mardi 30 juin 2009

Les balcons couverts

lundi 29 juin 2009 - 07h:10

Gideon Levy
Ha’aretz



Merci à Obama, nous sommes retournés à la question fatidique, fondamentale : l’occupation israélienne va-t-elle durer encore quarante autres années, ou le monde a-t-il fini par en être rebuté et décidé d’y mettre fin ?

Ca m’a rappelé l’image de mon enfance : de ce colporteur mutilé qui frappait à nos portes le soir, nous présentant de pauvres articles, des serpillières, des lames de rasoir, qu’il sortait de sa valise en bois. Il nous inspirait un mélange de terreur et de compassion, mais personne ne voulait de sa marchandise. Je me suis souvenu de lui la semaine dernière, quand j’ai vu les photos du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui frappait à la porte des dirigeants de l’Italie et de la France, parmi les derniers amis d’Israël.

De capitale en capitale, notre Benjamin Netanyahu a fait son tour, essayant de faire croire que les balcons à ciel ouvert dans les colonies avaient été couverts. Partout où il allait, il entendait la même chose. Les portes lui claquaient à son nez de marchand ambulant mais lui, Netanyahu, il insistait, cherchant à négocier un arrangement, peut-être comme pour cette ville italienne, San Gimignano, en haut d’une colline et dont les maisons ont été construites en hauteur, il insistait, essayant inutilement de continuer à jongler. Même Silvio Berlusconi, dont les positions pro-israéliennes sont parfois ridicules et embarrassantes, lui a fermé la porte au nez.

Mais ne soyons pas injuste avec le colporteur mutilé de notre enfance, il essayait d’avoir une vie honnête. Netanyahu, lui, essaie de tromper. Il va couvrir les balcons, mais il va aussi construire 100 nouvelles maisons.

C’est grotesque mais ce serait drôle si cela ne touchait à une question aussi fatidique. En 100 jours, Netanyahu a réussi à retourner le monde entier contre lui, y compris les derniers amis qui nous restaient. Washington a renvoyé son émissaire, Isaac Molho, en disgrâce, lui aussi avait essayé de vendre la solution balcons. La rencontre avec l’émissaire US pour le Moyen-Orient, George Mitchell, a été annulée, et Netanyahu est lui-même devenu un objet de risée à Paris et à Rome. Et tout ça pour un balcon, une farce israélienne qui voulait désespérément duper le monde.

Netanyahu est resté tout nu. Un Premier ministre sans programme est la pire nouveauté possible pour Israël. Un « Mr Terrorisme » sans terrorisme, un « Mr Iran » sans Iran. Même un Thatchérien sans thatchérisme, lequel a rendu son dernier soupir. Toutes les craintes qu’il avait générées et sur lesquelles il avait construit sa carrière, toutes se sont dissipées ou ont été écartées d’un coup. Netanyahu s’est retrouvé avec rien. Il n’a rien à proposer. Sa valise est vide. Vous ne pouvez plus faire peur au monde avec le terrorisme palestinien, parce que - que faire ? - il n’y en a pas eu depuis longtemps, touchons du bois.

La seconde carrière de Netanyahu, en tant que « Mr Iran, » a été reportée sine die car inopportune. Avec un régime iranien qui s’est trouvé divisé face à une manifestation populaire si impressionnante et si courageuse, et avec le Président U.S. Barack Obama qui tente de changer de cap, Netanyahu peut-il continuer à aller à contre-courant avec le danger de la bombe, comme il l’a fait encore une fois d’une manière ridicule au cours de sa tournée européenne ?

C’est comme tirer sur un vaisseau fantôme. Il n’y a pas d’acheteurs pour la marchandise iranienne de Netanyahu. Bombe ou pas bombe, personne n’a gobé notre couverture des balcons.

Quelle image pathétique : un Premier ministre israélien, venant juste de se faire élire avec d’autres promesses, qui s’en va à travers le monde avec de tels produits moisis. Pendant qu’Obama parle grand, Netanyahu parle le plus petit du petit. Pendant qu’Obama se montre le porteur d’un changement historique, on voit Netanyahu accaparé par des futilités, comme un petit vendeur qui essaye de placer des babioles de mauvaise qualité que personne ne veut.

Merci à Obama, nous sommes retournés à la question fatidique, fondamentale : l’occupation israélienne va-t-elle durer encore quarante autres années, ou le monde a-t-il fini par en être rebuté et décidé d’y mettre fin ? Obama nous envoie des signaux, il a choisi la seconde option. La controverse sur le gel des colonies est donc bien une « perte de temps », comme l’a dit Netanyahu en Europe. Le temps est venu d’aller au cœur de la question : il faut évacuer. Les paroles de Netanyahu à l’université de Bar-Ilan sont par conséquent futiles. Deux Etats, ça ne se commence pas en couvrant les balcons, mais en les évacuant.

Pour Netanyahu, tout ce qui reste, et plus vite qu’on pouvait le croire, c’est de survivre - devant les Etats-Unis et le parti Habayit Hayehudi (la Maison juive). En mars 2007, j’ai écrit ceci : « Le Premier ministre, qu’est-ce qu’il fait dans la vie ? Il se lève le matin, mais le matin ne se lève pas en lui. Il va se coucher le soir et qu’a-t-il en tête ? Qu’il a réussi une fois encore à satisfaire l’Administration américaine et à rejeter les signaux des Syriens ? Que va-t-il se dire le Premier ministre, à la fin de sa première année de fonction ? Et de la seconde ? Croit-il qu’il va laisser derrière lui autre chose que des survivants ? »

Je parlais alors du prédécesseur de Netanyahu, Ehud Olmert. Un an et demi plus tard, Olmert est fini, laissant derrière lui les restes des champs de batailles de deux guerres inutiles. Mais mes propos, à ma grande tristesse et à ma grande honte, s’appliquent doublement au successeur d’Olmert.

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