mardi 18 août 2009

Israël se débat avec le problème iranien

publié le lundi 17 août 2009

Ramzy Baroud
Les responsables israéliens sont confrontés à une énigme qui pourrait nécessiter plus que le déploiement de leurs muscles militaires pour être résolue : comment s’occuper de l’Iran ? La solution à ce dilemme ne nécessitera pas moins que du pur génie politique.

Cela doit être énervant pour les décideurs israéliens, leurs amis et leurs soutiens partout dans le monde de rester à se tourner les pouces alors que l’Iran poursuit son programme d’enrichissement nucléaire, ne faisant face à rien de plus que des bravades de la part des Américains et des Européens et à une simple menace de sanctions supplémentaires qui ne feront probablement pas plier la détermination iranienne.

Considérant l’aisance relative qui a conduit les Etats-Unis, leur timide coalition et leurs adulateurs israéliens à déclencher une guerre contre l’Irak, cela est doublement frustrant. Hélas, ces temps sont révolus depuis longtemps ! A présent, les Etats-Unis masquent avec inquiétude leur échec en Irak en mettant la pression sur la nécessité de s’occuper de batailles plus urgentes ailleurs, à savoir, en Afghanistan.

Sans tenir compte de la raison pour laquelle les Etats-Unis ont pris l’Irak pour cible et pourquoi leurs objectifs n’ont pas été remplis, les propres calculs d’Israël ont été couronnés d’un succès surprenant, puisque la menace irakienne (fabriquée ou réelle) a été éliminée et que les fantômes du chaos hanteront probablement ce malheureux pays pour les années à venir.

Maintenant, c’est au tour de l’Iran. En fait, c’est son tour depuis des années, mais rien ne semble bouger sur ce front. Si l’expérience irakienne avait été couronnée de succès, les Etats-Unis auraient assurément sauté sur l’occasion de piétiner l’Iran, un pays riche en pétrole dont la position stratégique est cruciale. Contrôler l’Iran aurait été la pièce manquante du puzzle qui aurait repoussé les frontières du contrôle et de l’influence des Etats-Unis pour croiser le fer, si nécessaire, avec les géants asiatiques et, évidemment, la Russie.

Mais un mouvement militaire étasunien contre l’Iran, dans les circonstances actuelles, ne serait rien de moins qu’un suicide militaire. L’Irak a établi les limites de la capacité de l’armée américaine, inspirant les Taliban à établir les leurs. Juillet 2009 restera dans l’histoire le mois où les forces américaines auront enregistré le plus grand nombre de pertes. Ce mois de juillet meurtrier promet d’être répété à de nombreuses reprises alors que les audacieux Taliban et toutes sortes de milices tribales en Afghanistan émergent plus forts et plus au point qu’auparavant.

Une attaque à grande échelle des Etats-Unis contre l’Iran – et, inutile de dire, l’invasion et l’occupation qui s’ensuivraient – est tout simplement invraisemblable. Si une telle imprudence devenait réalité, un enfer absolu se déclencherait également en Irak, considérant les liens politiques et sectaires solides qui unissent les deux pays qui partagent également une frontière infinie.

C’est précisément la source de la frustration parmi les responsables israéliens, qui ont compté sur la générosité militaire des Etats-Unis pour intimider les ennemis d’Israël ou, comme ce fut le cas en Irak, pour les démanteler.

La contrariété israélienne a dû aussi se transformer en pure rage lorsque la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a une fois de plus remis à l’ordre du jour la question d’un « parapluie défensif » sur le Proche-Orient, afin de le protéger contre une future attaque nucléaire iranienne.

« Si les Etats-Unis étendent un parapluie défensif sur la région, si nous faisons encore plus pour développer la capacité militaire de ceux dans le Golfe, il sera improbable que l’Iran soit plus fort ou plus sûr parce qu’ils ne pourront pas intimider et dominer comme ils pensent apparemment pouvoir le faire, une fois qu’ils auront une arme nucléaire », aurait-elle dit lors d’une interview à une chaîne de télévision thaï.

La réinvention par Clinton de l’idée d’un parapluie défensif – introduite par un rapport publié le 4 mars dernier par un think-tank israélien, l’Institut de Washington sur la Politique au Proche-Orient (le WINEP) – est en contradiction avec sa promesse enthousiaste « de rayer complètement de la carte » l’Iran si jamais il attaquait Israël, tout en essayant de leurrer ses supporters durant les primaires présidentielles de l’année dernière. Il semble que les Etats-Unis – malgré l’utilisation d’un langage menaçant – se dirigent vers l’idée de vivre avec et de « contenir » un Iran nucléaire, mais, comme l’on peut s’y attendre, ce n’est pas la position d’Israël.

Le gouvernement de droite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou manœuvre à présent pour inciter les Etats-Unis à adopter une position plus ferme envers l’Iran, en particulier alors que la récente déstabilisation intérieure de la République Islamique n’a pas réussi à accoucher. Les manœuvres israéliennes sont à la fois politiques et militaires. The Times a rapporté un accord donnant-donnant dans lequel des « concessions » israéliennes concernant ses colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés seraient payées de retour par une approbation des Occidentaux pour une attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes. « Israël a choisi de placer la menace iranienne au-dessus de ses colonies », a déclaré un haut diplomate de l’Union Européenne au Times, le 16 juillet.

Ce plan politique a été compété par une démonstration de force, puisque deux navires de guerre israéliens lanceurs de missiles et un sous-marin capable de lancer une frappe nucléaire auraient reçu l’autorisation de traverser pour la première fois le Canal de Suez. Ce déploiement sans précédent dans la Mer Rouge était destiné à signaler que l’Iran se trouve à portée des Israéliens. Ce message portait toutefois une signification politique plus profonde – qu’Israël est capable de frapper l’Iran avec l’aide d’alliés dans la région. Autrement dit, ce n’est pas Israël qui est le camp isolé dans ce conflit. De plus, considérant les sérieuses tentatives des Etats-Unis destinées à affaiblir l’alliance irano-syrienne, le message du Canal de Suez était encore plus chargé politiquement, bien que sa valeur militaire doive encore être déterminée.

Militairement, les choses ne sont pas très prometteuses, puisque l’exercice militaire israélien claironné sur tous les toits – mené récemment aux Etats-Unis – a enregistré peu de succès. Israël a annulé les tests sur son système antimissile Arrow à cause de problèmes techniques. Le programme Arrow, financé à moitié par les Etats-Unis, est destiné à intercepter et à détruire les missiles iraniens, tels que les Shehab-3.

Alors que l’option militaire américaine contre l’Iran se dissipe largement, la frustration et les inquiétudes d’Israël grandissent. Si l’Iran n’est pas neutralisé militairement – comme les Etats-Unis le firent avec l’Irak – alors un Iran nucléaire est une question de temps. Si Israël frappe l’Iran, il n’y aura aucune garantie qu’une telle action – qui nuirait certainement aux intérêts stratégiques des Etats-Unis – détruirait en aucune manière ou même ralentirait le programme nucléaire iranien.

Les Etats-Unis et leurs alliés européens semblent ne plus avoir d’idée sur la manière de s’occuper de l’Iran, laissant Israël avec une énigme majeure : soit vivre dans la crainte potentielle d’un Iran nucléaire, qui serait de ce fait une puissance régionale sur le long-terme, ou frapper la République Islamique dans l’espoir que son régime perçu de façon erronée comme « branlant » se désagrègerait rapidement, laissant les Etats-Unis ramasser les morceaux et toute la région supporter le chaos qui s’ensuivrait sûrement.

publié par Asia Times Online, le 2 août 2009

http://atimes.com/atimes/Middle_Eas...

article original : "Israel wrestles with Iran problem"

et en français par Questions critiques

http://questionscritiques.free.fr/e...

Traduction : JFG-QuestionsCritiques.