jeudi 10 septembre 2009

« le gouvernement israélien a choisi les colonies »

publié le mercredi 9 septembre 2009

Entretien avec Saeb Erakat
Saeb Erakat est le négociateur en chef de l’Autorité palestinienne. Il était de passage à Paris le vendredi 4 septembre, aux côtés du président palestinien Mahmoud Abbas (tous deux ont été reçus à l’Elysée par Nicolas Sarkozy). Saeb Erakat évoque l’hypothétique relance des négociations de paix israélo-palestiniennes, et avant tout les dernières informations concernant la colonisation israélienne, que l’Etat hébreu envisage de relancer avant d’accepter un éventuel gel exigé par la communauté internationale, Etats-Unis en tête.

RFI : Le gouvernement israélien envisage de bâtir de nouveaux logements dans les colonies juives de Cisjordanie, puis seulement ensuite d’accepter un gel limité de la colonisation. Comment réagissez-vous ?

Saeb Erakat : Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une manœuvre du gouvernement israélien. Je pense qu’ils n’ont jamais été aussi clairs qu’aujourd’hui. Que dit le gouvernement israélien ? « Nous allons poursuivre la colonisation. Nous n’allons pas l’arrêter alors que c’est l’une des obligations contenues dans la Feuille de route. Nous allons construire 2 500 logements. Nous allons lancer des appels d’offre pour des centaines d’autres constructions. Et après, si vous le voulez, nous pouvons parler de gel ! ». Donc, que disent-ils au président Obama ? Qu’ils se moquent de sa demande d’un gel de la colonisation conformément à la Feuille de route. Je pense qu’ils sapent les efforts de l’administration Obama. Ils sapent les efforts du président français. Ils sapent nos efforts à nous les Palestiniens, les efforts arabes, ceux de la Russie, des Nations unies. Je pense que le gouvernement israélien avait le choix entre les colonies et la paix, et qu’il a choisi les colonies.

RFI : Quelles sont les conditions pour une rencontre entre le président Abbas et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, autour de Barack Obama, ce mois-ci en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York ?

SE : Nous ne posons pas de conditions. Quand nous disons qu’Israël doit cesser la colonisation, y compris pour la croissance naturelle des colonies, ce n’est pas une condition palestinienne, c’est une obligation israélienne. Quand nous disons que nous voulons reprendre les pourparlers en vue d’un accord permanent sur Jérusalem, les frontières et les réfugiés, nous ne posons pas de conditions : c’est une obligation israélienne. Donc nous voulons qu’Israël remplisse ses obligations et nous pourrons reprendre la négociation.

RFI : Comment jugez-vous les pressions américaines sur le gouvernement israélien ?

SE : Je ne veux pas utiliser le terme de « pressions ». Les Etats-Unis ont affirmé leur intérêt pour l’établissement d’un Etat palestinien. La France, la Russie, la communauté internationale ont fait de même. Et quelle vue d’ensemble de la région avons-nous maintenant ? Soit elle tombe aux mains de Ben Laden, un extrémiste, si la colonisation continue comme d’habitude. Soit nous pouvons pousser cette région vers les modérés et la stabilité, si nous mettons un terme à l’occupation israélienne. Notre choix de Palestiniens est de poursuivre les négociations de paix. Nous pouvons parvenir à une paix reposant sur le principe de « Deux Etats ». En Israël, ceux qui pensent pouvoir continuer à parler de paix tout en dictant le résultat des négociations avec davantage de colonies, de murs, de fait accompli, ceux-là poussent la région dans les bras des extrémistes.

RFI : Israël attend toujours des Palestiniens qu’ils le reconnaissent comme « Etat juif ». Que répondez-vous ?

SE : Nous avons reconnu le droit d’Israël à exister sur 78% de la Palestine historique. Je ne me soucie pas du nom qu’Israël veut se donner. Mais si je vais à l’ambassade d’Israël à Paris, je vois une plaque à l’entrée qui dit « Etat d’Israël ». C’est ce nom qu’Israël me demande de reconnaître, c’est leur certificat de naissance aux Nations unies. Je les reconnais comme « Etat d’Israël ». Mais s’ils veulent s’appeler « la Nation biblique, antique, juive de David, Salomon et Rachel » ou n’importe quel autre nom, c’est leurs affaires ! Pas les miennes ! J’ai reconnu l’ « Etat d’Israël ». Et c’est vraiment embarrassant pour eux de me regarder dans les yeux et de dire « nous avons 1 million et demi de citoyens arabes, musulmans et chrétiens, mais nous attendons de vous que vous nous reconnaissiez comme Etat juif » !

RFI : Sur le plan interpalestinien, peut-il y avoir une réconciliation ? Et des élections l’an prochain ?

SE : C’est ce que nous voulons. Le Hamas est un parti politique qui a remporté les élections. La démocratie n’a pas échoué en Palestine : c’est le Hamas qui a échoué. Le Hamas ne peut pas dire « comme nous avons gagné les élections, les Nations unies doivent modifier leur Charte et ses résolutions, la Ligue arabe doit renoncer à son initiative et l’OLP doit annuler les accords passés avec Israël ». La première chose que fait un gouvernement qui arrive aux affaires, c’est de publier une déclaration dans laquelle il dit respecter les engagements des précédents gouvernements. Donc aujourd’hui le Hamas doit faire un choix. Ce coup d’Etat ne peut pas continuer. Ce coup d’Etat est devenu une arme dans les mains de Netanyahu. Par ailleurs, quand les peuples sont divisés – et particulièrement les Palestiniens sous occupation – la solution n’est pas dans les armes mais dans les urnes. Nous disons donc au Hamas : « organisons des élections ». Mais ils répondent par la négative. Je pense que nous traversons une grave crise interne et que si nous ne travaillons pas à en sortir, personne ne nous aidera à le faire. =

Propos recueillis par Nicolas Falez

publié par RFI

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