.

L’écrivain et analyste politique palestinien Zakaria Mohamed a affirmé que le discours de démission d’Abbas n’était pas destiné à la population palestinienne, mais principalement à l’administration américaine et à Israël. Selon Mohamed, Abbas a reçu une véritable gifle de la part de Washington après que Clinton ait déclaré que « l’administration des Etats-Unis traitera avec M. Abbas, quelle que soit sa position. » Cela signifie que l’administration américaine ne tentera pas de faire revenir Abbas sur sa décision.

En outre, Mohamed a ridiculisé les manifestations en faveur du président palestinien, disant qu’elles auraient été recevables si le discours d’Abbas avait été destiné au peuple palestinien plutôt qu’aux Américains. « M. Abbas a de sérieux problèmes », explique Mohamed. « S’il annule son abdication, il sera en retour un leader beaucoup plus faible, et s’il démissionne, il n’aura pas procédé à un transfert en douceur et organisé du pouvoir ».

Au lieu de cela, M. Abbas aurait dû appeler le peuple palestinien à rechercher d’autres options puisque la voie des négociations est bloquée, a suggéré Mohamed. « le problème d’Abbas est qu’il ne peut pas accepter le fait qu’il nous a menés à une impasse qui a été clairement vue comme telle dès le départ », ajoute-t-il. « Il était clair depuis au moins l’année 2000, donc après les entretiens de Camp David II, que cette route ne mènerait nulle part. Et cela est devenu absolument évident pour tout le monde depuis 2002, lorsque les villes de Cisjordanie ont été envahies et [feu le président palestinien Yasser] Arafat été placé en état de siège ».

Les Palestiniens conviennent généralement que pour être en mesure de répondre aux actions d’Israël et des Etats-Unis, il faut la fin des divisions internes. Ils conviennent également qu’il est ironique que l’un des obstacles empêchant la réconciliation nationale soit l’insistance de M. Abbas pour que tout gouvernement palestinien se plie aux conditions du Quartet, à savoir la reconnaissance d’Israël, le renoncement à la résistance présentée comme une forme de terrorisme, et l’acceptation des accords précédemment signés avec Israël.

La question dont on se préoccupe dans les territoires palestiniens en ce moment est de savoir si la colère d’Abbas contre Israël et les États-Unis est crédible - surtout qu’il continue à promouvoir les conditions du Quartet. L’opinion générale est que le respect des exigences du Quartet sont uniquement bénéfiques à Israël.

Même si M. Abbas était sincère et ne participait pas aux prochaines élections, cela ne veut pas dire qu’il démissionnerait de son poste actuel parce qu’il aurait réalisé qu’il était impossible d’organiser des élections selon le décret publié plus tôt. Par conséquent il restera de facto président de l’Autorité palestinienne jusqu’à ce que les élections aient lieu après qu’une réconciliation nationale ait abouti. Mais ceci semble un objectif en soi difficile à atteindre.

Abbas affirme ne pas désirer le pouvoir, mais ses comportements vont dans le sens opposé et laissent entendre qu’il est prêt à aller loin pour s’accrocher à son poste. Toute personne ayant suivi le sixième congrès du Fatah sait déjà que M. Abbas n’est pas sérieux lorsqu’il parle d’abandonner ses fonctions, surtout que, durant le congrès, il a tenté de s’imposer comme le seul leader du mouvement. Il a également violé la Charte de l’OLP en organisant une réunion du Conseil National Palestinien sans réunir le quorum nécessaire, afin de pourvoir aux sièges vacants à la direction de l’OLP.

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14 novembre 2009 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :

http://weekly.ahram.org.eg/2009/972...
Traduction : Claude Zurbach