dimanche 9 août 2009

Le CHUV renonce à Eden et passe à l’eau du robinet

Nous avons le plaisir de reproduire ici un article de Christian Campiche, un journaliste suisse sans parti pris qui accomplit très honnêtement son devoir d’investigation. Un bel exemple de ce que doit être le journalisme dit « d’investigation. En effet, après avoir interpellé à plusieurs reprises le CHUV, Centre hospitalier universitaire vaudois (*), suite aux protestations de patients qui s’étonnaient que cet hôpital public mettait à la disposition de ses patients une eau portant l’étiquette du groupe israélien Eden Springs – un groupe qui exploite notamment les sources d’eau du Golan, territoire syrien occupé par Israël en violation des résolutions de l’ONU - Christian Campiche informe ici ses lecteurs que la direction de l’hôpital a finalement changé de fournisseur. Silvia Cattori
7 AOÛT 2009

Le CHUV renonce à Eden et passe à l’eau du robinet

Christian Campiche
Le CHUV n’est plus un paradis pour l’eau Eden Springs, titrions-nous dans ces mêmes colonnes, en septembre 2008. Il l’est d’autant moins aujourd’hui que la marque israélienne a été carrément boutée hors des locaux de l’établissement hospitalier vaudois, remplacée par les bonbonnes d’eauEdelvia.

Il y a un peu moins d’une année, nous écrivions que la substitution des bonbonnesEden Springs était à l’étude au CHUV. Ce dernier a tenu promesse : « Le marché de bonbonnes d’eau au CHUV a été attribué il y a quelques semaines à Edelvia sur la base du meilleur prix dans une procédure d’appel d’offres. Plus de la moitié de la consommation sera transférée pendant l’hiver 2009-2010 sur des postes accédant au réseau d’eau potable », précise Oliver Peters, directeur administratif et financier du CHUV. Lequel ajoute que le coût de l’approvisionnement en bonbonnes sera ramené à environ 40’000 francs par année, soit une économie de 50’000 francs pour le CHUV.

Comme l’an dernier, M. Peters ne se prononce pas sur la question de savoir si le changement de stratégie en matière d’approvisionnement d’eau au CHUV est la conséquence de l’implantation d’Eden Springs dans le Golan. « Périodiquement, le renouvellement du contrat est mis au concours », souligne-t-il. Aux mains de l’homme d’affaires israélien Roni Naftali, le groupe Eden Springs, dont le siège européen est basé à Préverenges, non loin de Lausanne, exploite une source sise à Dorénaz, en Valais. Ce qui n’empêche pas certaines ONG d’associer son logo à l’occupation de la Palestine, un territoire qui manque cruellement d’eau. Sensible à la cause palestinienne, la journaliste indépendante Silvia Cattori est intervenue auprès de la direction du CHUV pour demander que le CHUV retire l’eau Eden de ses services.

Fondée en août 2008 et dirigée par un ancien cadre d’Eden Springs, Cyril Halifi, la société Edelvia, qui approvisionne désormais le CHUV, est une émanation de Cristalp Fontaine, une unité d’affaires revendue en 2007 par Nestlé Waters. S’approvisionnant à la source lucernoise Knutwiler, une enseigne qui existe depuis le XVe siècle et abreuve plusieurs hôpitaux du canton de Lucerne, elle revendique la place de numéro 2 du marché suisse des fontaines à eau, derrièreEden. Dans son actionnariat (où figure aussi Julian Cook, le fondateur de la compagnie d’aviation Baboo), on retrouve un autre ancien dirigeant d’Eden Springs, Vincent Nguyen.

Reste à savoir si le changement opéré, qui va dans le sens de la pratique suivie à Genève et Fribourg (dont les hôpitaux utilisent l’eau du robinet), désaltérera la curiosité de Jacques Neirynck. Construit avec l’aide de la Confédération, le CHUV est subventionné par l’Etat. Suite à l’article de « La Liberté », le député vaudois, auteur d’un ouvrage critiquant l’eau en bouteilles « mille fois plus chère » que l’eau du robinet, a promis de déposer une interpellation au Conseil national [1].

Christian Campiche
Article paru dans deux quotidiens suisses : “La Liberté” et “Le Courrier”du 6 août 2009.